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Critique de Patsales


C'est efficace. Souvent, j'ai eu l'impression de lire un long papier de Pascale Robert-Diard, la chroniqueuse judiciaire du Monde, que j'apprécie beaucoup.
C'est du bon journalisme. Mais voilà, est-ce de la littérature ? Pour moi, la réponse est non.
Une des caractéristiques du roman traditionnel, c'est qu'il permet l'identification. Or, ici, pas moyen. le livre de Karine Tuil est ancré dans la réalité la plus contemporaine. Il est quasi impossible de le lire sans chercher des correspondances. Je peux me prendre pour la princesse de Clèves, pour Manon Lescaut et même pour Juju Sorel, mais me prendre pour Poivre d'Arvor, ça, non, ça ne m'a jamais effleurée. Suis-je de mauvaise foi? Les lecteurs De Balzac savaient bien, en lisant Les Mémoires de deux jeunes mariées, que l'écrivain dégoisait sur Marie d'Agoult et George Sand; autrement dit, les romans à clefs ont toujours existé. Mais Balzac transformait des individus réels en archétypes; Tuil reste factuelle. Oui, il y a des hommes de pouvoir qui s'accrochent à leur fauteuil et qui s'envoient des jeunettes, c'est une réalité que tout le monde connaît. Que m'apporte de plus le roman de Tuil par rapport à Paris Match? (En plus, Paris Match est beaucoup plus facile à glisser dans son sac pour aller chez le coiffeur). Au lieu de m'identifier, je retrouve le même mécanisme que dans la presse people: toi, c'est toi, lectrice, et eux c'est eux, et non, vous n'avez pas les mêmes problèmes, contemple l'empyrée et contente-toi de ta médiocrité.
On me rétorquera qu'avoir un fils accusé de viol est en revanche une catastrophe susceptible d'arriver à chacun de nous. Oui mais, là encore, je n'apprends rien. La fameuse zone grise a été évoquée un peu partout; la fille a été violée et le garçon l'a crue consentante. Je suis heureuse que des jeunes aient lu ce roman parce qu'ils ne sont pas forcément abonnés à l'Obs, mais depuis Pervers pépère Weinstein, c'est quand même une notion qui a beaucoup été évoquée. Or, on pourrait penser que le détour romanesque a lui-même cette fonction de zone grise, qu'il doit permettre à une femme violée de ressentir de l'empathie pour son agresseur et pour un violeur d'éprouver l'horreur de se sentir niée comme être humain. Mais ici, les deux plaidoiries, brillantes, comptent les points: chaque lecteur fait sa propre addition et choisit son camp. Ou il choisit de ne pas choisir, il s'abstient. Alors qu'il devrait être à la fois Milla et Alexandre et souffrir de se sentir à la fois victime et coupable dans son humaine condition.
Certes, les personnages de Tuil ont leurs contradictions. Claire Farel est féministe, mais soutient son fils. Ben dites donc. Oui, j'ai beau filer des sous à Amnesty International, si quelqu'un s'avisait de faire du mal à mes gosses, je lui arracherais les ongles un par un avant de les lui faire bouffer. Mon Dieu, mon Dieu, quelle pertinence dans l'analyse de mes fêlures, l'eût-on cru avant de le voir écrit?
Ben, à mon avis, oui.
Alors, qu'y a-t-il de subtil dans ce roman? Que les choses (humaines) sont quand même compliquées parce les femmes doivent être respectées mais il faudrait déjà qu'elles arrêtent de coucher avec des vieux, que c'est pas une raison pour ne porter que des jupes longues et que si il faut anticiper la liste des droits qu'on donne à l'autre avant tout rapport sexuel, y'a pas que chez les mecs que ça va débander.
J'ai déjà du lire ça dans Cosmo.
Quant à l'interprétation que fait Tuil de la fameuse affaire Stanford, je la trouve maladroite. le fils Turner a écopé d'une peine légère parce qu'il appartenait à la bourgeoisie américaine ? C'était en 2015, autant dire une autre époque. Avant Weinstein, avant Metoo. Je ne suis pas sûre que la clémence serait la même aujourd'hui. La transposition me paraît entachée d'anachronisme.
Donc, pour résumer, je n'ai pas aimé (Pour ceux qui n'auraient pas suivi).
Et puis 21€ pour un livre qui se lit en une journée, c'est abusif!
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