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Critique de glegat


J'ai toujours apprécié les récits de vie, qu'il s'agisse de biographie ou d'autobiographie. Il n'y a pas de vie humaine qui ne puisse égaler voire dépasser la fiction dans son originalité et parfois sa démesure. Toute vie est un roman pourrait-on dire. La fiction et le réel sont des miroirs qui reflètent souvent la même image, soit parce que cette image est réelle soit parce qu'elle aurait pu l'être. Quoi qu'il en soit, une autobiographie est toujours enrichissante à lire lorsque les propos de son auteur sont sincères. Mais comment attribuer à un récit le label de la sincérité ? On peut envisager un critère, si l'auteur qui raconte sa vie ne se trouve aucun défaut et déroule une histoire sans aspérités, sans épreuves, sans conflits intérieurs, on peut penser qu'une partie au moins des faits est passée sous silence. A contrario lorsque l'auteur qui raconte sa vie déclare d'emblée qu'il n'est pas un bon écrivain, qu'il n'est pas un bon professeur, qu'il a été ingrat envers ses bienfaiteurs, qu'il a soutenu des politiques qu'il réprouve aujourd'hui, et que de plus il fait des confidences intimes sur sa vie sans occulter les épreuves qu'il l'on marqué dans sa chair, dans ce cas on peut supposer qu'il est sincère. Surtout lorsqu'il s'agit d'un personnage de la stature de Paul Veyne, professeur au collège de France, spécialiste mondialement reconnu de l'antiquité grecque et romaine. C'est ce qui fait de son récit un livre à la fois émouvant et réjouissant, car il montre que la passion et la force de vie permettent de surmonter bien des épreuves.

Voici comment Paul Veyne, grand historien de la Rome antique nous raconte comment est née sa vocation : « J'étais élève à l'école primaire de Cavaillon et je me promenais sur la colline herbeuse qui domine la bourgade, quand une pointe d'amphore romaine qui gisait à terre m'est tombée par hasard sous les yeux… Ce fut un choc… ». Voilà qui illustre ce que disait Pascal à propos du choix d'un métier : « La chose la plus importante à toute la vie est le choix du métier, le hasard en dispose. »

Je crois vraiment que notre société aurait beaucoup à gagner si notre système éducatif permettait à chacun de choisir le métier qui lui convient le plus sans s'en remettre au hasard. Mais parfois il y a des coups de dés favorables, c'est le hasard qui a permis à Paul Veyne de découvrir très tôt sa vocation.

L'auteur nous entraîne dans les méandres de sa vie, il nous parle de sa famille, de ses études, de ses échecs et de ses réussites, de son goût pour l'alpinisme, de sa mémoire exceptionnelle qui lui permet de retenir à première lecture un sonnet qui lui a plu. Il nous parle de ses épouses et des personnalités qu'il a eu le privilège de côtoyer, René Char, Michel Foucault, Raymond Aron, Paul Jenkins.

Ce qui se dégage de son livre est la force de vie qui anime l'auteur et sa passion pour l'antiquité, les textes anciens et le déchiffrement des épigraphes. Une vie guidée par un besoin d'indépendance et de liberté intellectuelle. Il n'est pas croyant, mais crois en revanche à une sorte d'immortalité de l'âme. Si bien que « dans l'éternité je ne m'ennuierai pas » dit-il page 117. « Je ne ressusciterai évidemment pas sous forme de fourmi, de lion ni d'ange, mais je serai au sein de l'Âme universelle. Je ne crois pas que nos pensées et nos souvenirs soient produits par les interconnexions de nos neurones : la petite télévision personnelle, plus ou moins puissante selon les espèces animales que chacun de nous a dans sa boîte crânienne est un récepteur et non un émetteur. Eh bien oui, j'ai envie de le croire : le cerveau ne sécrète pas la pensée, il la capte, plus ou moins amplement et correctement ».

Vaste programme de réflexion.

— « Et dans l'éternité je ne m'ennuierai pas — souvenirs », Paul Veyne, le livre de poche (2022), 279 pages.
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