L'auteur, métisse, est née au Rwanda mais arrive en France après le génocide rwandais ; C'est son deuxième roman après «
tous tes enfants dispersés ».
le roman se construit à deux voix sur deux époques différentes.
Consolée,petite fille mulâtre dans les années 50 au Rwanda, colonie belge,est séparée de sa mère et envoyée dans un orphelinat , l'Institut Save, ou les autorités rassemblent tous les enfants métis de la région . Ils y sont élevés à la mode européenne et ne revoient que très peu leurs parents biologiques.
Au moment de l'indépendance du pays, ils seront rapatriés en urgence en Belgique et adoptés sur place.
On rencontre Ramata en 2019, la cinquantaine, immigrée sénégalaise installée dans la région bordelaise depuis son enfance ayant fait de brillantes études , devenue cadre mais en reconversion dans l'art-thérapie. Elle effectue un stage dans un Ehpad ou elle est attirée par une résidente Astrida, métisse, atteinte d'Alzeimer et ne parlant qu'un dialecte inconnue . Elle va essayer , d'une part de la comprendre et de retisser son passé qui semble trouble.
L'auteur nous offre un roman riche et complexe , sur le colonialisme et l'immigration.
Elle retrace le parcours de
Consolée, prise au piège du colonialisme, suite à la couleur de sa peau. En effet, les colons , supérieurs par rapport aux indigènes, ne pouvaient tolérer ces enfants métisses et les ont parqués de force dans ces orphelinats, en effaçant toute culture rwandaise ( on leur change même leurs prénoms). Certes ils ont été éduqués mais à quel prix car déracinés en Belgique par la suite . Malgré une énorme documentation, l'auteur nous propose un récit fluide, émouvant et si poétique à travers les récits du grand-père de
Consolée qui l'accompagneront toute sa vie.
Ce texte est un écho aux enfants de la Réunion séparés de leur famille et ramenés en métropole en Creuse, scandale dévoilé , il y a quelques années en France.
Les années 50 de
Consolée sont racontées sous forme de pensées intimes de celle-ci, pleines de candeur, d'incompréhension, de tristesse et de fraîcheur d'un enfant de 8 ans.
A travers le personnage de Ramata, l'auteur évoque la période d'immigration des anciennes colonies comme le Sénégal d'où arrive le père de Ramata , venu seul au début pour travailler dans une usine automobile à Bordeaux. Toute la famille suivra et les enfants devront s'intégrer du mieux possible , « sans faire de vagues » comme dit son père. On ressent la difficulté de cette nouvelle génération à trouver une place, le besoin d'être reconnue française et assimilée, les confrontations aux attentas de 2015 et le ressenti des enfants de Ramata, le racisme toujours présent.
Autre sujet fort du livre : la place de nos aînés dans les Ephad, leur prise en charge, le manque de personnel ; les difficultés de communication avec les résidents touches par la maladie d'Alzheimer.
Dans ces types de pathologie, le retour à la langue maternelle arrive souvent chez les personnes immigrées rendant la communication difficile avec les soignants, isolant un peu plus les vieillards.
Ce thème abordé est fort intéressant.
Un livre entre le Rwanda , le Sénégal et l'Europe que l'on savoure avec beaucoup d'émotions . le parcours de ces deux femmes nous questionne sur la filiation, la transmission et la place de chacun dans nos sociétés multi-culturelles.
Superbe couverture !