AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Jadis et naguère (24)

Allégorie

Despotique, pesant, incolore, l'Été,
Comme un roi fainéant présidant un supplice,
S'étire par l'ardeur blanche du ciel complice
Et bâille. L'homme dort loin du travail quitté.

L'alouette au matin, lasse, n'a pas chanté,
Pas un nuage, pas un souffle, rien qui plisse
Ou ride cet azur implacablement lisse
Où le silence bout dans l'immobilité.

L'âpre engourdissement a gagné les cigales
Et sur leur lit étroit de pierres inégales
Les ruisseaux à moitié taris ne sautent plus.

Une rotation incessante de moires
Lumineuses étend ses flux et ses reflux...
Des guêpes, çà et là, volent, jaunes et noires.
Commenter  J’apprécie          30
L’AUBERGE
À Jean Moréas


Murs blancs, toit rouge, c’est l’Auberge fraîche au bord
Du grand chemin poudreux où le pied brûle et saigne,
L’auberge gaie avec le Bonheur pour enseigne.
Vin bleu, pain tendre, et pas besoin de passe-port.

Ici l’on fume, ici l’on chante, ici l’on dort.
L’hôte est un vieux soldat, et l’hôtesse qui peigne
Et lave dix marmots roses et pleins de teigne
Parle d’amour, de joie et d’aise, et n’a pas tort !

La salle au noir plafond de poutres, aux images
Violentes, Maleck Adel et les Rois Mages,
Vous accueille d’un bon parfum de soupe aux choux.

Entendez-vous ? C’est la marmite qu’accompagne
L’horloge du tic tac allègre de son pouls.
Et la fenêtre s’ouvre au loin sur la campagne.

p.28
Commenter  J’apprécie          20
DIZAIN MIL HUIT CENT TRENTE
Je suis né romantique et j'eusse été fatal
En un frac très étroit aux boutons de métal,
Avec ma barbe en pointe et mes cheveux en brosse.
Hablant español, très loyal et très féroce,
L'oeil idoine à l'oeillade et chargé de défis.
Beautés mises à mal et bourgeois déconfits
Eussent bondé ma vie et soûlé mon coeur d'homme.
Pâle et jaune, d'ailleurs, et taciturne comme
Un enfant scrofuleux dans un Escurial...
Et puis j'eusse été si féroce et si loyal !
Commenter  J’apprécie          20
LE SQUELETTE
À Albert Mérat


Deux reîtres saouls, courant les champs, virent parmi
La fange d’un fossé profond, une carcasse
Humaine dont la faim torve d’un loup fugace
Venait de disloquer l’ossature à demi.

La tête, intacte, avait ce rictus ennemi
Qui nous attriste, nous énerve et nous agace.
Or, peu mystiques, nos capitaines Fracasse
Songèrent (John Falstaff lui-même en eût frémi)

Qu’ils avaient bu, que tout vin bu filtre et s’égoutte,
Et qu’en outre ce mort avec son chef béant
Ne serait pas fâché de boire aussi, sans doute.

Mais comme il ne faut pas insulter au Néant,
Le squelette s’étant dressé sur son séant
Fit signe qu’ils pouvaient continuer leur route.

p.21
Commenter  J’apprécie          10
LE PITRE


Le tréteau qu’un orchestre emphatique secoue
Grince sous les grands pieds du maigre baladin
Qui harangue non sans finesse et sans dédain
Les badauds piétinant devant lui dans la boue.

Le plâtre de son front et le fard de sa joue
Font merveille. Il pérore et se tait tout soudain,
Reçoit des coups de pieds au derrière, badin
Baise au cou sa commère énorme, et fait la roue.

Ses boniments, de cœur et d’âme approuvons-les.
Son court pourpoint de toile à fleurs et ses mollets
Tournants jusqu’à l’abus valent que l’on s’arrête.

