Il n'y a personne qui n'ait lu ou vu un grand nombre de livres édifiants, recommandés aux mères de famille et à la jeunesse des deux sexes, et uniquement faits pour prouver que depuis longtemps , mais surtout depuis 1789, les choses vont de mal en pis, que l'humanité est en décadence et que la fin des temps est proche. Chaque siècle a eu, comme le nôtre, ses prophètes de malheur, et il ne semble pas que leur race soit près de s'éteindre. Ils se donnent pour mission spéciale d'exalter le passé aux dépens du présent. Toujours mécontents des vivants , ils n'ont d'amour que pour les morts. Pour eux,
Rien n'est beau que le vieux ; le vieux seul est aimable.
Tous les partis, dans tous les siècles, ont été plus ou moins victimes de la même erreur; c'est cette prétention de ranimer sans cesse des cadavres qui a frappé d'impuissance toutes les restaurations, dans la politique comme dans la religion, dans la philosophie comme dans la littérature. Faut-il donc croire que ce perpétuel retour vers ce qui n'est plus soit une fatalité imposée à l'esprit humain et qu'il soit condamné à une éternelle imitation ? Pour moi, je ne le pense pas. Je n'y vois qu'un effet de l'ignorance où il est de sa véritable nature et de ses réelles destinées.