En librairie le 18 août 2023 et sur https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251454474/mysteres
Dernier tiers du 19e siècle : une paisible ville de la côte norvégienne est le théâtre d'événements mystérieux. Un jeune homme est retrouvé mort dans la forêt, les poignets tranchés par le couteau de la fille du pasteur, en même temps que débarque un étranger, Nagel, « charlatan étrange et singulier ». Crime ou suicide ? La question est sur toutes les lèvres, y compris celle du lecteur. En reconstituant les extravagantes apparitions de Nagel et en relatant ses interactions avec les villageois, le Prix Nobel de littérature Knut Hamsun explore la personnalité d'un héros insolite et insolent.
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Près du feu
Je musarde dans les bois
et, le soir venu, allume un feu.
A présent un jour de fini
à l'occident, la lune décline.
L'univers est parti se reposer,
brousailles et sentes se taisent,
mais les ailes des chauves-souris
noircissent face à la lueur du feu.
Mon coeur se repose, rêve,
s'apaise comme dans l'ivresse.
Autour de moi dans les bois, l'immense,
le doux bruissement me submerge.
Nuit d'été
Le soir tombe sur la ferme, l'horloge sonne.
Lentement, le bruit résonne dans la chaumière.
A présent, des papillons jouent dans les champs.
Un loquet se lève vers le silence du jardin -
La jeune femme saute comme une flamme dans les bras
de ce jeune homme à la rencontre du feu, qui s'embrase.
Et l'herbe prépare un emplacement
aux deux jeunes qui, d'un pas léger, partent
heureux rejoindre leurs lits.
Ainsi les papillons jouent-ils sur la terre.
Un son sourd vient du sud, du nord,
un murmure céleste vers l'éternel et au-delà.
"Je suis très heureux ce soir, c'est peut-être pour cela que j'ai trop bavardé. Tout me rend heureux : je marche ici à côté de vous, et c'est la plus belle nuit de ma vie. Je n'arrive pas à le comprendre : c'est comme si j'étais une partie de cette forêt, ou de ce sol ; une branche, un sapin, une pierre, oui même une pierre, mais une pierre remplie de tout ce parfum et de toute cette paix qui nous entourent. Regardez là-bas, le jour se lève : on voit une raie d'argent."
Ensemble ils regardèrent l'horizon.
"Moi aussi, je suis heureuse ce soir."
Elle avait dit cela spontanément, librement, impulsivement, comme si cela avait été la chose la plus naturelle du monde.
La vieille couverture ne pouvait plus me garantir du courant d'air et je me réveillais le matin parce que l'acerbe vent de frimas qui entrait chez moi m'avait enchifrené.
p152
Place du grand marché, je m'assis sur un des bancs près de l'église. Grand Dieu! Comme l'avenir commençait à me paraître sombre. Je ne pleurais pas, j'étais trop fatigué pour cela. Au comble de la torture, je restais là sans rien entreprendre, immobile et affamé.Ma poitrine surtout était en feu, j'y ressentais une cuisson tout particulièrement pénible. Mâcher des copeaux ne servirait plus à rien; mes mâchoires étaient lasses de ce travail stérile et je les laissai au repos.
L'automne est venu. Déjà il commence à plonger toutes choses en léthargie. Déjà les mouches et autres bestioles en ont ressenti les premières atteintes. Là-haut dans les arbres, en bas sur la terre, on entend le bruit de la vie qui s'obstine, grouillante, bruissante, inquiète, luttant pour ne pas périr. Dans le monde des insectes, toutes ces petites existences s'agitent une dernière fois. Des têtes jaunes sortent de la mousse, des pattes se lèvent, de longues antennes tâtonnent, puis tout-à-coup la bestiole s'affaisse, culbute et reste là le ventre à l'air.

Le lavage du poisson commença par une distribution d'eau-de-vie et de biscuits. August faisait la tournée avec la bouteille et Edevart avec les biscuits. Le lavage était très bien payé car c'était un travail pénible et malpropre; la rémunération était calculée par "grande centaine", de cent vingt. On tirait les morues de la cale et on les transportait à terre avec des canots. Les hommes et un certain nombre de femmes étaient là, avec de l'eau jusqu'aux genoux, et lavaient les poissons. On avait à enlever le sang figé et la peau noire du ventre, pour que la marchandise fût bien blanche. Une fois lavés, les poissons étaient transportés sur les rochers , à l'aide de brancards. August et Edevart dirigeaient l' opération, du pont de la Maase; ils avaient la surveillance de tout, criaient les ordres dans la cale, désignaient les bateaux. Karolus gagnait beaucoup d'argent avec sa barque à huit rames, qui pouvait charger une grande centaine d'un coup. Le capitaine Skaaro était souvent à terre, faisait des tournées sur la falaise, plaisantait avec les femmes qui lavaient les poissons.
Quelques jours plus tard, l'opération était terminée et on procéda à un nettoyage complet de la Maase. Les morues avaient été réparties en petit tas dans les rochers, et on attendait que les dernières traces de neige eussent disparu pour procéder au séchage.
Par Dieu, soit elle s'en va, soit elle veut pontifier. Si c'est ça, elle va sûrement me réfuter en disant : "Hum ! Cet homme a une opinion de la vie qui conviendrait mieux à un sauvage. Jamais entendu quelque chose de semblable ! C'est ça la vie ? Ce monsieur ignore sans doute ce qu'un des plus grands penseurs de la terre a dit de la vie : "La vie est une lutte constante contre les démons du coeur et de la raison".
Me voici dans les forêts.
Ce n'est pas que quelque chose m'ait offensé ou que j'aie été particulièrement blessé par la méchanceté humaine ; mais si les forêts ne viennent pas à moi, il faut que cesoit moi qui aille à elles.
C'est ainsi.
Il n'y avait pas un nuage dans mon âme, pas une sensation de malaise, et aussi loin que pouvait aller ma pensée, je n'avais pas une envie, pas un désir insatisfait. J'étais étendu les yeux ouverts, dans un état singulier ; j'étais absent de moi-même, je me sentais délicieusement loin.