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J'ai découvert Paul Veyne avec « Mon musée imaginaire » livre qui m'avait ébloui (qui est né de cet amour passionné pour l'Italie qu'il nous fait partager, avec bien d'autres, dans ses souvenirs).

Je sors de cette traversée où il nous convie, avec une envie de lire tous les livres de cet homme dont j'ai aimé l'humour, la sincérité, l'érudition, qui garde son étonnement devant le monde, sa jeunesse malgré son âge, les douleurs, les deuils qui ont fait partie de sa vie et qu'ils dévoilent avec pudeur. J'ai aimé son irrévérence vis à vis des universitaires, de l'ordre établi, son anti conformisme, un homme qui ne se prend pas au sérieux, qui admet ses manquements, ses lâchetés et sait rendre hommage avec lucidité à ses amis et aux trois femmes qui ont partagé sa vie.

« Quand des gamins se moquaient de ma bosse au visage, je pensais à part moi que je n'étais pas et ne serais jamais comme eux ; je ne ferais pas un de leurs métiers. Lorsque mon professeur de sixième m'avait révélé l'idéal d'être homme de culture, j'avais senti que c'était là le genre de métier particulier qu'il me fallait. »

Et il a parfaitement suivi cette intuition.
Un livre dont on sort enrichi.
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Quand j'ai refermé cette autobiographie j'ai eu de la gratitude et un regret

La gratitude envers les babeliautes qui ont éveillé mon intérêt pour elle
Le regret de ne pas pouvoir pousser sa porte pour qu'il me raconte plus encore et qu'il me conseille des lectures.

Ce qui caractérise cette autobiographie c'est tout d'abord l'honnêteté intellectuelle de l'auteur qui rend son opinion précieuse parce que l'on n'y discerne pas ce qui pollue beaucoup d'ouvrages du même type, à savoir l'ego envahissant et/ou la peur du qu'en dira-t-on.
Toute chose qui justement peut faire douter de l'objectivité de l'auteur et qui peut faire passer le lecteur à côté du livre.
Ici on se sent en prise directe, la confiance est établie et le doute que l'on peut avoir sur certaines opinions est un doute sain dont on est sûr que l'auteur l'accueillerait avec bienveillance.
La deuxième caractéristique est sans doute l'érudition de l'auteur et les personnes qu'il a côtoyées : Raymond Aron, Michel Foucaud, René Char excusez du peu et d'autres encore.
Enfin les époques qu'il a vécues, qu'il peut analyser avec du recul m'ont permis de changer de points de vue, pas forcément d'opinion, et de ré instiller du doute dans ce que je crois savoir. de la zététique toujours bienvenue.
Et puis je crains que si j'ai autant apprécié ce livre c'est également parce que globalement rien de ce qu'il dit ne m'est complètement étranger ni ne me dérange vraiment.
C'est la part d'inconnu de ce livre : dans quelle mesure un lecteur plus opposé aux idées et analyses de Veyne y trouvera intérêt ?
Je doute que quiconque pense vivre une époque terrible trouvera Paul Veyne aussi sympathique que moi
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L'homme au faciès dissymétrique, spécialiste de l'antiquité gréco-romaine, Paul Veyne, l'homme de société qui se défend, se préserve même, d'être homme public, se confie à coeur ouvert dans ce recueil de souvenirs. Il nous dit tout, ou presque, de sa vie privée.

Il a été "communiste sous protection américaine", anticolonialiste par bon sens, soixante-huitard par sympathie pour une jeunesse utopiste. Il est resté sur la réserve à l'égard des pouvoirs politiques successifs et de l'establishment, y compris et surtout dans son domaine universitaire. Mais toujours bienveillant à l'égard des autres et respectueux des avis divergents.

Outre l'antiquité, dont il s'est fait une spécialité, il nous dit sa passion pour la poésie, René Char en particulier, au point d'en retenir des extraits entiers dès la première lecture. Agnostique sans répulsion pour les dévots, précurseur de l'égalité des sexes, il voue aux femmes de sa vie un amour fidèle, une abnégation sans faille, en particulier envers celle qu'il a connue dans la détresse d'un chagrin muet.

On peut faire référence en son domaine, en être glorifié et connaître une vie privée émaillée de drames. Son mérite aura été de les avoir affrontés sans épanchement geignard, ni trahison des siens, encore moins de soi-même.

