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4,1

sur 1231 notes
C'est grâce au petit documentaire "Résistance: 40 figures contre le nazisme" de l'excellente collection Bam! que j'ai découvert Vercors.
Dans "Le silence de la mer", les deux protagonistes mettent en place une résistance passive face à l'Allemand logeant chez eux ("Nous avons décidé de ne rien changer à notre vie, comme si l'officier n'existait pas"), gardant le silence soir après soir malgré la volonté de celui-ci de faire la conversation. Ce silence, symbole de la dignité française, est une réaction noble à une situation ignoble. le silence est de plus en plus difficile à maintenir car l'officier est un homme cultivé et respectable, de bonne compagnie, qui a, qui plus est, une haute idée de la France, pays à la culture riche et variée. A aucun moment il ne se formalisera de ce silence, au contraire, il semble approuver l'attitude des Français ("cette expression d'approbation à la fois souriante et grave"), conscient que si "nous avons l'occasion de détruire la France, elle le sera". Vercors met ainsi en garde contre la fin du rayonnement culturel français si l'occupation allemande venait à perdurer.

"Ce jour-là" est un instant de vie tout en émotions entre un petit garçon et son père, où la beauté de la balade en pleine nature vient contraster avec la dureté de l'événement vécu (l'arrestation de la mère).
"Le Songe" est une sorte de rêve fantasmagorique dans lequel l'auteur fait une longue description de corps décharnés (alias les morts-vivants des camps de concentration), cherchant à éveiller à "la conscience universelle et flottante" de la souffrance des autres, à travers le monde.
A travers le personnage de Renaud Houlade dans "L'Impuissance", Vercors encourage à se révolter au lieu de se réfugier dans son petit monde, de se retrancher derrière ses petites habitudes. Comment peut-on "converser avec monsieur Stendhal pendant qu'on rôtit des femmes et des gosses dans une église?" (référence à Oradour). On ne peut "ignorer lâchement ces actes horribles".

Petite touche d'humour dans "Le Cheval et la Mort": la visite de Hitler à Paris semble aussi incongrue que celle d'un cheval dans une maison bourgeoise!
J'ai beaucoup aimé "L'imprimerie de Verdun" qui évoque bien le tiraillement que l'on devait ressentir entre les directives du gouvernement et les penchants de son coeur. Vendresse, qui a combattu pendant la Grande Guerre, est entièrement dévoué à Pétain qui s'y est distingué. Mais son commis et ami est juif... Si dans un premier temps, "il s'en laisse facilement conter", il finira par changer d'idéologie en voyant le sort réservé à Dacosta et sa famille.

