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Critique de ClaireG


Le Baiser est l'oeuvre picturale la plus connue de Gustav Klimt dans le monde. Avec le portrait de la Dame en or – Adèle Bloch-Bauer. Cette Adèle a intrigué Valérie Trierweiler au point de lui consacrer un livre, fort plaisant, bien écrit et foisonnant d'informations sur cette époque à la fois trouble et grandiose marquant Vienne à la charnière du XXe siècle.

Les arts, architecture, peinture, littérature, musique, ainsi que les sciences humaines, médecine et psychanalyse et les idées sociales révolutionnent peu à peu les habitudes pompeuses et grabataires modelées par l'Empire austro-hongrois. Vienne, la majestueuse, regorge de créateurs, de chercheurs, de réactionnaires qui s'expriment à qui mieux-mieux dans les cafés ou les salons mondains.

L'appartement des Bloch-Bauer est l'un des endroits où Sigmund Freud rencontre Arthur Schnitzler, où Gustav Mahler bavarde avec Gustav Klimt, où Stefan Zweig côtoie Rainer Maria Rilke. Ferdinand Bloch-Bauer s'enrichit considérablement dans l'industrie du sucre. Il épouse Adèle et n'a de cesse de la gâter d'autant plus qu'elle a perdu deux enfants à la naissance, ce qui la rend inconsolable. Ainsi commande-t-il au célèbre Gustav Klimt, à l'apogée de son art, un portrait de sa femme tant aimée.

C'est ici que commence le roman de Valérie Trierweiler qui se veut d'amour et de passion. Elle crée cette passion entre Klimt et son modèle sur base de déclarations de la nièce d'Adèle et sur le fait qu'en dehors de sa maîtresse, Emilie Flöge, le peintre refusait de se servir deux fois du même modèle. Or, il existe bien deux tableaux d'Adèle Bloch-Bauer (1907 et 1912).

Il fallut trois ans à Klimt pour achever le portrait d'Adèle, la Dame en or, et donc trois années de séances de pose et de discussions sans fin entre le peintre et son modèle. Car Adèle, grande bourgeoise, s'ennuie beaucoup chez elle et, poussée par sa soeur Thérèse (épouse du frère de Ferdinand Bloch), commence à s'intéresser à l'immigration de ces Juifs de l'Est chassés par les pogroms, qui s'entassent dans les bas-quartiers de la ville. A l'émancipation féminine lancée par les suffragettes anglaises, aux inégalités hommes-femmes et à la dislocation de plus en plus évidente de l'Empire.

L'occasion de poser pour cet homme éminent, fils d'orfèvre, reconnu très jeune pour ses talents de peintre-décorateur, influencé par les mosaïques byzantines de Ravenne, marqué par le symbolisme et par l'Impressionnisme français, ne pouvait que sensibiliser la nature éprise d'esthétisme et de nouveauté de la jeune femme. Co-créateur de la Sécession viennoise, Gustav Klimt voulait promouvoir la peinture autrichienne et les arts plastiques au niveau international en rompant avec l'académisme et le classicisme immuables. L‘une des collaborations les plus caractéristiques de cet enrichissement artistique est la Frise Beethoven peinte par Klimt sur la Neuvième Symphonie jouée par Gustav Mahler, vue par le grand musicien comme l'aspiration au bonheur de l'humanité.

Adèle, comme beaucoup de femmes, et particulièrement à Vienne chez les femmes juives, souffrait de migraines et de mélancolie. L'auteure aurait pu développer le sujet puisqu'elle évoque Freud et la découverte de la psychanalyse. A mon sens, le plus intéressant n'est pas cette passion hypothétique mais tout ce qui entoure cette Europe tourmentée en ce début de XXe siècle. le livre aurait gagné à s'attarder sur ces remous de l'Histoire mais le parti pris de l'auteure était d'écrire sur la passion entre le peintre et son modèle et je respecte ce choix.

Adèle meurt de méningite à 44 ans en 1925, son mari est spolié de ses biens par les nazis et meurt dans la misère.

Valérie Trierweiler s'est intéressée au destin douloureux d'Adèle Bloch-Bauer suite à l'acharnement de la nièce d'Adèle qui procéda contre l'Etat autrichien pour récupérer les tableaux volés par les Allemands lors de la Deuxième Guerre mondiale. Procès qu'elle finit par gagner. le tableau de la Dame en Or se trouve à présent à la Neue Galerie de Ronald Lauder à New York, spécialiste des oeuvres allemandes et autrichiennes du début du XXe siècle.

Ce livre m'a permis de me remémorer un spectacle grandiose que j'ai vu en 2014 dans les Carrières de Lumières aux Baux-de-Provence sur Klimt et Vienne. Sur les murs et les sols de calcaire blanc défilaient, non pas en diaporama, mais en s'entremêlant dans un enchaînement d'images numériques par thèmes, les oeuvres de Klimt et de son élève Egon Schiele, notamment. Des détails des tableaux étaient agrandis, rapprochés, formant de nouveaux tableaux émouvants et surprenants. Spectacle rehaussé par des musiques de Mahler, de Strauss et de Wagner. Tout à fait extraordinaire et inoubliable.

Mille mercis à Kielosa pour ce cadeau distrayant qui m'a replongée dans les tableaux d'or, dans les arbres stylisés et la nature fleurie que chérissait Klimt et dans la créativité de cette époque Art Nouveau et Jugendstil tellement emblématique.
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