Belle leçon de vie de la part de ce personnage atypique, au mental comme au physique. Je l'ai découvert dans un échange avec Emmanuel Carrère au cours d'une émission télévisée bien connue des "accros" de littérature. J'ai aimé son parler franc et direct, aux antipodes de la flatterie de son auditoire. Bien sûr mes connaissances comparées me disqualifient pour juger de ses prises de position historique, mais je n'ai pas été déçu par cet ouvrage à la sa sincérité évidente. Il nous fait comprendre que le temps était venu pour lui de l'écrire. le temps de verser dans la confidence à l'égard de ceux à qui, en professeur émérite, il avait destiné ses doctes ouvrages. Se disait-il qu'il leur devait bien cela, à ses fidèles lecteurs ?

Excellent ouvrage qui me donne le goût de faire connaissance avec ses écrits historiques ceux-là. Peut-être même avec René Char, dont cette citation ne serait sans doute pas pour déplaire à Paul Veyne : "Dès lors que les routes de la mémoire se sont couvertes de la lèpre infaillible des monstres, je trouve refuge dans une innocence où l'homme qui rêve ne peut vieillir."
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Il y a des historiens que j'apprécie particulièrement et Paul Veyne fait partie de ceux-là.
J'ai plusieurs de ses ouvrages qu'il a commis durant sa longue carrière, jamais dénués d'humour, allant même jusqu'à faire la promotion d'un livre dans un autre...
Une belle plume aussi, un historien qu'on lit avec intérêt c'est bien, avec plaisir c'est tellement mieux!
Tout ceci je l'ai retrouvé dans ces mémoires, très touchantes par moments. Il se livre sur sa vie, ses jeunes années de formation, ses amis, ses amours et ses...aussi.
Enfin j'ai appris, et ça me rassure, que désormais qu'il est retraité, il a oublié pas mal de choses de son ancien travail et que lors de séances de mots croisés il peine à retrouver un fameux empereur romain en cinq lettres...
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Dès les premières pages j'ai pressenti que j'allais « déborder » du livre, et par conséquent j'allais piocher à certains moments dans une vaste base de données qui n'était malheureusement pas mienne.
Il y a certains livres comme celui-ci qui vous ouvrent des portes et aventureux comme nous sommes, nous lecteurs, nous les poussons, les franchissons et… donc ordi allumé, page « Gogolle » à l'écran pour lancer des recherches, je suis prêt à tout, en avant !

« Et dans l'éternité, je ne m'ennuierai pas », en sous titre j'accolerais « La vie est une grande école pour qui sait garder les yeux et les oreilles grands ouverts », je vous présente M Paul Veyne.
La majorité d'entre nous souhaiterait avoir un grand-père qui nous lègue ce spécimen d'écrit pour nous aider à nous construire et pour qu'à notre tour nous puissions transmettre.
Le style est à la hauteur de ce que je m'imagine être un membre honoraire du Collège de France ayant suivi un cursus parmi les plus érudits de sa discipline, mais en gardant la volonté de parler à tous.

Facile à lire, bourrer de repères littéraires mais aussi de lieux, merci « Gogolle », chaque chapitre peut être l'amorce d'un livre. Il s'agit d'un réservoir de savoirs, une invitation à s'ouvrir à la culture. Mais nous y découvrons aussi des moments plus intimes, ses rencontres, sa famille et ses réflexions.
C'est surement vrai, comme l'annonce la première page « tout ce que je raconterai sera exacte », levez la main droite dite….mais « On ne nous dit pas tout… », pudeur de bon aloi, retenue, tout le monde à son jardin secret. Il n'empêche que nous prendrons ce que l'on nous donne, « c'est déjà cela de pris ».

L'auteur a côtoyé des hommes d'exception, à une époque où de grandes transformations sociétales se sont opérées, tout en profitant de l'élan des 30 glorieuses. Un terreau riche pour qui sait s'y lancer et Paul Veyne a su, a pu, y tracer son chemin. de l'école de Cavaillon au collège de France, l'ascenseur social Républicain a joué son rôle.
Le livre commence alors qu'il est enfant, deuxième guerre mondiale, un âge où l'on baigne dans les idées de ses parents, une motivation de plus pour devenir instruit et avoir ses propres opinions.
« Ouvrir un livre c'est tomber dans un autre monde », son sort est scellé il deviendra professeur de lettres antiques.

