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Citations sur Christine Lavransdatter, tome 2 : La maîtresse de Husab.. (19)

Erlend regardait sa jeune femme avec convoitise quand il la rencontrait dans la cour. Jamais elle n'avait été aussi belle - grande et svelte dans sa simple robe de bure brune, couleur de la terre. Le grossier fichu de lin qui lui couvrait les cheveux, le cou et les épaules rehaussait encore la blancheur resplendissante de sa peau. Quand le soleil de printemps tombait directement sur son visage, on eût dit que la lumière pénétrait profondément dans sa chair, tant elle était pâle ; ses yeux et ses lèvres paraissaient diaphanes. S'il descendait dans la petite chambre pour voir l'enfant, elle baissait ses longues paupières blanches dés qu'il la regardait. Elle paraissait si timide et si pure qu'il osait à peine toucher sa main. Si elle donnait le sein à Naakkve, elle jetait son foulard de tête sur le peu qu'il eût pu apercevoir de son corps blanc. Il semblait à Erlend que l'on fût en train de lui prendre sa femme pour la consacrer à Dieu.
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Au coucher du soleil Christine était assise sur la hauteur au nord des bâtiments de la ferme.
Jamais auparavant elle n'avait vu le ciel aussi rouge et aussi doré. Au-dessus de la pente, juste en face d'elle, il y avait un grand nuage ; il avait la forme d'une aile d'oiseau, avec des incandescences de fer dans la forge, des clartés pareilles à l'ambre jaune. De petits flocons dorés qui ressemblaient à des plumes s'en détachaient et voguaient dans le ciel. Tout à fait en bas, sur le lac, au fond de la vallée, se reflétaient les images du ciel, du nuage et du versant de la montagne. On eût dit que des profondeurs montait la flamme de l'incendie qui embrasait tout ce que Christine apercevait.
L'herbe dans les prairies avait atteint toute sa croissance, et les tiges soyeuses brillaient d'un rouge sombre sous la lumière pourpre qui tombait du ciel. Les épis de seigle avaient poussé et retenaient l'éclat du jour sur leurs jeunes barbes satinées. Les toits des bâtiments de la ferme étaient couverts d'oseille et de renoncules jaunes qui émaillaient le gazon et le soleil épandait sur elles de larges rayons ; les bardeaux noirâtres du toit de l'église avaient un éclat sombre et les pierres claires de la construction une couleur dorée.
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Elle croyait se voir elle-même, à une très longue distance, toute petite dans l'éloignement du temps et de l'espace, inondée de la clarté du soleil qui se glissait par le trou à fumée dans leur vieille maison à foyer, la maison d'hiver de son enfance. Ses parents se tenaient un peu en retrait, dans l'ombre ; ils prenaient les dimensions fantastiques qu'ils avaient à ses yeux quand elle était petite, et ils lui souriaient comme elle savait à présent que l'on sourit lorsque arrive un petit enfant qui chasse vos lourds et pénibles pensers.
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La lune brillait très haut au-dessus des montagnes du coté de la terre ferme et l'eau s'étendait noire à leurs pieds, mais au-delà du fjord les flots brillaient comme des plaques d'argent. Aucune fumée ne montait des trous à fumée ; sur les toits des maisons les gouttes de rosée du gazon scintillaient au clair de lune. Nul être humain dans les courtes ruelles de la ville quand messire Erling descendit rapidement les quelques mètres qui le séparaient de la maison royale où il allait dormir. Il paraissait étrangement frêle et petit sous la clarté lunaire, tremblant un peu de froid, avec son grand manteau serré contre lui. Quelques jeunes hommes ensommeillés qui l'avaient attendu là-haut se précipitèrent dans la cour avec une lanterne. Le sénéchal prit la lanterne, envoya les hommes se coucher et eut de nouveau un léger frisson de froid en montant au grenier de la maison aux provisions où il couchait.
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Personne ne savait plus quelle heure de la nuit il pouvait être. Déjà la grisaille du petit jour grimaçait à travers le trou à fumée.
Puis après un long cri d'effroi insensé, il y eut un calme absolu. Erlend entendit que les femmes s'affairaient. Il allait regarder, quand il entendit quelqu'un pleurer bruyamment. Il se blottit de nouveau. Il n'osait pas savoir.
Alors de nouveau Kristin cria - un haut et sauvage cri de douleur qui ne ressemblait pas aux hurlements déments et inhumains d'avant. Erlend s'approcha.
