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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce livre magnifique écrit par Natasha Trethewel est un mausolée dédié à sa mère afro-américaine, Gwendolyn Grimmette, assassinée à 40 ans par son second époux dont elle venait de divorcer après des années de maltraitances. L'autrice, née d'un mariage interracial revient sur cette tragédie qui a changé sa destinée et se remémore ce jour de juin 1985 à Atlanta alors qu'elle n'a que 19 ans où elle reçoit un appel tant redouté lui annonçant l'assassinat de sa mère par son beau père. Ne lui reste d'elle que quelques affaires et l'image traumatisante de sa silhouette tracée à la craie sur le trottoir devant son appartement de Mémorial Drive. Des décennies plus tard elle revient vivre à Atlanta et part sur les traces de son passé qu'elle ne parvient plus à fuir et qu'elle a besoin de reconstituer pour ressusciter le souvenir évanescent de sa mère. Elle se souvient de son Mississippi natal d'avant le divorce de ses parents, de la ségrégation raciale et de son installation à Atlanta où, fusionnelles, elles coulent des jours heureux jusqu'à ce que la dyade mère/fille explose avec l'arrivée de Joël alias Big Joe dans leur vie et la naissance de son frère. Un homme violent, persécuteur et intrusif qui met à mal leur complicité. Après des années d'abus sa mère trouve la force de fuir et commence une nouvelle vie mais un destin funeste la rattrape. Ce récit captivant est à la fois factuel, spirituel et allégorique avec souvenirs, rêves, réflexions, déposition, transcription d'enregistrements téléphoniques de sa mère et son bourreau, confessions écrites. Ce qui m'a le plus touchée c'est le somptueux portrait en clair-obscur et à contre-jour empreint de mysticisme de sa mère où elle l'érige sur un piédestal comme icône sacrée au visage nimbé de lumière avec des passages somptueux superposant à la figure maternelle, au lien filial et à des scènes de leur vie intime des images bibliques de la Vierge et du baptême. Natasha fait émerger Gwendolyn des profondeurs de la mémoire et lève le linceul sur son visage et l'oubli, la revoit enfin intacte, transfigurée et vivante comme elle l'était avant Big Joe, avant de rejoindre le mémorial céleste de toutes les mères « Gone to glory ».
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Natasha Trethewey n'est encore qu'une enfant quand ses parents divorcent. La petite fille métisse reste discrète et renfermée, ne trouvant pas vraiment sa place entre son père blanc et sa mère noire. Mais quand elle quitte le Mississipi avec sa mère pour Atlanta, elle ne pense pas devoir partager cette nouvelle vie avec le nouveau compagnon de sa mère, Joël Grimmette que la jeune Natasha surnomme Big Joe, un homme violent. Après de nombreuses plaintes et de mauvais traitements, sa mère sera assassinée par ce dernier.

Memorial Drive, c'est le grand boulevard qui cerne Atlanta mais c'est surtout le récit d'un feminicide, reconstitué par Natasha, la fille de la victime. A l'aide de son propre journal, de documents qui lui sont communiqués tardivement par un enquêteur, des témoins qu'elle interroge, elle reconstruit l'histoire pour obtenir la chronologie, mais surtout pour exorciser son rôle dans cette violence que son beau-père a dirigé vers sa mère, presque par défaut, une autre étant visée par cette violence et cette volonté de tuer.
Natasha Trethewey livre un témoignage personnel, humain dans lequel elle expose les faits et surtout le chantage affectif, les menaces, la terreur domestique dont le beau-père a fait preuve avant d'en arriver au pire avec le feminicide de sa femme.
Un texte fort, remarquablement écrit.
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Drame ; racisme ; quête identitaire ; écriture rédemptrice…

Il est des thématiques pour lesquelles nous croyons avoir tout lu, tout vu. Et puis un matin d'été, tu ouvres et dévores Memorial Drive, de Natasha Trethewey, traduit par Céline Leroy. Et tu comprends qu'on n'en aura jamais fini d'écrire sur ces sujets. Et tant mieux quand c'est fait avec autant de talent, de puissance, de style et d'intelligence. Car c'est sans doute là qu'on approche de ce qu'on appelle littérature.

