Entretien avec
John Vega
― L'histoire de votre roman se déroule à notre époque, à la fois en Algérie et en France ?
― Oui, mon roman retrace environ deux années de la vie d'une famille kabyle du XXIe siècle. Il se déroule à la fois en Algérie (à Bejaïa, à Alger...) et dans le Sud de la France (Marseille, Cerbère...). Il offre donc une lecture de la société algérienne contemporaine, avec sa grande diversité et ses nombreuses contradictions, et celle de la société française, à l'heure des interrogations identitaires et des problèmes liés au chômage.
― Comment avez-vous choisi son titre ?
― Je l'ai emprunté à une chanson kabyle que ma mère chantait, lorsque j'étais enfant. Cette chanson disait en substance « J'ai mal à la tête. Je lui ai mis une feuille d'oranger... » Comme mon héroïne Nadia souffre de maux de tête, je me suis alors souvenu que ma mère mettait une feuille d'oranger sur son front, lorsqu'elle avait des céphalées. Peu à peu cette souffrance s'est élargie aux autres personnages confrontés à des maux insolubles, à toutes sortes de frustrations, de désillusions, pour ne pas dire d'enfermements. La migraine semble être un mal national en raison de la masse de problèmes auxquels on est confronté régulièrement !
― La fleur d'oranger a également une valeur symbolique ?
― Effectivement, pour mes personnages la fleur d'oranger a la faculté de soigner, celle d'apporter un apaisement, un rayon de soleil ou tout simplement celle de créer un lien avec le pays quitté. Plus généralement la fleur d'oranger symbolise la pureté et l'espoir d'une descendance. En Algérie les femmes l'utilisent pour se parfumer ou pour parfumer leurs pâtisseries. Pour moi, elle est d'abord une fragrance, une petite note florale qui obsède et apaise. La fleur d'oranger incarne aussi Nadia, la matriarche vétérinaire qui soigne autant les animaux que les humains.
― Sans vouloir pénétrer dans les arcanes de la création, ni même être indiscret, pouvez-vous nous dire s'il est facile de suivre toutes les histoires parallèles des personnages qui parfois se rejoignent ?
― J'ai suivi mes personnages durant des temps forts de leur existence. J'ai travaillé dans la continuité pour certains, puis j'ai découpé le texte obtenu en petites unités. le plus difficile pour moi a été de trouver le bon endroit où placer ces unités sans créer des ruptures entre chacune des petites musiques des personnages.
― Votre roman contient un récit enchâssé lié à la Préhistoire. Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire sur cette période ?
― La Préhistoire n'est pas une période dont on parle beaucoup en Algérie même s'il existe de nombreuses traces des hommes préhistoriques. Depuis longtemps j'essaie d'imaginer comment ils vivaient en particulier dans ces régions que je connais le plus, c'est-à-dire la vallée de la Soummam et la chaîne montagneuse des Babors.
― Si on devait rattacher votre roman à un genre littéraire particulier, lequel serait-ce ?
― Le roman familial. Même si les personnages sont souvent très seuls et semblent être des étoiles jetées dans un cosmos impitoyable, il existe des interactions qui montrent que faire partie d'une famille fait toujours sens.