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Critique de ladymuse




Boris Vian avait réprouvé et dénoncé publiquement l'adaptation cinématographique honteusement édulcorée du film de Michel Gast (1959).
"C'est cela, l'Amérique?". Coïncidence : au début de la première projection du film, il s'effondre et meurt à l'hôpital.
On peut cependant objecter qu'il était co-scénariste et je ne comprends pas très bien pourquoi il n'a pas protesté avant, à moins qu'il n'ait eu pieds et mains liés financièrement parlant.

La genèse de ce roman est si intéressante que je cite wiki in extenso.


"Au début de l'été 1946, Vian fait la connaissance d'un jeune éditeur, Jean d'Halluin, qui cherche à publier des ouvrages à grande diffusion pour lancer Les éditions du Scorpion qu'il vient de créer, en particulier des imitations des romans américains alors en vogue. D'Halluin demande à Vian, un ami de son frère Georges qui jouait dans le même orchestre que Boris, de lui faire un livre dans le genre de Tropique du Cancer d'Henry Miller, qui plaît beaucoup. le projet est conçu par l'auteur et l'éditeur comme le « pari » « de « fabriquer » un best-seller dans une période de deux semaines, c'est-à-dire un roman qui serait à la fois une bonne opération commerciale et un « exercice » dans la tradition du roman noir américain ».

Selon Philippe Boggio, « l'idée de J'irai cracher sur vos tombes était née, en dix minutes, sur un trottoir. Puis Michelle et Boris en avaient parlé entre eux. le Prix de la Pléiade manqué, ils avaient terriblement besoin d'argent. Boris ne supportait plus son activité d'ingénieur. Ses romans tardaient à paraître, et de toute façon, les chances étaient minces qu'ils financent leur vie quotidienne et la voiture que Boris rêvait de s'offrir ».

Les critiques divergent dans leur appréciation du choix d'un pseudonyme : Michel Rybalka y voit un besoin d'argent ; Freddy de Vree, un « acte gratuit » ; Marc Lapprand, des « postures multiples » qui « rendent ambigüe la détermination nette » des « prédilections » de Vian, mais « nous assurent de son goût très prononcé à mener de front des activités très diverses ». En quinze jours de vacances, en effet, du 5 au 23 août, Vian s'amuse à imiter la manière des romans noirs américains, avec des scènes érotiques dont il dit qu'elles « préparent le monde de demain et frayent la voie à la vraie révolution ». le titre initialement envisagé par Vian est J'irai danser sur vos tombes, le titre définitif ayant été suggéré par Michelle".

En raison de sa composante érotique, le livre, présenté par d'Halluin dans des encarts publicitaires comme le « roman que l'Amérique n'a pas osé publier », va devenir le best-seller de 1947 en France. le tirage sera de 120 000 exemplaires en un peu plus de deux ans.

L'auteur est censé être un Noir américain nommé Vernon Sullivan que Boris ne fait que traduire. D'Halluin est enthousiaste. Vian, en introduction du livre, prétend avoir rencontré le véritable Vernon Sullivan et reçu son manuscrit de ses mains. Il y voit des influences littéraires de James Cain, il met en garde contre la gêne que peuvent occasionner certaines scènes violentes. Jean d'Halluin a même prévu de publier des « bonnes feuilles » dans Franc-Tireur. Tous deux espèrent un succès sans précédent.

À la parution du roman le 21 novembre 1946, les premières critiques indignées leur donnent l'espoir que le scandale sera égal à celui soulevé par la publication du roman de Miller, et la critique du roman par Les Lettres françaises, qui le traite de « bassement pornographique », fait, selon Philippe Boggio monter les enchères.

Selon Fabio Regattin, au contraire, l'ouvrage, au début « ne semble pas attirer une grande attention de la part du public. Les comptes rendus sont assez rares et, chez les libraires, le livre ne s'écoule que très lentement. Les quelques critiques qui citent le livre semblent, en général, plus intéressées à établir la paternité de l'ouvrage (est-ce véritablement l'opus d'un auteur américain ? Est-ce un canular provenant directement de Boris Vian ?) qu'à discuter ses caractéristiques ou sa valeur littéraire. »

Mais il leur faut bien vite déchanter lorsque France Dimanche et l'hebdomadaire L'Époque réclament des poursuites pénales identiques à celles qu'a connues Henry Miller. Par ailleurs, on annonce la parution d'un deuxième Vernon Sullivan. Mais déjà, Jean Rostand, l'ami de toujours, se déclare déçu. Boris a beau se défendre d'être l'auteur du livre, un certain climat de suspicion règne chez Gallimard, qui refuse du même coup L'Automne à Pékin. Selon Philippe Boggio, seul Queneau a deviné qui était l'auteur et trouvé le canular très drôle.

Le sort fait à Henry Miller touche aussi Boris Vian, qui est attaqué en justice le 7 février 1947 par le « Cartel d'action sociale et morale » (successeur de la Ligue pour le relèvement de la moralité publique) dirigé par l'architecte protestant Daniel Parker. Vian risque deux ans de prison et 300 000 francs d'amende. Ce même mois, Vian écrit un second Sullivan, Les morts ont tous la même peau qui paraît en 1948 et dont le héros, trois fois assassin, porte le nom de Dan Parker.

Le scandale s'aggrave lorsque l'auteur est accusé d'être un « assassin par procuration » ; en effet, en avril 1947, la presse rapporte un fait divers sensationnel : un homme a assassiné sa maîtresse en laissant un exemplaire annoté de J'irai cracher sur vos tombes au chevet du cadavre. Boris doit prouver qu'il n'est pas Vernon Sullivan et, pour cela, il rédige en hâte un texte en anglais qui est censé être la version originale. Il est aidé dans ce travail par Milton Rosenthal, un journaliste des Temps modernes.

Finalement, en août 1947, le tribunal suspend les poursuites. Une édition illustrée par Jean Boullet est publiée la même année. En novembre 1948, après la loi d'amnistie de 1947, Boris Vian reconnaît officiellement être l'auteur de J'irai cracher sur vos tombes sur les conseils d'un juge d'instruction, pensant être libéré de tout tracas judiciaire. C'est sans compter sur Daniel Parker et son « cartel moral », qui attend la traduction en anglais de l'ouvrage sous le titre I shall spit on your graves et le deuxième tirage de l'ouvrage pour relancer cette procédure. Cette fois, en 1949, le livre de Boris est interdit. Entre-temps, le romancier a vendu 120 000 exemplaires de son oeuvre, ce qui lui a rapporté 4 499 335 francs de l'époque (10 % de droits en tant qu'auteur, 5 % en tant que traducteur), si bien que le fisc lui réclame des indemnités faramineuses qu'il ne peut payer, l'obligeant à laisser saisir les reliquats de droits du roman. "

En mémoire du grand homme!
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