On voit bien avec ces six nouvelles l'enchaînement des idées et des arguments en faveur de la Résistance que prône l'auteur. Chaque fois le propos est subtil et le message véhiculé dans des histoires variées qui se complètent bien. de ce fait il faut bien connaître le contexte de l'époque, afin d'en savourer pleinement la teneur.
Lien : https://www.takalirsa.fr/le-..
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Je critique l'ensemble du recueil, pas seulement la nouvelle éponyme.
Un recueil de nouvelles d'une force incroyable, puissantes, surtout en regardant la date d'écriture : Vercors écrit de 41 à 43, en plein pendant les horreurs de la guerre, alors qu'il n'y a pas d'espoir, tout en montrant la beauté et la grandeur dans les coeurs et les actes de certains hommes. Et, en écrivant en ces années noires, il n'y a pas de haine en lui. Il n'en veut pas personnellement aux Allemands - mais au nazisme. Et d'ailleurs, ceux qui sont coupables, ce sont certains Français eux-mêmes, les collaborateurs, les armées d'occupation apparaissent peu.
Sauf dans la première nouvelle, "Le Silence de la mer". le récit est très simple - un officier occupe un logement et une simple famille de Français. Mais il faut attendre les dernières pages pour avoir une indication, savoir quelle est la guerre dont il est question : tous les indices peuvent suggérer la guerre de 70, comme dans certaines nouvelles De Maupassant : un officier blond, qui a un nom noble, d'origine française vraisemblablement, épris de la culture française - et à l'inverse, on sent que Vercors apprécie la culture, la musique allemandes. C'est l'image d'un officier prussien, pas d'un S.S. Les hommes pourraient donc se discuter et se comprendre, même sans mot, voire s'aimer, par delà les frontières et les langues, alors que le nazisme vise à détruire la culture - et on retrouve de façon très moderne des formes de fanatisme et de terrorisme qui veulent effacer l'histoire et la culture.
Tous les récits du recueil sont très forts, mais j'en retiens deux autres particulièrement. "Le Songe" est un récit onirique qui devient un cauchemar actuel en décrivant les camps - mais en 1943 ! J'ai voulu vérifier la date, en 43, cela montre bien que certains savaient ! Et le dernier texte, "L'imprimerie de Verdun", qui dénonce bien les horreurs de la collaboration, et à côté la force d'un homme ordinaire, pleins de préjugés au départ, et qui, par amitié, se transforme d'antisémite nationaliste en résistant.
Un recueil d'une très grande force donc, une découverte poignante que je relirai avec des images qui vont rester gravées en moi.
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On se prend facilement dans ces remous silencieux de la mer. le souffle de l'occupation nous prend à la gorge. le "bon occupant" n'existe pas, c'est un dupe! Pétain lui ne l'est plus.
Dans ces nouvelles, écrites pendant l'occupation, on en ressent les effets. Tyrannie de la police de Vichy, envers les opposants et les juifs. L'impuissance est aussi décrite comme une fatalité, fatalité qu'il faut dépasser par la résistance.
Bref la mer nous submerge en grand silence.
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Le silence de la mer est une nouvelle où le ressenti, l'ambiance est plus importante que le contenu, le récit.
Nous avons trois personnages : le narrateur et sa nièce, qui vivent sous le même toit et s'allient dans leur silence, et un Allemand venu vivre chez eux pendant la guerre contre la France.
Silence, peur, incompréhension : les deux Français s'unissent contre l'Allemand avec leur arme : le silence.
L'Allemand pourtant est un gentilhomme. Il parle, il est très poli, a toujours un mot gentil. Il n'a vraiment rien à reprocher. Au fur et à mesure du récit, on se prend presque d'affection pour lui, il est honnête. Il est bon de voir les points de vue de cet homme. Un humain reste un humain, peu importe sa patrie, et surtout peu importe la politique et les quelques gouvernants à la tête de son pays.
On sent le désespoir et l'horreur envahirent nos trois personnages. L'Allemand doit partir, horrifié, désolé, et après des longs jours de silence, il obtient un triste et déplorable : "Adieu".

Nous pouvons sentir toute la froideur de ce texte qui réfère à la guerre, cassée pourtant par la gentillesse et la chaleur de l'Allemand qui parle de la culture de la France avec beaucoup d'amitié. La guerre détruit, casse, rompt au silence.
Peut-être ce très lourd silence est-il la meilleure réaction et attitude à avoir dans ce contexte... face à l'absurdité, face à l'horreur, peut-être ont-il trouvé dans ce silence commun un acte de résistance.

J'ai bien apprécié cette nouvelle, qui se lit vite, agréable à lire, sans lourdeur.
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"Je vous souhaite une bonne nuit". Ainsi se terminent cinq des huit chapitres de ce court roman de Vercors.
"Je vous souhaite une bonne nuit". À elle seule, cette phrase pourrait le résumer.
"Je vous souhaite une bonne nuit" : courtoisie qui caractérise l'officier allemand cultivé, francophile et francophone.
"Je vous souhaite une bonne nuit" : salutation qui invite au silence de la nuit.
À l'homme et sa nièce dont il a réquisitionné une chambre de la maison, l'officier allemand exprime, chaque soir, son amour de la France et de la culture française. Pour toute résistance, les deux français lui opposent leur silence.
Le silence de la mer est donc une pièce dramatique où les "occupés" se taisent et où seul l'occupant parle. On sent cependant que, malgré la guerre et au-delà de la guerre, les deux français finissent par apprécier la personnalité de l'officier allemand. Mais leur patriotisme leur interdit d'exprimer leurs sentiments.
Lorsque l'officier allemand, muté sur un autre front, celui de l'"enfer", devra quitter ses hôtes, la nièce prononcera son seul mot du récit : Adieu.
Je vous souhaite une bonne lecture.
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Quelle puissance dans ce roman. Un condensé de nouvelles toutes plus intéressantes les unes que les autres.
Vercors est un auteur que j'ai découvert au lycée autour d'une pièce de théâtre nommé « Zoo ou l'assassin philanthrope ». La pièce représentait un procès dans lequel on posait la question : qu'est ce qu'un homme ? On écoutait le point de vue des anthropologues, des paléontologues, des zoologistes. Cette oeuvre montrait les dérives de la colonisation avec un style mis satyrique mis absurde ; à l'époque, elle avait été pour moi une révélation.