Memorial Drive, c'est l'histoire d'un féminicide horrible, celui de Gwendolyn la mère de l'auteure, survenu en 1985 alors que tous les signaux évocateurs auraient permis de l'éviter. Comme tous les autres…

Memorial Drive, c'est une enquête passionnée sur les origines du drame, né dans le racisme latent du Mississippi de l'après-guerre puis entretenu par la violence larvée et manipulatrice de « Big Joe », beau-père psychopathe de l'auteure.

Memorial Drive est une approche chronologique et documentée des paliers successifs qui amènent au drame, mélangeant habilement le récit, les témoignages, les rapports de police et les retranscriptions d'entretiens de menaces, qui additionnés résonnent comme autant d'avertissements sans effets.

Mais surtout…

Memorial Drive est un formidable cri d'amour de l'auteure à cette lignée de femmes Turnbough dont elle est issue : la grand-mère pivot de famille, la grand-tante Sugar, la tante Lizzie et enfin Gwendolyn, mère merveilleuse et protectrice.

Memorial Drive, est un livre catharsis d'une survivante qui malgré les années et les rêves souvent porteurs de signes, n'est pas parvenue à se libérer de sa culpabilisation. Jusqu'à ce que l'écriture fasse son effet, lui faisant remplacer le « je » du récit, avec le « tu » de celle qui a enfin réussi à se placer au-dessus de l'événement, spectatrice-analyste de son propre drame.

Memorial Drive est un livre intelligent dans sa construction, traversant les registres de l'émotion et du sordide dans une montée en horreur qui atteint l'inacceptable et l'injuste, par la seule force de la puissance de l'écriture de Natasha Trethewey.

Memorial Drive est un livre qui t'embarque dans son trauma. Tu grandis avec Tasha, tu aimes et rêves avec elle. Et puis tu souffres, angoisses, enquêtes et analyses avec elle. Et l'inclusion ayant fait son oeuvre, tu te retrouves toi aussi à entrer en totale empathie avec Gwendolyn.

Bref, Memorial Drive est un grand livre de littérature.
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Ce n'est pas un roman et surtout pas une romance, mais un récit autobiographique particulièrement douloureux.

Memorial Drive, c'est la route de la mémoire et c'est aussi une rue où l'autrice a habité et où sa mère a été assassinée par son conjoint.

Natasha est née d'un père à la peau blanche et d'une mère afro-américaine, dans les années 60, alors que les mariages « mixtes »étaient illégaux dans plusieurs états. le père parti, sa mère a travaillé très fort pour réussir à élever sa fille. Mais un jour, un autre homme est entré dans sa vie, un survivant de la guerre du Vietnam, dont elle découvrira peu à peu l'instabilité mentale, puis la violence.


Alors comment peut-on vivre cela? Comment garder ou exclure des souvenirs de sa mère? Comment aimer sa mère morte et lui en vouloir de ne plus être là? Et puis se rendre compte un jour qu'on a atteint un âge que sa mère n'a jamais connu…

Une écriture forte et un récit poignant.
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Natasha Trethewey est une voix qui compte outre-Atlantique dans la poésie contemporaine.

AvecMemorial Drive, récit très émouvant, elle nous plonge au coeur de ses racines dans le sud des Etats-Unis.

C'est aussi une forme de catharsis, trente-cinq ans après le meurtre de sa mère, tuée par son ex-mari.
Dans ce très beau livre autobiographique, Natasha Trethewey nous raconte son enfance de métis ayant grandi aux États-Unis dans les années 1960-1970.

Pendant sept ans, l'écrivaine va déchiffrer quantité de documents, qui vont du rapport d'autopsie à la retranscription des dernières conversations téléphoniques de sa mère avec son meurtrier

