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Citations sur L'arbre-seul (9)

Il avait tatoué sur son cœur
Le nom intraduisible
D’une femme de néant : Nada

Nada, ma nuit de rien
Nada, mon ombre fauve
Nada, pour le rire et le non

Il psalmodiait avec ivresse
Ce mantra de carbone
En souvenir de l'or

Nada, ô ma sultane
Nada, ma déchirure
Nada, pour la fin des fins

Sous son masque de cendre
Il suivait du regard
Une sombre déesse

Nada, au goût d'orage
Nada, de corps et d'esprit
Nada, qui efface tout

Nada, portée à l'infini
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DE REFLET EN REFLET

(Rishikesh)

Le soir descend sur la grève
et la grève devient l'arc-en-ciel de la nuit
du jour éteint glisse une ombre,
chant obscur qui met un cœur de sable
dans le cœur et le sang

De reflet en reflet s'effaçant
le monde enfui se perd comme une âme
la vague de l'au-delà déferle au-dedans
une corneille mantelée disperse les offrandes
chacun s'abandonne aux mains vides du temps

Garwal, septembre 1980
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DÉPAYSEMENT
À Claude Roy.


D'abord mon pays fut un arbre
puis un livre
une révolte
puis une ombre

un amour
un secret
un regard
un désert

mon pays fut cheval
souffle aride
soleil
désespoir livré avec un goût de sang

mon pays fut dessin d'aveugle
rire de lépreux
offrande
somnolence d'enfant près du stand aux rickshaws

mon pays fut un chant
une nuit blessée
une halte
un arc-en-ciel dans l'azur le plus clair


mon pays fut comme un sentier jeté au Gange
comme un thé trop fort
comme un don au néant
comme une main coupée

mon pays fut la ligne des neiges
ardoise gravée
turquoise
oubli

mon pays fut
l'envers de mon pays —
mon pays est
un dépaysement.

p.141-142
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L'AURA DES CHOSES

II

Au premier matin

après le déluge

les hommes ont touché terre

à
Manali

presque tous s'en furent suivre le reflux des eaux dans le sens de la pente dans le sens de la vie

il y en eut trois ou quatre à contre-courant pour remonter les éboulis découvrir l'impossible

l'Himalaya autrement dit

les autres vers l'aval se donnèrent l'illusion d'avoir recréé le monde

III

Feu d'ombre source noire toujours encore le creux du corps

il y a là majesté nue un désir êcorché qui tient à vif le nerf des temps

ce n'est que le secret d'un cri aveuglé comme syncope sous la bouche

fauve dans le blanc de l'instant sans foi ni leurre ni reniement

IV

Créer en pays aride éloigné de tout

seul avec le sable et cette soif qui change les lèvres en syllabes de sel

parole qui se tait

au désir absolu de boire

sa propre soif

espoir qu'une rosée de lumière devienne le don peut-être d'une déesse amoureuse silencieuse et absente

V

Un chemin quel chemin?

un espace quel espace?

le mouvement fait signe la vision s'accomplit

sursaut des songes de la matière évasion de la matière des songes

c'est un volcan de lumière qui laisse en marge sa mémoire pour être bloc de présent dans la distance abolie

l'effraction a pouvoir d'aimanter la part lyrique

VI

Un paysage quel paysage?

un horizon quel horizon?

ce sont les limbes des songes les montagnes secrètes et le ciel réunis dans les choses

l'incarnation des tourments l'incarnation des traces et des morts l'incarnation des lueurs qui ont mené les corps

