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Critique de hervethro


Oui, je l'avoue à ma plus profonde honte, c'est le premier roman de Jules Verne que je découvre. J'ai au moins l'excuse de ne pas me vautrer dans l'une de ses prémonition les plus connues. Paris au 20ème siècle fut imaginé (et rédigé) en 1860 mais ne fut publié qu'en 1994, soit plus de 30 ans après la date à laquelle se situe l'action du roman.
Verne projette donc les balbutiements d'une science en pleine gloire et peint un Paris qui tient toutes ses promesses. Il imagine un métropolitain aérien, propulsé par la force pneumatique, des institutions étatisées, bref toute la panoplie de gadgets obligés dans tout roman d'anticipation. Mais on est loin d'un futur tout beau, tout rose, où la technologie délivre l'homme. Bien au contraire. du coup, ce roman apparait comme bien noir. On pense au 1984 d'Orwell si ce n'est qu'ici pas de Big Brother mais une société marchande et industrielle qui broie davantage l'homme que ne peuvent le faire les avancées technologiques. En un sens, Verne met le doigt sur ce monde globalisé où l'argent est roi dans lequel nous vivons. Chapeau!
Cette omni présence de la finance relègue les arts (littérature, peinture, musique) aux oubliettes ou, pire encore, les remplace par de fades succédanés. Bien entendu, prédire ce que sera le futur est une entreprise osée et Verne ne tombe pas toujours juste, il reste parfois englué dans des perceptions du milieu du XIXème siècle, notamment en ce qui concerne les rapports humains. Comme s'il était plus facile de se projeter dans la technologie que dans les sentiments.
Michel Dufrénoy, orphelin recueilli par un oncle banquier de son état, va faire le douloureux apprentissage d'une société dans laquelle il n'a pas sa place, poète rêveur dans un monde pragmatique. Il ira de déconvenue en déconvenue dans des emplois qui ne lui conviennent pas. On assiste à sa déchéance, triste descente des barreaux de l'échelle sociale.
Au passage, Verne égratigne quelques-uns des auteurs, peintres et musiciens de son époque, tout en flattant son éditeur (qui refusera tout de même le manuscrit). La scène où Michel recherche les oeuvres de Victor Hugo dans une libraire moderne vaut son pesant d'or et on songe un instant au Fahrenheit 451 de Bradbury.
Dans ce monde hostile, Michel rencontrera un collègue, musicien désabusé autant sur son art que sur les femmes « qui n'existent plus » affirme-t-il, un vieil oncle féru de littérature et l'un de ses professeurs de lettres dont les élèves se réduisent jusqu'à n'être plus qu'un seul. Cette bouffé d'oxygène, accompagné de l'éventualité d'un amour (la petite fille du professeur), ne pourra rien contre la toute puissance d'une société qui broie ceux qui ne rentrent pas dans le moule, qui n'ont pas le « profil » qui convient. L'ultime chapitre renvoie au roman très sombre de Hamsun « la faim ». Michel erre dans un Paris glacial, dépense son dernier sou dans l'achat d'un bouquet pour sa Lucy, parcourt les allées d'un cimetière…
Ce court roman en appelle un autre, plus étoffé, signé d' Edward Bellamy, contemporain de Verne « Cent ans après » (looking backward) dont je vous causerai d'ici peu.
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