C'était la possibilité pour l'autrice d'aborder le sujet du racisme, de la difficulté pour un couple mixte de se faire accepter, de la peur du Ku Klux Klan, de la lutte pour les droits civiques des Afro-Américains, mais également de parler avec beaucoup de tendresse de sa mère, Gwen, et de sa grand-mère. Avec Memorial Drive, elle a transformé un drame inimaginable en un livre catharsistique d'une grande beauté .
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Natasha Trethewey était une ado dans les années 80. Moi aussi. Et je me disais en lisant ce texte que pendant que je traînais avec mes copines, allais danser dans les sous-sols des pavillons de banlieue et fumais mes premières cigarettes, précisément à la même époque où pour tout et pour rien, légère et insouciante, je riais comme une folle, là-bas, de l'autre côté de l'Atlantique, dans le Sud des États-Unis, elle, l'autrice, tremblait de peur.
Parce qu'il ne fallait pas regarder les Blancs, parce que les crimes raciaux étaient courants et les membres du Ku Klux Klan nombreux, parce qu'elle avait vu le visage en bouillie d'Emmett Till dans un magazine...
Elle avait compris, la gamine, qu'il valait mieux baisser les yeux, rentrer rapidement chez soi le soir et se faire oublier... Elle savait qu'être le fruit d'un mariage mixte, d'une travailleuse sociale afro- américaine et d'un professeur d'université d'origine canadienne, dans un pays où vingt-et-un Etats l'interdisaient, pouvait conduire au pire.
Alors, chaque jour, pendant que je flottais dans un monde où mon seul souci était d'avoir assez d'argent pour pouvoir m'offrir la dernière paire de Kickers, de l'autre côté de l'Atlantique, une fille de mon âge que l'on surnommait « le zèbre » entendait ces mots : « une si jolie petite, dommage qu'elle soit noire. »
À la même époque… Et c'était presque hier…
Le choc…
Et d'un.
Deuxième uppercut: les parents de l'autrice se séparent. La mère, Gwendolyn Ann Turnbough, part vivre à Atlanta, se remarie avec un homme violent qui a fait le Vietnam. Il cogne, cogne encore, cogne toujours. Rien ne l'arrête. Elle s'enfuit, se cache, avertit les services sociaux, la police. Il la tuera. Et ce qui m'a bouleversée, c'est d'entendre la voix de cette mère, ses propres mots : la lettre qu'elle écrit et dans laquelle elle raconte sa terreur quotidienne, une déposition qu'elle fait auprès de la police et les deux dernières conversations téléphoniques qu'elle a eues avec celui qui deviendra son assassin.
Et c'est précisément cette voix que l'autrice a voulu faire entendre, la voix d'une femme courageuse, volontaire, sensible, épuisée et terrifiée.
Et c'est effectivement terrifiant. Vraiment.
Un chemin de croix extrêmement douloureux que ce retour de Natasha Trethewey vers sa mère : une lente exploration de la mémoire à travers des photos, des rêves, des mots, des chansons pour bâtir un mémorial où se réfugier, la retrouver et être enfin en paix avec soi-même.
Magnifique.
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Le chemin mémoriel de l'auteure se mêle à ses souvenirs d'enfance, à sa vénération de sa mère qui meurt sous les coups de son ex-mari. Natasha Tretheway évoque le deuil, la culpabilité et le façonnement de l'identité après un tel drame, tout en peignant l'Amérique raciste des années 1950 et 1960 en toile de fond. Outre le poignante récit des jeunes années de l'écrivaine, puis de son adolescence, jusqu'au meurtre de sa mère, Memorial Drive est aussi un ouvrage qui évoque avec beaucoup de finesse les violences conjugales et la difficulté de s'extraire de leur maelstrom (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2021/09/14/memorial-drive-natasha-trethewey/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Natasha Trethewey est une autrice et une poétesse américaine, elle est également professeure d'université. Elle est la fille d'un poète d'origine canadienne et d'une travailleuse sociale américaine. Il était blanc, elle était noire, et si certains viennet me dire « cela n'a pas d'importance », cela en a dans une Amérique dont tous les états ne reconnaissaient pas les mariages inter-raciaux. Eric et Gwendolyne divorce quand leur fille est encore jeune, Gwendolyne se remarie, divorcera de nouveau : son second mari l'assassinera peu de temps après. Natasha a 19 ans, et il lui faudra trente ans pour parvenir à écrire, à se souvenir de sa mère.
Dans ce livre, nous découvrons à la fois Natasha, l'enfant, l'adolescente, qui vit le racisme au quotidien, tristement ordinaire, y compris de la part de certains de ses enseignants, la violence, exercée par son beau-père, et l'adulte, qui se souvient, qui vit avec la douleur, qui montre les failles du système judiciaire, de l'aide que l'on peut proposer ou pas à la victime – aide qui diffère selon son statut social, comme si, aux yeux d'une des personnes à laquelle Gwendolyn s'adresse, elle aurait dû pouvoir se débrouiller seule.
En lisant ce livre, j'ai eu l'impression que pas grand chose n'avait changé en plus de trente ans, quand Natasha se remémore les violences physiques, morales, psychologiques subies par sa mère. Les transcriptions des auditions, des appels téléphoniques sont à cet égard sidérant. Ne retenir que cela serait aussi pour moi oublier que ce livre est avant tout un vibrant hommage à toutes les femmes fortes de sa lignée, sa mère, bien entendu, mais aussi sa tante Lizzie, sa grand-mère ou encore sa grande-tante. C'est ce que je souhaite avant tout retenir de ce livre, même si la lecture de certaines pages a été particulièrement difficiles.
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
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Natasha Trethewey livre avec « Memorial Drive » un récit vibrant, plein d'urgence, un hommage tendre à sa mère, Gwendolyn, assassinée en 1985 par son ex-mari.
de cette tragédie originelle, celle qui l'a fait basculer sans retour possible dans l'âge adulte de la plus brutale des façons, naîtra une vocation, celle d'écrire, de donner la voix à ces fantômes qui la hantent depuis plus de 30 ans : celui de sa mère et de son beau-père, celui de son enfance aussi.
Parce que N. Trethewey parvient à nous plonger avec une pudeur admirable dans un récit pourtant éminemment intime : celui d'une enfance et d'une adolescence dont elle a refermé la porte le jour de l'assassinat de sa mère. Hantée par la culpabilité et la douleur qui l'accompagnent depuis lors, l'écriture l'invite, la console et lui donne l'occasion finalement de retracer le chemin des souvenirs d'enfance, de l'amour de ses parents, du cocon de sa famille maternelle et de revenir sur l'horreur vécue à seulement 19 ans. En reconstruisant son histoire, elle aborde la complexité d'être née ni assez blanche ni suffisamment noire, l'admiration pour cette mère qui l'aura quittée tellement violemment, l'impuissance, la culpabilité et la violence nauséabonde de l'homme qui a choisi de tuer celle qu'il n'a jamais su aimer. Sa mère que rien ni personne n'aura réussi à protéger malgré les signes, que l'autrice traque jusqu'à l'obsession. Jusqu'à la tragédie finale.
Le pouvoir incantatoire de l'écriture de Natasha Tretheway produit un récit sublime, à partir de flashs mémoriels, de témoignages, de photos, de compte-rendus de police, de souvenirs musicaux. La magie des mots transforme ainsi ce matériau composite en une preuve d'amour assourdissante qui n'a pas fini de me hanter.
« La mort de ma mère est rachetée par l'histoire de ma vocation, lui donne un sens au lieu de faire quelque chose d'insensé. C'est l'histoire que je me raconte pour survivre. »
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«Memorial drive », Natasha Trethewey, 2021, Éditions de l'Olivier