de la buée sur le seuil et une haleine au loin

VII

Partir au plus pressé n'importe où

caresser des os et des dents des stèles effacées des portes vides

il y a ce silence auquel ne manque aucun mot

mais qui veut la bouche d'un voyageur égaré le souffle d'une sombre cavalière

VIII

L'Univers est son hôtel

il passe au galop devant les
Ogadins

un lion mange son cheval

lui

le piéton

l'indépendant à outrance

l'impatient solaire

lui

dans la nuit des pierres

et la colère

où l'espace est donné

où le lieu

est un cratère

sitôt brûlé

tôt impossible

et sans fin

IX

Celui-là ne chante pas pour les autres.
Ni à leur place.
Ni en leur nom.
La vie lui a été bonne fille.
Il a choisi sa route.
Peu d'obstacles.
Nulle entrave.
Il n'a pas connu la guerre.
Pas connu la faim.
Peu de souffrances.
Et des cœurs accueillants.
Le voile des choses s'est levé plusieurs fois à son approche.
Il sait l'éblouissement et les instants sublimes.
L'absence des dieux ne le tourmente guère.
Il aime le sable et le vent.
Aimera la poussière.
Ne parlera plus de lui.
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LE MONDE EST UN AUTRE MONDE
PAR ANDRÉ VELTER


Ajanta dans la paix des temples troglodytes,
Aussi loin désormais qu'il y a deux mille ans
Du jeu fanatisé, de la buée de sang
Qui hantent le martyr d'une foule maudite.

Le journal ce matin dit
Bombay en émeute,
Des hommes tirés à vue, des quartiers embrasés.
Des hordes appointées et des flics si blasés
Qu'ils gèrent le carnage en rackettant la meute.

Comment entendre ici ce monde massacré?
Pas un cri, pas un pleur, pas une once de peur
Ne troublent le secret, la grâce, les couleurs

Des fresques fabuleuses ni de l'aura sacré

Qui passe sur la pierre quand un gardien suspend

La lumière du soleil à du papier d'argent *.
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MOUVEMENTS



Il y a ceux

qui vont au bout du monde

pour se voir

entre quatre horizons,

ceux qui dérivent au loin

pour se garder

un espoir de retour

et ceux qui partent, ô
Baudelaire,

pour partir.

Ce sont gens de déroute

d'exil et de grand vide

qui prennent souffle dans le feu

et le secret éclat des songes.

A distance ils se tiennent proches

d'un nuage en cavale

d'une source perdue dans les yeux d'une fille

ou du silence qui suit le rire trop vaste

d'une tragédie sans objet.

L'infini scintille à leur cou

écharpe d'herbe et de chimère

pour ne pas dire de néant et de nuit.

Ils ont depuis l'enfance le goût

des saisons violentes

des fruits qui agacent les dents

des métaphores qui montent à la tête

prenant sans cesse les devants

et improvisant à tombeau ouvert.

Sous leurs pas, la terre

comme un gouffre une étreinte

une blessure qui jubile

de n'être ni refuge ni repos,

la terre comme boulet de granit

bille de bois globe de cendre

sphère de froid boule de lave,

la terre comme une marraine sans recours

comme une marée sans rivage

comme une bulle d'éternité qui crève

au bec d'un oiseau mort.

Le champ du monde écoute la poussière qui va

et tous ceux qui s'enivrent d'un destin

de schiste et de mica

de basalte et de craie

de sel de soufre de fumée,

tous ceux qui s'éveillent en sursaut

de leur tendresse exaspérée.

Quel est ce songe qui coupe le retour?

Quel est ce ravissement

qui choisit contre
Dieu

la migration du carbone du chlore ou de l'êther?

erviers de grande prédation les soleils de nos vies s'évadent et s'amenuisent,

le jeu se rejoue à l'envers

où le pendu n'est qu'une corde

et la mandragore un talisman de poupée.

Sages déchus

prophètes qui n'êtes dignes

celui qui nous voit ne peut croire

que nous ne sommes point là

campés bon pied dans l'histoire

solides au poste et bon œil

mais déjà départis de nous

déjà dénoués des autres

déjà plus qu'à peine effacés.

Princes déchus

mendiants qui n'êtes dignes

le premier pas n'a pas été et le dernier

n'existe pas plus que le soi-disant

bout du monde,

le voyage qui nous a traversé

compose conjugue et décompose

les temps de ce futur-passé

qui veille à l'insomnie des choses.
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LES DORMEURS

à
Marc
Gérenton

Le sommeil est un navire qui garde la houle au dedans et le ciel au dedans et l'infiniment bleu de la mer ou de la nuit qui se rêve.

