Lorsqu'il arrive à Bruxelles, il a vingt ans ; il ne sait de l'histoire de l'art, des grandes luttes de tendances qui divisent, depuis cinquante ans, les peintres de France et de Belgique, rien, rien que ce qui a pu transparaître dans les leçons de Meyers, chercheur calme, initié à Paris aux plus récentes nuances de la sensibilité, et hésitant entre le désir d'innover et celui de demeurer dans la tradition flamande. Il n'a rien vu. Il n'a certainement jamais contemplé un Corot, un Rousseau ou un Courbet. Tout, pour lui, sera révélation.
La facture des peintres flamands a beaucoup varié à travers les siècles. Et aujourd'hui encore, parmi tous ceux qui se rattachent à la tradition, qui présentent les caractères communs constituant le lien de l'école, il n'y a point du tout uniformité de technique.
C'est la figure en plein air. Mais ce n'est point le plein air tel que l'ont compris beaucoup de peintres contemporains, qui semblent ne voir que des chatoyements de lumière sur la chair ou l'éclat violent d'un ton d'étoffe dans le soleil. Les hommes et les bêtes dressés par Courtens devant la mer ou parmi les arbres ont le même héroïsme que les troncs puissants ou les vagues entêtées. L'artiste ne tente point des expressions individuelles, particulières, passagères et subtiles. Quand l'homme ou la bête vivent dans ses compositions, c'est toujours la Nature qu'il peint, la Nature dont l'Homme et la Bête font partie, sont un des éléments, comme la Terre, comme l'Arbre, comme l'Eau, comme les Nuages.
Pour ce paysagiste, il n'a rien existé jamais que le paysage, que la nature; il ne veut rien connaître d'autre. Il n'y a de lois que celles qu'elle dicte ; il n'y a de beautés que celles qu'elle étale. Elle est l'héroïne et elle est la souveraine.