L'autrice a mis 30 ans à affronter l'assassinat de sa mère, Gwen.
Mise devant le fait accompli, elle retrace son enfance heureuse dans le Mississippi, le divorce de ses parents, couple mixte dans un sud post-ségrégationniste et profondément raciste, son départ pour Atlanta avec sa mère, leur complicité, puis la descente aux enfers.

À vrai dire, c'est moi qui utilise le mot enfer, car Natasha Trethewey reste très factuel tout en mêlant art littéraire et auto-analyse de manière très subtile.

Sans tomber dans le témoignage larmoyant, dans le fait divers sensiationnaliste, ni dans le la psychanalyse autocentrée, elle nous livre l'adolescente qu'elle a été, effrayée par un beau-père cruel, d'une extrême violence avec sa mère. Une adolescente pétrie de culpabilité, car murée dans son silence, voire son indifférence, elle ne fera que quelques vaines tentatives pour aider sa mère. Elle semble comprendre encore difficilement son attitude. N'est-ce pas ce que nous appelons l'instinct de survie?

Un des passages du récit montre la force de persuasion de ces hommes qui considèrent les femmes comme leur objet exclusif. Il n'est pas question de folie, il y est question de domination.
L'isolement qu'a dû vivre la mère de l'autrice pour sauver sa peau est bien connu, toujours d'actualité et absolument révoltant.

C'est un très bon roman. C'est une très belle écriture.

Trad. Céline Leroy
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