L'incrustation primitive paraît avoir été celle de l'ivoire sur l'ébène. Elle fut en usage en France aux XIIe et XIIIe siècles, et l'on a vu que c'est pendant la terrible guerre des Anglais que cet art fut perdu pour nous. Le commerce de Venise importa en Occident quelques-uns des bois précieux des pays orientaux; mais c'est surtout au XVe siècle que les découvertes maritimes des Portugais et des Espagnols approvisionnèrent l'industrie européenne de toutes sortes d'essences rares et riches.
Le meuble, qui était au début du moyen âge portatif, ne pouvait être que simple et fruste ; mais quand il voyagea moins ou ne voyagea plus, on l'améliora considérablement et sa décoration devint plus soignée, plus délicate, en un mot plus artistique. Les bûchers, ouvrant le bois avec la gouge et le ciseau, se transformèrent très vite en véritables sculpteurs, en excellents « imagiers ». Ils ornèrent les meubles de figures d'animaux, de petites rosaces, de rinceaux, et donnèrent à nos cathédrales ogivales des stalles et des formes merveilleuses, des boiseries de toute beauté.
La présente introduction a pour objet de compléter celle qui accompagne le premier volume, en donnant un aperçu général de l'histoire de la technique du meuble et de la boiserie. En celle du premier volume, nous avons parlé des artistes et de leur vie corporative; en celle-ci, nous parlerons de leurs ouvrages. Ces derniers ont beaucoup varié dans la fabrication, dans les formes et dans le décor; de là les divisions de notre travail, que nous avons voulu aussi court en même temps qu'aussi complet et aussi substantiel que possible :
I. Sculpture sur bois.
II. Incrustation et marqueterie.
III. De la symétrie au contraste.
IV. Vernis et placage.
V. La décadence.
Il est bien entendu que — nous restreignant aux XVIIe et XVIIIe siècles — nous ne nous sommes permis quelques incursions en dehors de ces limites, que lorsqu'elles nous ont paru indispensables pour la clarté et pour l'intelligence du sujet.
L'incrustation et la marqueterie sont deux ouvrages fort différents; on les a pourtant presque toujours confondus. L'incrustation est l'enchâssement, dans un bois préalablement creusé par endroits, de morceaux de métal, de cubes de pierre, de filets d'ivoire, de lames de bois précieux, formant des combinaisons géométriques ou des dessins de fantaisie; le bois qui sert de champ affleure la surface partout où il n'est pas creusé et joue un rôle dans la composition décorative : c'est le procédé de la mosaïque. La marqueterie est la juxtaposition, sur un bois quelconque uni, de feuilles de bois plus recherchés, de métaux ou d'autres matières, s'emboîtant les unes dans les autres, masquant entièrement le fond et réalisant une composition décorative par la seule combinaison des diverses substances et de leurs couleurs; le bois se fixe avec de la colle forte, le métal avec du mastic.