Aujourd'hui ...est un jour important pour moi. Et c'est comme ça que j'ai décidé de le vivre.
Personne ne détient la solution miracle en cas de harcèlement. Moi-même, j'ai dû attendre le passage au lycée pour qu'enfin on arrête de s'acharner sur moi à l'école. Je sais ce qu'on m'aurait dit si j'en avais parlé, quand j'étais encore au collège : « En cas de problème, il faut alerter les autorités, dénoncer, il faut en parler, ne pas rester seul. ». C'est facile de donner les leçons quand on n'est pas concerné.
Je ne sais pas encore ce que je vais lui balancer. Aucune importance, au fond.
Un mot, un geste, et ma colère fera le reste.
_ Enfin, Claire ! Dis quelque chose… Ne me dis pas que tu ne la trouves pas ridicule ainsi attifée !
_ Ridicule ? Dis-moi, c'est ma tenue ou mon corps qui te gêne autant ?
_ Enfin, Olivia, je n'ai jamais dit…
_ … que j'étais grosse ? Ben moi, je te le dis. Une grosse qui peut mettre un pantalon moulant si elle en a envie, une tunique bleu électrique et des bottes chamarrées. Une grosse qui peut faire péter l'afro et l'eye-liner.[…]
Montrons-leur.
Montrons-leur même si ce sera toujours plus difficile pour nous.
Nous, les grandes tailles, les hors-normes, les tronches qui se dissimulent au dernier rang de la photo de classe.
Nous, les abonnés des coulisses, les absents des happy ends.
Montrons-leur.
Et j'entends aussi tout ce qu'elle ne dira peut-être pas cette fois, mais qu'elle pense certainement.
Montrons-leur.
Montrons-leur même si ce sera toujours plus difficile pour nous.
Nous, les grandes tailles, les hors-normes, les tronches qui se dissimulent au dernier rang de la photo de classe.
Nous, les abonnés des coulisses, les absents des happy ends.
Montrons-leur.
Et si, au fond, il était possible d'être différent ? De l'être sans honte, sans colère contre soi-même, sans volonté de vouloir se détruire parce qu'on a l'impression de ne pas correspondre à ce qu'on doit être ?
Je te demande juste de me respecter.
Je le connais, cet acharnement collectif. Il suffit qu'un seul mette le feu aux poudres et c'est l'escalade assurée.
Ma première pensée quand je me réveille ‒ C'est le jour J !
Le jour où les Trois Grâces vont annoncer que je fais définitivement partie de l'équipe. Mon cœur palpite d'excitation et de stress mêlés, je ne tiens plus en place. Comment vont réagir mes abonné-e-s ? Sans compter ceux et celles des Trois Grâces ! Je frétille aussi d'impatience ‒ il faut dire que toute cette semaine, j'ai joué avec leurs nerfs, distillant des indices sur le « super événement » que je leur promets. Bon, pour le moment, on parie plus sur un nouveau partenaire ‒ ou encore le fait que je me lance dans l'écriture d'un bouquin ! ‒ que sur ma future participation à une chaîne YouTube.
Peut-être parce que personne ne m'imagine vraiment passer devant l'objectif d'une caméra ? Je balaie mon inconfort naissant à cette idée, je refuse de laisser mon manque de confiance en moi gâcher ma joie.
Non, aujourd'hui, c'est ma journée ! Point à la ligne.