Il m'a fallu du temps pour me replonger dans ses écrits et mon attente fut à la hauteur de toutes mes espérances. On retrouve pourtant dans ce recueil de nouvelles, un sujet que je trouve bien trop utilisé dans la littérature : la seconde guerre mondiale.
Mais ici, on nous montre une autre facette de cette sombre période : la réaction des hommes face à la propagande, face à la montée du nazisme et d'Hitler, mais également leur incrédulité face aux choix du maréchal Pétain de suivre cette voie et d'aller exterminer les juifs avec l'aide de la police française.

D'une écriture fluide et puissante, on observe différents personnages dans leurs vies, qu'elles soient dans les camps, ou à travers la déportation, les menaces, les trahisons, l'exil et le silence face à tant d'horreur.
Ce roman est d'autant plus fort qu'il va emprunter un chemin difficile, il va écrire sur la seconde guerre mondiale sans mettre uniquement en avant la monstruosité des camps. On va se retrouver face à des hommes « lambda » mais qui ont également vécu la seconde guerre mondiale. Pourquoi devrions-nous nous rappeler que de ceux qui sont morts ? Beaucoup de personnes ont souffert et je trouve cela encore plus fort de ne pas les mettre de côté.
Ce roman parle de la seconde guerre mondiale, mais il pourrait surtout raconter votre vie dans cette guerre, et c'est ce qui le rend intemporel.

Lien : https://charlitdeslivres.wor..
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Un livre qui n'a pas besoin de beaucoup de pages pour nous bouleverser. Il dit délicatement, puissamment, la petite histoire dans la grande.
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Le silence de la mer est sans aucun doute l'un des plus beau texte écrit sur la résistance, l'incompréhension et l'amour.
Il est dur d'exprimer les sentiments qui vous traversent à la lecture de ces pages.

Bien sûr tous les allemands n'étaient pas des salauds. Bien sûr tous les français n'étaient pas des résistants armes à la main. Et bien sûr ils pouvaient s'aimer malgré tout ce qui les dépassait.

Mais voyez-vous, je serais toujours plus proche de ce père et sa fille, résistants du silence et du reproche, de la réprobation des faibles qui trouvent toujours un moyen de s'opposer à l'injustice et à l'inéluctabilité de leur sort, que des indignés.

Et puis, Vercors a su traduire un trouble, un amour tout aussi impossible que celui de Roméo et Juliette. Tous les officiers allemands n'ont pas été aussi chevaleresques que celui de Vercors, loin s'en faut. Mais j'ose espérer que, comme Vercors l'a imaginé, il y avait des ilots de civilisation au milieu de tant d'horreur, comme dans toutes les guerres.

Tout cela est décrit avec justesse et une grande économie de mots, mais sans une parole échangée, si ce n'est le plus déchirant et le plus vibrant des mots d'amour que la jeune fille pouvait oser : "Adieu".
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Lu il y à très longtemps, mériterait que j'y revienne. le silence est une forme de résistance, peut signifier le mépris ou l'indifférence. Nous l'avions étudié à l'école, notre enseignante nous avait dit alors.. ne jamais pactiser avec l'ennemie, même si ce dernier nous semble attrayant..
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Voici un récit très simple écrit en 1942, pendant l'occupation. Une famille française est contrainte d'héberger un officier allemand. Celui-ci n'est pas seulement "korrect", mais aussi cultivé et extrêmement poli. Mais c'est un ennemi, et les logeurs refusent obstinément de lui parler. Entre eux, tout est dans le non-dit - car les Français ne peuvent pas ignorer les qualités personnelles de l'Allemand. Quand il quitte définitivement la maison, un seul mot est dit: « Adieu » et c'est la manifestation sincère d'une grande estime qui n'ose pas dire son nom.
C'est un texte bref, sobre et même austère, émouvant, écrit dans un style légèrement suranné mais plaisant. Ce livre est d'autant plus remarquable qu'il a été écrit par un résistant, pendant la guerre. Il est beaucoup moins dur que "Les armes de la nuit", du même auteur.
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