[…] nous partagions le même goût pour la lecture, c’est-à-dire pour une solitude peuplée par l’imagination et la sensibilité ]…]
"...refuser l'absurde et son compagnon hideux, le mépris".
[...] Cher monsieur Chesterfield, commença- t-il, je ne suis pas certain d'être un homme dont on puisse se faire un ami. Un comparse, il se peut; mais un ami !
D'ailleurs, vous sentez vous-même combien notre rencontre participe d'une volonté qui, en aucun cas, ne peut être assimilée à ce que les ignorants appellent le hasard. Aussi, vous conseillerais-je vivement de vous méfier. Les machinations ont de longs bras vous savez....
-Oh! Répondis-je, voilà qu'en cet hôtel de la fin des terres et _ pourquoi pas_ de la fin des temps, le bon Faustus reçoit la visite du mauvais ange ! Amusant, ne trouvez-vous pas ? J'étais venu pour fuir je ne sais quoi ou pour rencontrer je ne sais qui, et il me semble que votre blanche apparition aura, du moins, le mérite non de me distraire mais de m'intriguer. Quant au piège, il y a longtemps déjà qu'il s'est refermé.
Le livre est ce jardin où l'on apprend à bien comprendre et à bien aimer. C'est un extérieur qui nous révèle notre intérieur. Lire ce n'est jamais sortir de soi. C'est y pénétrer.
J'étais une pelote de laine qu'un chat à emmêlée. Il me fallait retrouver le fil.
Nous devenons vite égoïstes lorsque l'accumulation des misères chez les autres risque de nous rendre solidaire de leur destin. Nous acceptions de compatir mais nous refusons de participer. Chacun est seul face à sa souffrance parce que nous ne pourrions pas supporter celle des autres.
C’est cela. Qu’aurions-nous le droit d’exiger de plus? Nous sommes comme des fétus que le torrent emporte mais restera notre regard, même lorsque nos yeux se seront fermés. Le regard de l’homme sur le monde, Jonathan, c’est cela qui n’est pas absurde, le monde serait-il cent plus insensé. C’est un mélange de tristesse et de révolte, de peur et de courage, de lucidité et de folie, mais c’est le seul regard dans tout l’univers qui n’accepte pas sa mort. Il sait que la terre se refroidira, que les étoiles tomberont, que le soleil éclatera et qu’il n’est rien de durable, mais il affirme qu’il est ailleurs une autre durée, une autre terre, d’autres étoiles, un autre soleil qui, eux, sont éternels. C’est ce regard naïf et prodigieux de l’homme qui ordonne le chaos, l’ensemence, l’engrosse et le fait accoucher de l’esprit — rare oiseau de feu tout grelottant de froid dans le cachot où nos contemporains le dédaignent, les malheureux! Sans ce regard, l’homme se fait esclave de la mort. Sans ce regard, notre temps est condamné à périr.
Là, dans cette chambre d'un petit hôtel de Londres, je le voyais enfin comme il était vraiment, ni Chesterfield, ni Sprague, ni même Varlet, tout semblable à cet homme sans visage que j'avais décris dans mon livre: démuni, seul, en proie à quelque malédiction qui, au lieu de l'abaisser, le grandissait.
Une nageuse avait joint le bord de la piscine. Une masse de cheveux noirs s'échappait qu'elle fit voleter à droite et à gauche par une rotation de la nuque. Elle gravit les quelques marches et, ruisselante, ramassa un peignoir de bain et vint vers nous.
Était-ce possible ? Patricia dans la piscine de Jonathan ? Je savais que ce serait elle qui tiendrait le rôle de mon héroïne, mais de la voir ainsi, ses pieds nus ses orteils et en peignoir de bain devant moi... "Salut" fit-elle, et elle me tendit sa main.
Comme il y a loin du héros à l'écrivain ! C'est parce qu'il est lâche qu'il construit des chevaliers, parce qu'il a peur des femmes qu'il invente des Don Juan.