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Critique de Eve-Yeshe


Trois jeunes stagiaires ont fait leur entrée à la Maison Blanche en 1995, l'une d'elle va entrer dans l'histoire et faire trembler les USA, bien-sûr il s'agit de Monica Lewinsky. La deuxième a eu plus de chance, elle a rejoint l'équipe d'Hillary et la troisième, celle qui nous intéresse, Claire Davis-Farel de père Américain et de mère Française s'en est mieux sortie, Clinton étant plus intéressé par les courbes voluptueuses de Monica. A quoi cela tient !!!

Claire, essayiste reconnue, a épousé Jean Farel, un homme de télévision, trente dans plus qu'elle, au moins, dans la toute-puissance, ses émissions politiques étant regardées pour tout un public de fans, les hommes politiques pressés de participer au show médiatique. Ils ont un fils, Alexandre, qui a grandi comme il a pu, avec des parents absent, un père hyper-exigeant qui lui demande toujours plus, violent, qui le rabaisse constamment. Alexandre, toujours premier de la classe, a fait des études supérieures brillantes, un grand avenir l'attend à Stanford puis un job dans les GAFAB.

Claire a fini par quitter son époux, au comportement sexuel débridé, il aime bien les stagiaires lui aussi… il a une double vie, toujours fidèle à Françoise, une femme de son âge pour une fois. Elle a rencontré le grand amour avec Adam Wizman, professeur de français dans une école juive qui a deux filles, traumatisées car elles étaient dans l'école juive où a eu lieu un carnage. Il est parti en Israël un an avec sa femme et ses filles, mais ne s'y est pas habitué. Au retour, sa femme est devenue pratiquante juive orthodoxe et s'enferme dans les rituels.

Et un jour, patatras, Adam propose à Alexandre d'emmener sa fille aînée, Mila, à une soirée, qui va dégénérer, avec alcool, drogue, paris stupides d'étudiants désoeuvrés avides de sensation qui décident d'organiser un « pari » : coucher avec une des filles de la soirée, et ramener un sous-vêtement comme trophée ! évidemment ses copains lui désignent Mila !

Dans ce roman, Karine Tuil évoque plusieurs thèmes, la notion de viol, le consentement ou non de la victime qui a eu le courage de porter plainte et à qui on va demander des centaines de fois d'entre dans les détails : la police, le juge, les avocats… Chacun, la victime comme le violeur, ayant le droit d'être entendu et défendu, dans un procès le plus équitable possible, où toute la vie va être fouillée pour tenter d'expliquer un passage à l'acte chez un jeune homme jusque là sans problème (enfin c'est beaucoup plus compliqué, c'est ce qu'on découvre au fur et à mesure que la lecture avance.

Il y a ceux qui sont persuadés de la culpabilité, qui s'improvisent juges sur les réseaux sociaux et déversent leur haine, gratuitement. Il y a ceux qui prennent conscience qu'ils ne respectent pas assez les femmes, comme l'organisateur du jeu débile, mais il aura fallu « me-too » et « balance-ton-porc » pour qu'il en prenne conscience, et ceux qui ont toujours considéré les femmes comme des proies comme le père d'Alexandre, convaincu qu'il s'agit de trophée de chasse auquel a droit tout homme de pouvoir, avec des allusions au passage à Dominique Strauss-Kahn. Ou encore Donald Trump qui pense qu'il « faut attraper les femmes par la Ch » …

Un autre élément entre en ligne de compte, le côté politisé, avec les montées au créneau des jeunes femmes qui contestent aux femmes le droit de se plaindre, en faisant référence aux évènements de Cologne, lors du réveillon du trente-et-un décembre où beaucoup de viols ont été commis par des réfugiés : pour elles il s'agit d'islamophobie quand on accuse les réfugiés syriens et le droit des femmes passe après (sic). On n'est pas loin de « Génération offensée » de Caroline Fourest. Claire en fait les frais et se fait inonder d'insultes.

J'ai bien aimé la manière dont Karine Tuil aborde tous ces thèmes, sans faire la moindre impasse, y compris l'évocation du doute qui peut envahir la mère d'Alexandre sur la culpabilité de son fils et tout le questionnement qui peut en résulter: est-ce de sa faute? et ce qui fait l'originalité de ce roman, elle décide de se placer sur point de vue de l'agresseur et de son entourage, et non de la victime. Pour cela, elle a suivi des procès d'assises de violeurs pour mieux comprendre, car il n'y a pas, dit-elle de témoignages d'agresseurs.

Ce roman est très fort, bien écrit et je l'ai lu d'une traite, y compris les plaidoiries de chacun lors du procès. J'ai déjà lu « L'insouciance » de l'auteure que j'avais trouvé très puissant aussi et bien construit. Elle a très bien capté l'évolution de la société et ses travers. J'ai encore « L'invention de nos vies » en réserve dans ma bibliothèque.

Ce roman a reçu le prix interallié 2019 et le Goncourt des lycéens et comme la plupart du temps je suis d'accord avec le choix des lycéens. Je suis ravie de l'avoir lu à distance de la rentrée littéraire et de l'avalanche de chroniques publiées à l'époque donc sans a priori ni arrière-pensée.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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