Ce tome fait suite à Justice League Dark Rebirth, Tome 3 : Guerre magique (épisodes 14 à 19) qu'il vaut mieux avoir lu avant. Il regroupe les épisodes 20 à 28, coécrits par
James Tynion IV et
Ram V pour les épisodes 20 à 23, et par
Ram V pour les épisodes 24 à 28.
Kyle Hotz a dessiné et encré les épisodes 20 et 23. Les épisodes 21 et 22 ont été dessinés par Álvaro Martínez, encrés par Raúl Fernández, mis en couleurs par
June Chung. Les épisodes 24 à 28 ont été dessinés et encrés par Amancay Nahuelpan (qui a également participé à l'épisode 22), avec une mise en couleurs de
June Chung. Les couvertures ont été réalisées par
Guillem March pour l'épisode 20, et par Yannick Paquette pour les 21 à 28.
Les parlements de la vie : épisodes 20 à 23. À Los Angeles en Californie, des individus sont infectés par des spores qui provoquent des excroissances de chair, et qui prennent le contrôle de leur corps. Les citoyens ainsi affectés ont tendance à monter sur les toits terrasses, où leur tête explose. La Justice League Dark intervient : elle se compose de Wonder Woman, Detective Chimp (Bobo T. Chimpanzee) et Animal Man (Buddy Baker). Ce dernier identifie tout de suite le type d'infection et explique que le comportement des infectés correspond à la volonté de se placer en hauteur pour pouvoir disperser leurs spores aux quatre vents. Dans un rêve de pourrissement, Abigail Arcane rêve d'arbres, de plantes, et de pourriture. Dans le Hall de Justice, Zatanna Zatara et Kent Nelson effectuent des recherches mystiques, en se demandant pour quelle raison cette infection survient à ce moment. Dans sa chambre, Khalid Nassour est en grande discussion avec Nabu, par le biais du casque de Doctor Fate : il lui demande comment restaurer l'ordre. Nabu lui ayant répondu, Khalid va trouver Zatanna et Kent pour leur expliquer : c'est une guerre entre les parlements pour savoir qui prendra l'ascendant sur les autres.
Dans cette première partie, James Tynion mène à bien l'une de ses deux intrigues principales initiées avec la série : le dysfonctionnement de la magie. Il délègue la tâche de transformer le scénario en dialogues et narration en texte à
Ram V, car entretemps il est devenu le scénariste d'une des séries Batman. le coscénariste a déjà fait ses preuves dans des séries indépendantes et avait déjà travaillé avec Tynion IV à l'occasion du numéro annuel de la présente série. le lecteur retrouve bien les fils d'intrigue de la série, comme si Tynion IV écrivait lui-même. Il a la bonne surprise de constater que l'histoire est intelligible, même si cela fait quelques temps qu'il a lu le tome précédent. L'histoire est dense sans être indigeste, rapide sans être précipitée. Chaque membre de l'équipe a son rôle à jouer pour que l'enquête avance et qu'il soit possible de trouver un nouvel équilibre. Contre toute attente, les coscénaristes parviennent à conserver une place pertinente à John Constantine sans essayer de trop l'édulcorer : il continue de fumer, et il use de méthodes de persuasion pas très ragoûtante, entre manipulation et intimidation psychologique. L'intrigue repose sur l'existence de ces différents parlements, le premier créé par
Alan Moore dans la série Swamp Thing dans les années 1980, les autres créés par la suite, à commencer par celui de la chair. Les coscénaristes savent les faire coexister et interagir dans une logique narrative qui tient la route, raccrochant les événements à la mythologie d'Alec Holland avec l'intervention d'Abigail Arcane.
Pour le premier épisode de ce recueil, le lecteur a le plaisir de plonger dans les dessins poisseux de
Kyle Hotz, artiste ayant commencé sa carrière comme élève spirituel de
Malcolm Jones III, lui-même sous forte influence de
Bernie Wrightson. La narration visuelle s'avère incroyablement charnelle et tactile, avec une sensation carnée, et des végétaux vénéneux. John Constantine donne l'impression de se déplacer avec ses propres ténèbres, et le corps de Floronic Man (Jason Woodrue) appartient plus au règne végétal qu'au règne animal, une très grande réussite. Il revient au même artiste d'illustrer le dernier épisode, c'est-à-dire le conflit, et c'est à nouveau une merveille poisseuse et angoissante, les dessins tutoyant l'exagération expressionniste avec malice. Pour un peu, le lecteur regretterait presque de retrouver le duo de Álvaro Martínez & Raúl Fernández, pourtant très méticuleux dans leurs dessins, avec un fort niveau de détails, et des bonnes idées de découpages de planche qui sortent de l'ordinaire. Mais effectivement, ils restent tout aussi investis pour ces deux épisodes, presque, puisque le deuxième est terminé par un autre artiste pour quelques pages.
