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Citations sur La Vie interdite (52)

Qu'ai-je laissé de moi sur terre? Quel intérêt avait mon existence? J'ai nourri jusqu'à l'indigestion des rêves d'enfance auxquels je suis toujours resté fidèle, j'ai poursuivi le même idéal féminin, la même quiétude intérieure du bout de mon pinceau, j'ai barbouillé des tableaux pour faire écran entre le quotidien et moi, j'ai regardé grandir mon fils et vieillir mon père, en essayant de leur cacher ma déception; j'ai adoré le lac du Bourget, les livres d'Alexandre Dumas, l'odeur des cyprès sous la pluie, le bourgogne, la fondue, les opéras de Verdi et les chansons de Brassens, les éclairs au café, le silence de la neige et la silhouette qui naît d'une tache sur la toile vierge, quand tout demeure encore possible. J'ai aimé la vie sans avoir besoin d'en profiter tout le temps, j'ai parcouru le monde, dans ma caravane immobile, et, si je ne suis pas allé bien loin, du moins n'ai-je rien perdu en route. J'ai vécu relativement heureux et je meurs comme on sort de table, en remerciant le chef...
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Je suis mort à sept heures du matin. il est huit heures vingt-huit sur l'écran du radio-réveil, et personne ne s'en est encore rendu compte. Le roman sur lequel je me suis endormi hier soir s'est refermé autour de mon pouce.
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Pourquoi ne fait-on l'effort de comprendre les autres que lorsqu'ils ne nous gênent plus ? Elle avait tout pour me fournir l'amour qui remplit une vie et nourrit une œuvre. Mais j'ai cherché ailleurs pour me croire libre.
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- Comme il a l'air en paix, répète Odile pour la cinquième ou sixième fois.
Comme si j'avais jamais eu l'air en guerre. Les gens ont vraiment la mémoire courte et la phrase de rigueur, dès qu'on n'est plus là pour se défendre. Mais Odile a ses raisons. Un long visage terne, le dos voûté, les omoplates saillant comme deux ailes atrophiées qui tressautent quand elle pleure, elle me voue en secret une passion sans espoir depuis nos quatorze ans. Sans jamais afficher le moindre répit ni la moindre rancune, elle m'a vu sortir avec toutes ses copines de lycée - qui, perfides, l'employaient comme chaperon avant de la renvoyer dans ses foyers quand elles m'avaient cédé -, épouser une Miss tandis que je lui donnais en mariage mon cousin Jean-Mi, qui avait besoin d'une âme dévouée après son accident de ski nautique, et enfin lui demander, sans l'ombre d'une gêne et croyant lui faire plaisir, d'être la marraine de mon fils. A cause de moi, depuis vingt ans, Odile se consume en me faisant bonne figure - mais qu'y puis-je ? Ce soir, dans ses yeux humides, je repose, enfin, et c'est elle qui est en paix.
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Je n'aime pas beaucoup ça, et il me vient des regrets de n'avoir pas mené une existence baroque, aventureuse, trépidante, exotique... Si je dois passer ma mort à revoir les broutilles ordonnées qui ont composé ma vie, je sens que cela va être d'un ennui... Alors ce serait ça, le Paradis, l'Enfer ? Seul avec soi-même et ce qu'on a fait, pour l'éternité, monté en boucle. Je me demande dans ce cas si le sort de l'escroc jouisseur, du cambrioleur sans remords, du sadique impuni qui s'est bien marré n'est pas plus enviable que celui de l'honnête homme qui n'a jamais rien fait de mal pour demeurer en paix avec sa conscience.
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J'ai vécu relativement heureux et je meurs comme on sort de table, en remerciant le chef.
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— Jacques ?
Avec une force étonnante pour son gabarit de porcelaine, elle me retourne. En découvrant mon visage raidi, la bouche entrouverte, les yeux fixes, elle réprime un mouvement de recul, mord son poing et s’exclame :
— Formidable !
Puis elle ajoute plus bas, en s’adressant à la cloison du coin-toilettes, quarante centimètres au-dessus de ma tête :
— N’ayez pas peur : je suis là. Vous êtes mort, précise-t-elle. Mais tout ira bien, je vais vous aider. Restez tranquille, détendez votre corps mental, vous êtes dans l’état intermédiaire où vous ne risquez rien. Je reviens tout de suite.
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Jamais je n'aurait pensé lui faire du mal. Elle m'avait répondu: "C'est ça que je te reproche. Justement. Ne pas savoir ce qui me fait du mal."
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Comment s'organise la vie, dans un cimetière ? Les trentenaires parlent-ils aux perpétuité ? Que deviennent les expulsés, les oubliés, les SDF de la fosse commune ? Y a-t-il des réunions de copropriétaires, où l'on s'engueule pour une fleur mitoyenne ou un crucifix qui fait de l'ombre ? J'ai hâte de savoir. Et de communiquer avec mes semblables, si j'en ai les moyens.
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Mon père, dans un accès de violence inattendu, vire le metteur en bière, beuglant que je logerai dans le pin stratifié taille unique vendu par les centres Leclerc, et voilà, toujours assez bon pour donner aux vers, sale profiteur, qu'est-ce que ça veut dire "garantie à vie", foutez-vous-le-au-cul, votre doublage en plomb, et laissez mon fils tranquille, où qu'il soit; ce n'est pas vous qui allez me le rendre!
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