On a posé nos têtes sur du sable, posé nos têtes sur des épines, sur un sol dur chargé d'odeurs, nos têtes de mort ou de folie, nos têtes de vide et de
vie.

Le temps a mis son masque quotidien, moisson de mensonges sur la peau, réseau de signes noirs où le sens laisse goutte à goutte le sang de sa mémoire.

Le sable, lui, se souvient d'une forêt sans limite avec ronces et clairières, feux de fougères, de foudre, cristaux de légendes.

Où vont nos têtes déraisonnables, à l'aplomb de quelle absence, en exil de quel corps ?
Elles flottent sur des ombres comme des noix de néant,

des noix creuses, dépulpées, qui sortent d'un naufrage pour entrer sans frayeur dans une perdition sèche, un état d'âmes désertées.

Des gisants il ne reste que du papier journal, un peu d'effroi froissé contre des bouches closes.
Le sommeil efface toute trace

et nos tombeaux.
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L'ARBRE-SEC

Passée cette ombre petite et pauvre

l'horizon prenait couleur d'hérésie —

un dos de dragon

le tranchant d'une épée empoisonnée

un souffle abstrait dans la poussière du ciel,

ce n'était plus un refuge

mais une chimère noire

une bague de néant

qu'un cavalier d'apocalypse

avait tenue entre ses dents

pour la fée folle des sables.

Au confluent des peurs

seul et sec

l'arbre était

l'êpouvantail du vide.

Il voyait le monde aveugle

le monde sans raison ni saisons

le monde de l'anathème

et du poignard dans l'épaule.

Il écoutait le chant d'un espace sans o

la plainte des esprits calcinés —

plus un rire pareil au repentir de l'Ange.

C'était lui jadis

qui était venu dans un rêve dt roi

mettre à pleine voix

le saccage :

Abattez l'arbre, brisez ses branches,

arrachez son feuillage, jetez son fruit,

que les bêtes fuient son abri

et les oiseaux sa ramure.

Mais que restent en terre

dans des liens de bronze et de fer

la souche et les racines...

La malédiction fut pain béni,

aliment des pillards et des femmes

en peine dans le désert.

Non la limite n'était pas si proche

ni l'inconnu cerclé de flammes,

il y avait un au-delà aux pensées encloses

un au-delà aux brumes enracinées

aux tourments du
Jeu de saint
Nicolas

aux outrages de l'émir de l'outre-Arbre-Sec

et à toutes les légendes qui clouent

les remords sur les ombres,

un au-delà que suivaient les caravanes.
Plus loin c'était encore de l'aube des mystères et des nuits trouées des hommes qui épousaient la guerre ou qui la répudiaient par amour du destin, c'était des
champs de riz des vergers de mûriers des crissements de soie aux doigts des musiciens et même la voix prise de boisson d'un poète qui liait les étoiles au linceul

au turban dénoué de son front pour un départ désinvolte.

Sur la ligne de partage des fanatismes -

rives de soir et de soif

de sueur et de sens,

les feux renaissaient.

Les déserteurs avaient inventé

la fraternité de tous les dangers

chacun s'exilait d'un pays qui n'était

pas tout à fait le sien

d'un temps qui n'était pas

d'un dogme qui n'était pas tout à fait

d'un songe qui n'était pas tout à fait le sien.

L'arbre mort du
Khorassan

aiguisait le désir d'outrepasser

de fuir de disparaître de changer d'éternité.

Adieu
Bagdad adieu
Byzance

adieu les grands dieux assassins

gavés de pommes rouges,

les sans-nom sur la terre aimaient
Balkh
Babylone

Gayâ
Khotan et les temples engloutis

les ruines où nichent les gypaètes

les sentiers qui s'égarent les âmes infinies -

ce qui donne à la vie la présence et l'oubli.
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