Un tour de magie coûteux : épisodes 24 à 28. Et toujours John Zatara continue d'être la proie des flammes dans un enfer inextinguible. Mais cette fois-ci, sa fille Zatanna est bien décidée à l'en libérer. Elle dispose de l'aide de Doctor Fate (Khalid Nassour), John Constantine, Man-Bat, Detective Chimp, et Wonder Woman. En face de l'équipe se tient Upside-Down Man. Une semaine auparavant, Diana se tient sur le toit du Hall de Justice, se décidant à dissoudre l'équipe, après s'être montrée si mauvaise cheffe. Bobo l'ayant rejointe, elle lui demande des nouvelles des autres. Il raconte qu'il prenait un verre avec Zatanna au bar de l'Oubli, et qu'il lui avait remis un coffret contenant un objet qu'elle lui avait demandé. Après avoir résisté au charme magique qui le protégeait, elle avait emmené le sceau contenu à l'intérieur, avec elle, jusqu'à un cinéma désaffecté. Là, elle avait placé le sceau au milieu d'un pentagramme complexe, et elle avait entamé un rituel élaboré devant l'emmener dans l'Autre Lieu. Puis Bobo lui raconte son entretien avec Kirk Langstrom qui travaillait à l'analyse d'échantillons laissés par Swamp Thing. Il était ensuite allé à écouter aux portes, pour entendre la conversation entre Kent Nelson et Khalid Nassour.
James Tynion IV est parti s'occuper d'une autre série, mais
Ram V mène à son terme l'intrigue relative à l'Homme Sens Dessus-Dessous. le lecteur observe que l'équipe de dessinateurs est également partie vers d'autres cieux, et qu'elle a été remplacée par Amancay Nahuelpan. Celui-ci réalise des contours avec un trait très fin, un degré de détails impressionnant en ce qui concerne les personnages, ce qui est essentiel dans une série d'équipe. le lecteur retrouve donc toute la mousse sur le dos de Swamp Thing, et toutes les agrafes de fermeture sur le corset de Zatanna. Il est également visible qu'il prend un grand plaisir à représenter toutes les dents très acérées de l'Homme Sens Dessus-Dessous. le lecteur n'est pas près d'oublier les bottes lacées de Madame Xanadu. Lorsque la séquence le requiert, il investit également beaucoup de temps dans la représentation des environnements : le mur sur lequel Zatanna a punaisé toutes les coupures de journaux et les photographies, la vue des immeubles de la ville depuis le toit, la maison dans la forêt, l'antre de Madame Xanadu, ou encore une luxurieuse prairie. En revanche, quand vient le temps de l'affrontement à coup d'énergies magiques, il se repose sur le talent de la coloriste. Effectivement
June Chung impressionne que ce soit pour les effets spéciaux pour la magie, pour les ambiances lumineuses, pour les reflets sur le casque de Doctor, Fate, etc. La complémentarité entre elle et l'artiste aboutit à des cases et des planches qui semblent avoir été réalisées par une seule et même personne, avec des effets qui en mettent plein les yeux sans écraser les traits encrés, et des constructions de pages sortant de l'ordinaire pour accompagner les mouvements.
Le lecteur est curieux de voir comment le scénariste va pouvoir s'en sortir avec le concept d'Homme Sens Dessus-Dessous : un ennemi très puissant, capable d'accaparer la magie de ses opposants à son bénéficie, ou de la désorganiser pour la rendre inoffensive. Il espère qu'il ne s'agira pas juste d'un affrontement premier degré. Finalement les héros n'ont d'autre choix que de foncer tête baissée sur leur adversaire qui n'a rien perdu de sa puissance. Ils arrivent à trouver quelques idées imprévues qui le mettent en difficulté mais pas pour longtemps. de ce point de vue, la cohérence interne du récit est conservée, et l'Homme Sens Dessus-Dessous ne devient pas une mauviette de manière fort opportune parce ce qu'il faut bien clore le récit.
Ram V conserve l'idée de lier l'expression de la magie à un coût, et aussi à un principe. La Justice League Dark ne va donc pas gagner simplement parce qu'elle a une puissance de feu supérieure à celle de leur adversaire (ce qui n'est d'ailleurs pas le cas), mais il va s'engager un affrontement qui ne se limite pas aux décharges d'énergie colorée. le scénariste sait aussi bien manier la métaphore que
James Tynion IV, et il fait intervenir la notion de croyance, de manière fort éloquente.
Dernier tome pour cette incarnation de la Justice League Dark, et le lecteur est en droit de craindre le pire en voyant que l'architecte de cette saison ne reste pas jusqu'au bout. Pourtant, les coscénaristes, puis
Ram V tout seul mènent bien à leur terme les deux intrigues principales : la magie qui ne fonctionne plus, et l'existence d'Upside-Down Man, sans rien perdre en qualité. Trois équipes de dessinateurs se succèdent : les épisodes de
Kyle Hotz exhalent un parfum vénéneux extraordinaire, et les deux autres équipes réalisent de belles planches, bien fignolées. Cette saison aura été remarquable de bout en bout.