Une phrase qui est d'actualité pour expliquer l'arrivée au pouvoir du nazisme : « L'égoïsme de classe a fait triompher la peste brune… ».
Au sujet de la religion : « Se considérer comme croyant, faisait partie des convenances ».
D'origine modeste, immigration italienne pour une part, il a cette phrase pour son ascension sociale : « le drame d'être un parvenu dure jusqu'à la mort », terrible cet hermétisme des hautes couches sociales.
A 19 ans, il arrive à Paris, lycée « Henri IV » Prépa École Normale. Son amour vit également à Paris mais étudie en médecine, Simone. Il sera marié trois fois, comme Cicéron, César et Ovide.
Il réussit le concours pour rentrer à l'École Normale. A ce sujet, pour les nombreuses personnes qui n'y ont jamais mis les pieds, nous trouvons moult explications plus intéressantes les unes que les autres.
Il prend sa carte au Parti Communiste sans profonde conviction et fait parti d'un groupe qualifié de joyeux et d'excentrique. Plus tard, il déchirera cette carte lors de l'arrivée des chars soviétiques en Hongrie.
Sorti de Normal, il a une première affectation à l'école française de Rome, son souhait de devenir archéologue professionnel prend forme mais un problème d'orientation lors d'une fouille à proximité d'un mur va refroidir ses ardeurs…

Pour vous laisser le plaisir de la découverte je vous abandonne là ! Vous traverserez encore beaucoup d'aventures, de rencontres en compagnie de Paul Veyne avant de finir ce beau livre (Guerre d'Algérie, mai 68, les amitiés, les maitres à penser …).
Allez un dernier pour la route, mais avec modération alors. J'ai rien entendu… Ouuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii.
Bien, page 108 vous découvrirez la genèse du titre du livre, l'auteur veut croire à l'immortalité de l'âme mais à peine mort dit-il : « je découvrirai que ce.............................................................».

Allez, il faut le lire maintenant.

Lien : http://leatouchbook.blogspot..
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Difficile d'imaginer un aussi extraordinaire destin de professeur De Latin et d'histoire romaine ...
Jusqu'ici, je n'avais lu de cet auteur qu'un court ouvrage : « Quand notre monde est devenu chrétien (312 – 394) » publié en 2010, qui m'avait passionnée car le développement à partir de si peu d'adeptes de la religion chrétienne dans notre monde occidental a toujours constitué pour moi une énigme. Je croise à nouveau le dialogue de l'auteur et d'Emmanuel Carrère au sujet du récent roman de ce dernier « le Royaume » … qui traite également de ce "miraculeux" phénomène.
Voilà deux intellectuels minés par le doute.
J'aime le concept de doute.
Raison de plus d'entreprendre la lecture des souvenirs de ce très vieil érudit de l'histoire romaine, Professeur honoraire au Collège de France, ancien de l'Ecole Normale Supérieure qui, au soir de sa vie, décide de confesser ses amours, ses faiblesses, son ingratitude à l'égard notamment de Raymond Aron qui lui ouvrit la voie du Collège de France, avec pudeur, parfois provocation mais toujours une honnêteté confondante.
Paul Veyne, né en 1930, raconte son enfance dans un milieu familial plutôt favorable à la collaboration, parle de sa frousse mais en revanche ne connaît pas le vertige, avoue son indifférence à la musique, la difformité congénitale de son visage qui ne le privera pourtant pas de nombreuses conquêtes féminines. Il développe ainsi une façon d'être ou de paraître non conformiste, destinée à faire écran, à attirer l'attention de spectateur ailleurs que sur sa personne, mais plutôt sur son talent. Malgré son succès de chercheur, il considère toutefois encore comme un drame d'être un « parvenu ».
C'est un chercheur indépendant, il ne supporte pas la contrainte. A l'ENS, il suit Jacques le Goff et l'école des Annales, se lie avec Michel Foucault, auprès de qui il fréquente la « société infernale des folles ». Il explique ce qui le pousse à prendre la carte du parti communiste alors que la politique ne n'intéresse pas plus que le football.
Paul Veyne livre ici une clé pour comprendre l'engagement des intellectuels après-guerre, le rôle prépondérant de Jean-Paul Sartre et Raymond Aron. Il évoque la croyance déchirée, le refoulement du savoir (la réalité soviétique), tout comme les catholiques qui ont du mal à croire en la transsubstantiation dans l'hostie. Comme la moitié des membres du PC, il quittera le Parti au lendemain de l'entrée des chars soviétiques à Budapest en 1956. Mais bientôt, il prend fait et cause pour la lutte du peuple algérien pour son indépendance. Ce vieux monsieur blanchi sous les honneurs de la République des Lettres fut un « porteur de valises », et tient le Général de Gaulle pour le plus grand réformateur de gauche de son siècle : n'a-t-il pas institué le votre des femmes, la sécurité sociale et la décolonisation ?
La dernière partie du livre est beaucoup plus personnelle : une confession entrelaçant la genèse de ses ouvrages et les drames et amours de sa vie personnelle. L'écriture est alerte, pleine d'auto-dérision, et nous fait survoler une époque qui est celle de ma génération, avec des découvertes (pour moi) comme l'indifférence de la plupart des pontes universitaires pour les événements de mai 1968, les grandes mutations sociologiques dont Paul Veyne se réjouit : la libération sexuelle et la tolérance vis-à-vis de l'homosexualité, l'égalité croissante des femmes, il donne enfin l'envie de découvrir l'oeuvre de René Char, Michel Foucault, ce que la recherche fondamentale peut produire de plus élevé et de moins partagé : la recherche pour la recherche, en un mot l'art pour l'art …

