A chacun sa corne d'abondance, la mienne, et il me semble celle de
Michaël Uras, est pleine de mots, de mots doux ou âpres, de prose ou de poésie, de livres lus et relus sans jamais en épuiser la magie. A tant aimer les mots, l'on finit par avoir de l'encre qui coule dans les veines et la réalité sans cesse nous ramène à la fiction, la citation toujours au bout des lèvres.
Je me suis reconnue dans Alexandre, bibliothérapeute de son état et personnage principal de ce roman. Il a choisi cet "étrange" et beau métier : soigner par les mots, et sa patientèle est très diverse . Pendant les quelques mois où nous partageons sa vie, trois hommes entament une thérapie, un jeune homme, défiguré après un accident et devenu muet, un quinquagénaire, businessman au bord du burn-out et un célébrissime joueur de foot, tenté de quitter la France.
Alexandre établit leur "fiche clinique" et leur conseille des livres pour les aider à surmonter les crises qu'ils traversent. le thérapeute et ses patients se voient ensuite régulièrement pour parler de leur avancée dans les oeuvres "prescrites" et des incidences de cette lecture sur leur vie.
le personnage principal pratique "l'auto-médication", il lit pour combler un manque d'amour maternel, pour oublier que Mélanie, sa compagne, est partie, pour fuir une époque souvent débilitante. L'auteur nous offre des passages de ses lectures : petits bouts de poème, de théâtre, de roman, et mon coeur fond de reconnaître tant d'auteurs qui me sont familiers.
Ce livre est du pur bonheur pour les amateurs de mots. C'est aussi un récit ancré dans notre époque, dont il décrit les travers avec beaucoup de drôlerie. Il sait aussi se faire "grave" quand il évoque les "bien pensants", qui s'arrogent le droit de juger et de punir ceux qui ne leur ressemblent pas. le style de Michaël Uruas est moderne, sans pour autant céder à "la mode" du moment. Il a un sens de la formule et un timing qui font de ce roman un cocktail revigorant !