Mon dessein ne va pas aussi loin. J'ai voulu seulement, en de très simples études dont voici la première série, réunir les idées que m’ont inspirées certains peintres sur la peinture. En des travaux de critique d'art au jour le jour, J'ai taché, non point de juger des artistes, — ce qui n’est pas la fonction du critique, ce qui excède son droit et serait d’ailleurs puéril et de peu d’utilité, — mais de rechercher pourquoi certaines œuvres m’émeuvent, et de le dire. Le critique d’art est un spectateur sans plus de droits que les autres ; son rôle ne diffère du leur qu’en ceci : il doit formuler ses impressions, il doit les décomposer et tenter de les justifier, de les expliquer, de les comparer, et de tirer de leur comparaison quelque lumière, ce qu'il peut faire plus aisément que d’autres parce qu'il assiste à toutes les manifestations d’art.
Le dernier tableau de M. Albert Baertsoen exposé à la « Libre Esthétique » ne m'avait pas enthousiasmé. Je n'y retrouvais pas toutes les qualités d'exécution que l'artiste a su dépenser dans d'autres toiles, notamment dans les Chalands sous la neige qui sont au musée de Bruxelles ; je n'y retrouvais pas non plus toute l’éloquence grave, songeuse, qu’expriment la plupart des pages signées par l'artiste.
En une courtoise discussion, j’avais eu l’occasion de le dire au peintre, qui, défendant son oeuvre, m’avait expliqué :
— J'ai voulu faire autre chose. Et j’ai travaillé beaucoup à ce tableau. Je l’ai recommencé plusieurs fois. Quand vous viendrez chez moi, vous verrez...
Je suis allé chez lui. Et ce que j'ai vu m'a inspiré un profond respect.