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Critique de Clelie22


La foule se presse sur les quais de Liverpool pour voir partir un brick nouvellement construit : le Forward. Ce navire est environné de mystère : personne ne connaît sa destination, même s'il semble bâti pour affronter les rudes climats de l'Arctique, et personne ne connaît, non plus, son capitaine, pas même le second, capitaine par intérim, Richard Shandon. le seul maître à bord après Dieu (et encore) ne semble devoir révéler son existence qu'au moment qu'il jugera opportun. L'équipage, trié sur le volet, est surtout motivé par la prime exorbitante qui lui est promise. Cela suffira-t-il à l'entraîner jusqu'au bout de la plus extraordinaire expédition jamais tentée ?

J'avais déjà testé les voyages polaires de l'agence Jules Verne avec Un hivernage dans les glaces et le pays des fourrures, les deux textes considérés comme ayant préparé Voyages et Aventures du capitaine Hatteras. Un hivernage dans les glaces m'a surtout laissé le souvenir d'un court texte sympathique mais pas très mémorable. Par contre, le Pays des fourrures, malgré quelques longueurs, m'a marqué par son final tendu et haletant et ses personnages éminemment sympathiques.
Cette troisième expédition vernienne dans le Grand Nord s'annonce sous de moins bons auspices. Dès le début, on sent que le maillon faible de l'aventure du Forward, ce sera le facteur humain. L'équipage est surtout motivé par l'argent et, s'il commence déjà à regimber avant même que le capitaine ne se fasse connaître, qu'est-ce que ce sera quand les conditions de navigation et de vie deviendront plus dures ? Ce roman de Jules Verne présente, à mon avis, un double intérêt : à la fois, il récapitule l'état des connaissances de l'époque sur cette région du monde et, en même temps, il montre en quoi les motivations humaines peuvent entraver ou au contraire permettre ce genre d'expéditions aventureuses. Par contre, la plupart des personnages sont beaucoup moins attachants que dans le Pays des fourrures ou Les enfants du capitaine Grant (roman auquel celui-ci m'a beaucoup fait penser, même s'il ne se déroule pas sous la même latitude). L'autre divergence avec Les enfants du capitaine Grant, c'est que l'action est beaucoup moins soutenue. On entre vite dans cette histoire, avec tout le mystère (relatif) qui entoure la personnalité du capitaine mais, une fois celui-ci dévoilé, le récit relate surtout la difficile avancée du navire au milieu des glaces. J'ai trouvé particulièrement utile de me rapporter à la carte de Wikipédia pour m'y retrouver. Sinon, les noms des détroits et des îles ne me disaient rien. Cela dit, la première partie finit sur un climax terrible (un peu comme le Pays des fourrures). On se demande bien comment nos héros vont pouvoir s'en sortir. La deuxième partie retombe un peu, le temps d'un nouvel hivernage suivi d'une nouvelle expédition. Cette fois, Jules Verne ne peut plus se baser sur les connaissances scientifiques de l'époque : il est obligé d'extrapoler, un peu comme dans de la Terre à la Lune ou Voyage au centre de la Terre. C'est néanmoins curieux de voir comment il pouvait imaginer les régions du Pôle, à partir des connaissances de son époque. Néanmoins, cette partie n'est pas hyper passionnante car Jules Verne ne peut pas tellement varier les péripéties dans ces régions vides de toute présence humaine. La dernière partie, une fois le but d'Hatteras atteint, est traitée un peu trop rapidement. On a l'impression que Jules Verne est obligé de bâcler en quelques chapitres alors que les personnages se retrouvent dans des conditions particulièrement terribles et poignantes.

Ce roman est intéressant pour l'état qu'il fait des connaissances de l'époque sur les régions arctiques et sur l'éclairage qu'il jette sur ses grandes expéditions que des aventuriers ont pu tenter vers les coins les moins hospitaliers du globe mais il n'est pas aussi attachant et marquant que d'autres. Son personnage principal et éponyme est trop absolu dans sa quête pour qu'on puisse vraiment s'y attacher. D'autres, comme Johnson et Bell, aussi sympathiques et utiles qu'ils soient, ont plus pour rôle de représenter le public visé par Jules Verne (les enfants) en servant d'auditoire aux explications du docteur Clawbonny. Celui-ci n'est pas sans rappeler le Paganel des Enfants du capitaine Grant, véritable puits de science mais aussi « savanturier », capable de réaliser des exploits. Il a des qualités humaines qui en font le personnage le plus intéressant et le plus sympathique de tout le roman.
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