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Cher Monsieur Paul Veyne,
J'ai savouré avec délices ce livre de confessions, par petits morceaux, comme des conversations quotidiennes arrachées dans la solitude du petit matin.
J'y ai bien sûr retrouvé votre brillante pensée, si riche, si originale ; j'ai apprécié le bilan de votre parcours intellectuel, que vous dressez ici en toute sincérité.
J'ai éprouvé quelque amertume - faite de souvenirs et de regrets - à l'évocation du monde universitaire dans lequel vous avez remarquablement fait votre place, et avec lequel, moi, je n'ai pas su composer.
Et puis j'ai découvert votre vie. Quelques années en arrière, j'aurais éprouvé des réticences, et même de la gêne, voire de l'agacement, à lire ces pages où vous dévoilez crûment votre intimité. J'ai longtemps été persuadée que l'on ne devait écrire L Histoire que dans la plus grande objectivité. Mais aujourd'hui, j'en viens à penser avec vous que rien ne compte, en toute chose, sinon l'humain.
Merci.
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« Et dans l'éternité je ne m'ennuierai pas » n'est pas la chronologie d'une existence, ni sa description exhaustive si tant est que cela soit possible. L'ouvrage est un condensé de souvenirs et s'ils suivent, le parcours d'une vie, ils font parfois une boucle dans le temps. Ainsi, le futur surgit dans le passé et le style autorise l'auteur à nous parler directement comme s'il s'agissait d'une conversation. Veyne, grand spécialiste de la Rome antique, laisse une belle place à sa passion pour l'antiquité, l'amitié et l'amour. Tout ceci s'entremêle dans un récit alternant anecdotes, citations poétiques, analyse historique, références littéraires.
Né atteint d'une malformation au visage, dans une famille conservatrice, aimante mais antisémite il va très tôt développer une personnalité originale éloignée de tout conformisme et indifférente aux regards des autres. Enfin, « indifférent est trop peu dire : loin d'en être honteux, j'en étais positivement fier depuis mon enfance : je n'étais pas comme les autres ». C'est cette grande liberté d'être ce qu'il est, qui lui permet sans doute d'affronter des drames personnels : maladie, folie, alcoolisme, suicide de ses proches … Elève brillant et passionné, il entre à l'Ecole Normale Sup. il y rencontre Michel Foucault avec lequel il sympathise, des auteurs et chercheurs manifestement célèbres mais dont les noms m'étaient inconnus. Il va aussi devenir familier du grand poète René Char… Bref, en le lisant, on suit le parcours d'un érudit du XXième siècle : ses études, la Sorbonne, l'Ecole Française de Rome, ses premières publications sous l'égide de Raymond Aaron, le souvenir de vieux amis disparus, ses voyages d'études ou d'amoureux, ses réflexions personnelles mises en perspectives avec ses lectures, ses références…mais aussi la guerre d'Algérie, la haute montagne. On fait un voyage dans une époque- et dans un milieu social foisonnant d'intellectuels -mais qui parait déjà lointaine. Si lointaine qu'on est un peu surpris quand on lit le chapitre- plaidoyer en faveur du « vouvoiement de l'aimée ». Une lecture instructive à défaut d'être réellement passionnante.
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J'avais noter ce livre dans un petit recoin de mon cerveau, suite à la diffusion de la Grande librairie où Paul Veyne était invité en même temps qu'Emmanuel Carrère. Je m'étais promis de lire ces deux ouvrages, et c'est maintenant chose faite !

