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Critique de SeriallectriceSV


«Liberté, égalité, fraternité, prônez ces valeurs, mais tôt ou tard, vous verrez apparaître le problème de l'identité.» Aimé Césaire, Nègre je suis, nègre je resterai. Entretien avec Françoise Vergès

Quel roman captivant, extrêmement riche au ton provocateur, dénonciateur des abus de pouvoir de notre société moderne, dans laquelle on y est constamment conditionné par notre identité. Trois personnages, trois portraits formidablement bien brossés, autour desquels gravitent une myriade d'autres succulents personnages.
L'analyse psychologique précise de ses trois personnages distincts, au destin pourtant lié donnent au récit sa forme tryptique, chacun des personnages prenant place dans le récit à tour de rôle.

Romain Roller, militaire tout juste de retour d'Afghanistan, traumatisé par ce qu'il y a vécu, François Vély, riche entrepreneur, doté d'une grande force d'impassibilité, esclavagiste moderne, en pleine crise identitaire et Osman Diboula, au coeur lui aussi de la tourmente, devenu "persona non grata" sur la scène politique.

Racisme, antisémitisme, sexisme, discrimination, violence du pouvoir politique, coups bas, règlements de compte, traumatisme de la guerre, immigration, adolescence «résistance instinctive au formatage social», relations père-fils (référence à la Lettre au père de Kafka) l'amour et la trahison «Ne croyez pas que la loyauté soit la règle en politique. Elle est l'exception. La règle, c'est la trahison.», le conflit orchestré par les américains et les occidentaux en Afghanistan ...autant de thèmes soulevés et parfaitement maîtrisés. Karine Tuil porte un regard sombre sur les combats de notre société, adouci par une tendre histoire d'amour.

Karine Tuil rend aussi un poignant hommage aux soldats français pris dans une embuscade en Afghanistan et dont peu s'en sont sortis, un fait de guerre qui avait tant ému la France. Elle ne tombe pas dans le pathos du tout, et le témoignage sur cet événement sonne juste; je retiens tout particulièrement le témoignage de cette mère ... déchirant (p.205/206/207). «Morts pour la France. Qui s'en souviendrait ?»

L'écriture est parfaitement maîtrisée avec une alternance de styles choisi parfaitement à propos : poétique et sensuelle quand elle parle d'amour, saccadé, haché et oppressant quand elle raconte les scènes de guerre, de violence, de remise en cause personnelle, l'abîme des âmes.

«La peur - ce dérèglement de l'esprit-, la confusion, voilà, c'est ça, une brume diffuse qui aveugle Roller, bloque sa trachée, le flux de ses pensées, son cerveau s'opacifie, plaque compacte, concentration impossible, reprise des tremblements, desquamations au sang, tentative de maîtrise des membres, plaies cachées - consomption progressive, la guerre l'a brûlé.»

Une lecture passionnante et dense, un portrait au vitriol de notre "belle" société d'aujourd'hui dans laquelle l'insouciance se perd bien trop vite, et qui pousse à la réflexion ... voire à la fuite !
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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