Mais ce qu’il sied à tous d’admirer, c’est surtout
Cette perruque d’où se dresse sur la tête,
Preste, une queue avec un papillon au bout.

p.26
Commenter  J’apprécie          10
Écrit sur l’Album de Mme N. de V.


Des yeux tout autour de la tête
Ainsi qu’il est dit dans Murger.
Point très bonne. Un esprit d’enfer
Avec des rires d’alouette.

Sculpteur, musicien, poète
Sont ses hôtes. Dieux, quel hiver
Nous passâmes ! Ce fut amer
Et doux. Un sabbat ! Une fête !

Ses cheveux, noir tas sauvage où
Scintille un barbare bijou,
La font reine et la font fantoche.

Ayant vu cet ange pervers,
" Oùsqu’est mon sonnet ? " dit Arvers,
Et Chilpéric dit : " Sapristoche ! "


Commenter  J’apprécie          10
PIERROT
A Léon Valade.
Ce n'est plus le rêveur lunaire du vieil air
Qui riait aux aïeux dans les dessus de portes ;
Sa gaîté, comme sa chandelle, hélas ! est morte,
Et son spectre aujourd'hui nous hante, mince et clair.
Et voici que parmi l'effroi d'un long éclair
Sa pâle blouse à l'air, au vent froid qui l'emporte,
D'un linceul, et sa bouche est béante, de sorte
Qu'il semble hurler sous les morsures du ver.
Avec le bruit d'un vol d'oiseaux de nuit qui passe,
Ses manches blanches font vaguement par l'espace
Des signes fous auxquels personne ne répond.
Ses yeux sont deux grands trous où rampe du phosphore,
Et la farine rend plus effroyable encore
Sa face exsangue au nez pointu de moribond.
Commenter  J’apprécie          10
SONNETS ET AUTRES VERS
A la louange de Laure et de Pétrarque.
Chose italienne où Shakspeare a passé
Mais que Ronsard fit superbement française,
Fine basilique au large diocèse,
Saint-Pierre-des-Vers, immense et condensé,
Elle, ta marraine, et Lui qui t'a pensé,
Dogme entier toujours debout sous l'exégèse
Même edmondschéresque ou francisquesarceyse,
Sonnet, force acquise et trésor amassé,
Ceux-là sont très bons et toujours vénérables,
Ayant procuré leur luxe aux misérables
Et l'or fou qui sied aux pauvres glorieux,
Aux poètes fiers comme les gueux d'Espagne,
Aux vierges qu'exalte un rythme exact, aux yeux
Épris d'ordre, aux coeurs qu'un voeu chaste accompagne.
Commenter  J’apprécie          10
PROLOGUE
En route, mauvaise troupe !
Partez, mes enfants perdus !
Ces loisirs vous étaient dus !
La Chimère tend sa croupe.
Partez, grimpés sur son dos,
Comme essaime un vol de rêves
D'un malade dans les brèves
Fleurs vagues de ses rideaux.
Ma main tiède qui s'agite
Faible encore, mais enfin
Sans fièvre, et qui ne palpite
Plus que d'un effort divin,
Ma main vous bénit, petites
Mouches de mes soleils noirs
Et de mes nuits blanches. Vites,
Partez, petits désespoirs,
Petits espoirs, douleurs, joies,
Que dès hier renia
Mon coeur quêtant d'autres proies...
Allez, aeigri somnia.
Commenter  J’apprécie          10
Donc, aimons-nous. Prenez mon cœur avec ma main,
Mais, pour Dieu, n'allons pas songer au lendemain.
Commenter  J’apprécie          00






    Lecteurs (229) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Complétez ces vers ... de Verlaine

    Dans l'interminable Ennui ... La neige incertaine Luit comme du sable.

    de ma peine
    de la plaine
    des Ardennes
    des étables

    10 questions
    38 lecteurs ont répondu
    Thème : Paul VerlaineCréer un quiz sur ce livre

    {* *}