J'ai pris plaisir à lire ces mémoires. Son érudition est palpable rien qu'au maniement qu'il fait de la langue. L'écriture et le vocabulaire sont recherchés, il y a de très belles tournures de phrases. A ne pas négliger non plus son humour qui ne rend la lecture que plus agréable !
Son parcours est pour le moins atypique et il est très intéressant de découvrir les "coulisses" de grandes institutions comme le Collège de France, l'Ecole Normale Supérieure...

Il a été sélectionné comme étant la meilleure autobiographie de l'année dans le magazine Lire et je comprends très bien pourquoi !

CHALLENGE ABC 2014/2015



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J'ai toujours apprécié les récits de vie, qu'il s'agisse de biographie ou d'autobiographie. Il n'y a pas de vie humaine qui ne puisse égaler voire dépasser la fiction dans son originalité et parfois sa démesure. Toute vie est un roman pourrait-on dire. La fiction et le réel sont des miroirs qui reflètent souvent la même image, soit parce que cette image est réelle soit parce qu'elle aurait pu l'être. Quoi qu'il en soit, une autobiographie est toujours enrichissante à lire lorsque les propos de son auteur sont sincères. Mais comment attribuer à un récit le label de la sincérité ? On peut envisager un critère, si l'auteur qui raconte sa vie ne se trouve aucun défaut et déroule une histoire sans aspérités, sans épreuves, sans conflits intérieurs, on peut penser qu'une partie au moins des faits est passée sous silence. A contrario lorsque l'auteur qui raconte sa vie déclare d'emblée qu'il n'est pas un bon écrivain, qu'il n'est pas un bon professeur, qu'il a été ingrat envers ses bienfaiteurs, qu'il a soutenu des politiques qu'il réprouve aujourd'hui, et que de plus il fait des confidences intimes sur sa vie sans occulter les épreuves qu'il l'on marqué dans sa chair, dans ce cas on peut supposer qu'il est sincère. Surtout lorsqu'il s'agit d'un personnage de la stature de Paul Veyne, professeur au collège de France, spécialiste mondialement reconnu de l'antiquité grecque et romaine. C'est ce qui fait de son récit un livre à la fois émouvant et réjouissant, car il montre que la passion et la force de vie permettent de surmonter bien des épreuves.

Voici comment Paul Veyne, grand historien de la Rome antique nous raconte comment est née sa vocation : « J'étais élève à l'école primaire de Cavaillon et je me promenais sur la colline herbeuse qui domine la bourgade, quand une pointe d'amphore romaine qui gisait à terre m'est tombée par hasard sous les yeux… Ce fut un choc… ». Voilà qui illustre ce que disait Pascal à propos du choix d'un métier : « La chose la plus importante à toute la vie est le choix du métier, le hasard en dispose. »

Je crois vraiment que notre société aurait beaucoup à gagner si notre système éducatif permettait à chacun de choisir le métier qui lui convient le plus sans s'en remettre au hasard. Mais parfois il y a des coups de dés favorables, c'est le hasard qui a permis à Paul Veyne de découvrir très tôt sa vocation.

L'auteur nous entraîne dans les méandres de sa vie, il nous parle de sa famille, de ses études, de ses échecs et de ses réussites, de son goût pour l'alpinisme, de sa mémoire exceptionnelle qui lui permet de retenir à première lecture un sonnet qui lui a plu. Il nous parle de ses épouses et des personnalités qu'il a eu le privilège de côtoyer, René Char, Michel Foucault, Raymond Aron, Paul Jenkins.

Ce qui se dégage de son livre est la force de vie qui anime l'auteur et sa passion pour l'antiquité, les textes anciens et le déchiffrement des épigraphes. Une vie guidée par un besoin d'indépendance et de liberté intellectuelle. Il n'est pas croyant, mais crois en revanche à une sorte d'immortalité de l'âme. Si bien que « dans l'éternité je ne m'ennuierai pas » dit-il page 117. « Je ne ressusciterai évidemment pas sous forme de fourmi, de lion ni d'ange, mais je serai au sein de l'Âme universelle. Je ne crois pas que nos pensées et nos souvenirs soient produits par les interconnexions de nos neurones : la petite télévision personnelle, plus ou moins puissante selon les espèces animales que chacun de nous a dans sa boîte crânienne est un récepteur et non un émetteur. Eh bien oui, j'ai envie de le croire : le cerveau ne sécrète pas la pensée, il la capte, plus ou moins amplement et correctement ».

Vaste programme de réflexion.

— « Et dans l'éternité je ne m'ennuierai pas — souvenirs », Paul Veyne, le livre de poche (2022), 279 pages.
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