Mon mari de
Maud Ventura m'apparait dans le rayon de la littérature française, avec le bandeau « Un délice irrésistible ! » d'
Amélie Nothomb, tend ma curiosité, étant un Nothombien, je le prends pour en lire le quatrième de couverture, juste cette partie qui résume l'intrigue, pas celle des louanges de certains pseudos journalistes littéraires, ni aussi l'écho dithyrambique de l'éditeur sur la vie du roman avant sa parution en édition de poche, avec ces prix obtenus et ces nombreux lecteurs. Je recherche surtout l'attraction intime, ne pas être pris dans un cercle de mode, et pouvoir dire à tous, je l'ai lu aussi, une sorte de glorification de faire partie de la meute du moment. D'ailleurs, je suis toujours en décalage avec cette ferveur, me méfiant de notre société, de l'entre soi. Ce roman fut dévoré en quelques heures par l'écriture, la forme, l'intrigue, le sujet, l'impertinence, l'humour et essentiellement l'originalité.
Maud Ventura a su écrire une satire du couple tout à fait transgressif.
J'essaie de me souvenir d'une rencontre avec une héroïne aussi ineffable, une amoureuse obsessionnelle, une femme refusant tout rôle que celui d'aimer son mari, cet amour est triste, l'éloignant de son statut de mère, celui avec ces deux enfants de sept et neuf ans, conjuguant sa vie qu'avec celle de son mari, oeuvrant à tous les stratagèmes pour cet homme qui a accepté d'être son mari, ce culte est presque religieux, l'unique bonheur de cette femme est d'être seul avec son mari, recherchant les petites attentions d'un homme amoureux, un geste, un regard, une parole, un sourire et tout ce que peut faire un homme amoureux pour sa promise. Tout le roman s'articule sur cette amoureuse, dévoilant sa psychologie la plus intime, creusant au fond de son esprit pour en extraire des pensées obscures, sans rationalités, des réflexions de plus en plus contradictoires, le tout sous cette architecture minutieuse des carnets que tient notre amoureuse, elle note tout, tout est minutieusement orchestré, sa vie s'étale dans ces carnets, tous ces gestes, ces réflexions sont des postures savamment étudiées, notre femme amoureuse est une petite marionnette qu'elle articule par des fils protocolaires pour être la femme parfaite pour son mari, sa vie est une pièce de théâtre, jouant le rôle de l'amoureuse, une amoureuse névrosée, une amoureuse froide et manipulatrice, une amoureuse sanguine et sexuelle, une amoureuse esclave et libertine punitive, une amoureuse à la folie d'Ariane Corisande d'Auble de Belle du seigneur, une amoureuse passionnée comme Nora dans
le livre des soeurs, une amoureuse idéaliste comme Emma Bovary, une amoureuse conquérante assez stendhalienne comme Mathilde de la Mole, une amoureuse acharnée pas comme Phèdre qu'elle cite plusieurs fois dans son roman, elle aimerait être cette amoureuse de
L'amant de
Marguerite Duras. Pendant tout le roman, notre héroïne a ce roman dans les mains, à chaque occasion, elle fait sembler de le lire devant son mari, le mettant en évidence pour faire réagir son mari, toujours trop policé pour notre amoureuse, elle rêve d'un mari, qui lui ment, qui la trompe, un mari fourbe, sa perfection la trouble, la rend folle,
L'amant la soutient dans cette comédie amoureuse qu'elle s'invente, même en couchant avec un homme avec qui elle échange depuis un long moment, un parent d'élève rencontré lors d'une réunion, lui aussi marié, elle se venge du comportement de son mari, comme cette folie de se faire baiser chez elle lors de l'anniversaire de sa fille cadette, dans la salle de bain par le meilleur ami de son mari, qui surprit se laisse faire à le prendre debout, pour la calmer d'avoir surpris son mari flirter avec la femme de son amant éphémère, cette démence punitive qu'elle inflige à son mari régulièrement, notant tout dans ce carnet des punitions, elle lui cache des affaires, comme ses clefs, un document important de son cabinet d'affaire, faisant semblant de ne pas l'entendre lui parler, juste pour le faire répéter plusieurs fois, ne répondant pas à ces appels téléphoniques, notre amoureuse en devient machiavélique. Elle laisse dans la maison, une lettre d'un amant potentiel, pour créer une dispute, une forme de jalousie, elle surveille la boite aux lettres, se faisant faire fabriquer un double des clefs, elle surveille lorsqu'il rentre du travail, sa démarche, sa gestuelle, comme l'héroïne de
L'amant et la citation du livre qui la caractérise « Je n'ai jamais rien fait qu'attendre devant la porte fermée. ».
Il y a aussi cet anglicisme assez présent dans ce roman, notre amoureuse et professeur d'anglais dans un lycée et aussi traductrice de livre, beaucoup de mot anglais tourbillonnent dans le vocabulaire de cette femme, certains n'ont pas leur traduction véritable en français, elle a rencontré son mari lors d'un concert d'un groupe anglo-saxon, laissant les paroles d'une chanson couler comme une mélodie mélancolique de leur rencontre, son mari est un husband material, c'est ce détail qu'elle lui a décelé devenant à ces yeux un mari potentiel.
J'ai beaucoup de détail de ce roman qui me viennent à l'esprit, comme les jours de la semaine qui sont associés à des couleurs et des humeurs, elle s'amuse à associer trois adjectifs aux personnes qu'elle côtoie, ce jeu est long, car chaque attribut doit lui correspondre parfaitement, il y a en plus un ordre de croissance dans ces caractères intimes. Presque tout est notifié dans des carnets, dans son travail pour le vocabulaire spécifique, dans sa vie pour être une femme amoureuse, dans sa façon de se comporter en public, référant à
Nadine de Rothschild, elle glane aussi dans les articles sur des magazines, il y a aussi des carnets sur son mari, sur ses erreurs de comportements, sur les punitions, notre amoureuse note tout, elle connaît les différentes humeurs de son marin selon ces choix musicaux. Je finirai par le passage de sa fuite en avant en voiture dans le tumulte de ses pensées négatives, la laissant dans le piège de l'accident de voiture, prisonnière de ces obsessions les plus sombres, puis la musique Supertramp et son morceau qui la berce de ces émotions chancelantes, la chanson dure plus de six minutes, la remettant encore et encore, ces paroles qu'elle traduit, la transposant à sa situation mélodramatique qu'elle s'est encore inventée, « Don't leave me now », comme la chanson de
Véronique Sanson « Amoureuse », qu'elle écoute en boucle, vous pouvez lire ce livre avec ces morceaux qui jalonnent le roman !
Un roman addictif, transgressif, vicieux et une belle satire du couple moderne et de sa perversité psychologique, à ne pas mettre dans toutes les mains, les bienpensants, abstenez-vous, la révolte et le dégout seront vos émotions premières, je peux me tromper, naturellement, me référant aux critiques négatives et virulentes suscitées par ce roman.