Gunnulf était penché et tenait Kristin, toujours à genoux. Les yeux pleins d'une horreur mortelle, elle regardait fixement une chose que dame Gunna tenait dans une peau de mouton. Le paquet informe, rouge-brun, ressemblait aux viscères d'une bête de boucherie.
Le prêtre la serrait contre lui.
" Ma Kristin, tu as mis au monde le fils le plus joli et le plus mignon dont aucune mère ait jamais eu à remercier Dieu - et il respire ! dit Gunnulf vivement aux femmes en pleurs. Il respire… Dieu n'est pas si cruel qu'Il ne veuille nous entendre…"
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Les hommes allaient à skis à travers champs, mais Erlend avait donné les siens à un compagnon ; il marcha en tenant Kristin sous son manteau jusqu'au bas de la côte. Il faisait tout à fait nuit à présent, avec un ciel étoilé.
Alors, de la forêt derrière eux, parvint un hurlement diffus qui croissait peu à peu dans la nuit. C'étaient les loups - il y en avait plusieurs. Erlend s'arrêta en frissonnant, lâcha Kristin, et celle-ci senti qu'il faisait le signe de la croix tandis qu'il serrait sa hache dans l'autre main. " Est-ce que tu aurais… oh ! non… " Il l'attira à lui si rudement qu'elle en fut attendrie.
Les skieurs qui étaient dans la prairie firent volte-face et revinrent en hâte vers eux. Ils mirent leurs skis sur leurs épaules et se serrèrent autour de Kristin avec leurs lances et leurs haches. Les loups les suivirent tout le long du chemin jusqu'à Husaby - à si faible distance que de temps à autre on les entrevoyait dans l'obscurité.
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Ce qui frappait Kristin, c'est que son mari ne ressemblait pas aux gens de la contrée. Il y avait beaucoup de beaux hommes parmi eux, avec le teint clair et rouge, des têtes rondes et dures, une forte et solide stature. Beaucoup d'entre les vieux étaient excessivement gros. Erlend faisait l'effet d'un oiseau étrange parmi ses hôtes. Il était d'une tête plus grand que la plupart des hommes, svelte et maigre, avec des membres souples et de fines attaches. Il avait les yeux noirs et soyeux, la peau d'un brun pâle, mais des yeux bleu clair ombragés par des sourcils et des cils noirs comme le charbon. Son front était haut et étroit, ses tempes creusées, son nez un peu trop grand et sa bouche un peu trop petite et molle pour un homme. Pourtant, il était beau ; Kristin n'avait jamais vu un homme aussi beau qu'Erlend. Sa voix nuancée et tranquille ne pouvait être comparée au lourd parler des autres.
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jamais jusque-là il n'avait pensé au physique de sa mère. Il y avait des jours et des années qu'il avait commencé à comparer son père aux autres hommes - son père était le plus beau, celui qui avait le plus l'allure d'un chef. Sa mère était la mère qui mettait au monde de nouveaux enfants ; ceux-ci grandissaient en passant des mains des femmes à la vie, à la société, aux luttes, à l'amitié du groupe fraternel ; sa mère avait les mains ouvertes et toujours prêtes à donner ; sa mère connaissait tous les remèdes ; sa mère était à la ferme comme le feu sur le foyer, elle portait la vie du foyer comme les terres de Husaby portaient les récoltes annuelles ; la vie et la chaleur avait son odeur. L'enfant n'avait jamais songé à la comparer à d'autres femmes…
Brusquement, ce soir, cela lui sautait aux yeux : sa mère était une fière et belle femme.
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Elle pensa au beau visage de son père, aux grands yeux de sa mère dans son visage ridé, à cette démarche si étonnamment jeune, souple et légère, qu'elle avait gardée si longtemps, encore que sa face eût prématurément vieilli. Ils étaient là sous la pierre et se désagrégeaient comme une maison s'effondre quand les gens sont partis...
Elle pensait à ses chers morts... à leur mine, leur voix, leur sourire, leurs habitudes, leurs gestes... Maintenant qu'ils étaient partis pour l'autre monde, comme il était douloureux de penser à leur apparence ! Comme de penser à sa maison, quand on savait que maintenant elle était vide, que les troncs d'arbres des murs pourrissaient et s'effondraient dans la tourbe.
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- Est vraiment libre qui n'a rien.
- Toutes les choses que possède un homme le tiennent plus que lui-même ne les tient.
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