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Critique de clesbibliofeel


Ce jeune écrivain brésilien s'inscrit dans l'héritage des auteurs sud-américains que j'apprécie tels que Gabriel Garcia Marquez, Jorge Amado ou autre Alejo Carpentier, des récits de conteurs fortement ancrés dans l'histoire, gravant des sillons profonds – c'est mon espoir – dans la mémoire nationale de leur pays. Itamar Vieira Junior nous invite ici dans le Nordeste Brésilien et les secrets de ses fazendas.

Bibiana, commence le récit de l'accident suite à la découverte d'un fascinant couteau au beau manche d'ivoire, alors qu'elle a sept ans et sa petite soeur Belonisia un an de moins. Deux soeurs aux noms proches, il faut s'y repérer au début mais ensuite tout va bien. Pour ma part j'ai renommé la première Ana, porte-parole de sa soeur ayant perdu la voix dans l'accident : nous avons chacun notre manière de lire, de profiter de l'instant de séjour dans le livre. Curieusement apparaissent deux autres soeurs jumelles aux noms très proches : Crispina et Crispiniana. Début d'une mythologie avec des déséquilibres qui opèrent mystérieusement, d'un côté le couteau trouvé par Bibiana, renvoyant à l'histoire de la grand-mère Donana, de l'autre Crispina et Crispiniana avec des miroirs aux bords cassés. La gémellité : forte image de connivence et de rivalité mêlées, l'une et l'autre exacerbées par la condition inférieure des femmes...

Le tranchant du couteau, le bord du miroir cassé, le soc de charrue par qui coulent « des rivières de sang ». le premier chapitre se nomme précisément Tranchant – Bibiana raconte comment le tranchant du couteau trouvé dans la vieille valise cachée sous le lit de la grand-mère abouti à faire perdre la parole à sa soeur. le second chapitre est intitulé Charrue tordue – raconté par Belonisia, celle-ci a la voix faussée comme le soc de la charrue de son père, quasi inaudible suite à l'accident. D'ailleurs « charrue » est le premier mot qu'elle prononcera (faussé lui aussi) plus tard. le dernier chapitre est Rivière de sang - Sainte Rita Pescadeira, la terre rouge-brun évoquant le sang des hommes et Rita Pescadeira pour le Jaré, ce culte local…

Le récit est superbement construit, l'écriture et la traduction parfaites. le plus dans cette saga, pouvant être lue pour elle-même, est constitué par la mise en avant des conditions de vie des anciens esclaves noirs. Embauchés sans salaire, autorisés à occuper un bout de terrain du propriétaire, d'y construire une maison en terre (pas en dur car le propriétaire peut les chasser à tout moment), de cultiver un bout de terrain pour l'usage personnel mais avec droit de prélèvement par le maître.

Sans terre, sans justice, la paix ne sera pas possible (ceci résonne douloureusement avec l'actualité au moment où j'écris cette chronique). Règne la violence du plus fort qui prend tout ce qu'il peut au plus faible. Manque la juste attribution des terres à ceux qui la travaillent et la loi pour empêcher l'évasion dans l'illusion de l'alcool pour les hommes, les mauvais traitements pour les femmes, les vies broyées pour tous. La loi se place du côté des plus riches propriétaires terriens, l'égalité est ici une notion inconnue.

Severo, un cousin et futur mari de Bibiana, est un personnage important du roman. Personnage solaire dans un couple en miroir également, il va tenter de bousculer ce triste agencement, avec les difficultés qu'on imagine… Mais le combat pour la justice s'inscrira durablement dans la communauté.

Itamar Vieira Junior est né en 1979 à Salvador de Bahia. Il dédit le livre à son père, issu de la communauté quilombola. Les quilombolas sont des communautés d'anciens esclaves, réfugiés sur des terres inoccupées. Une note du traducteur indique qu'ils furent réprimés, jusqu'à la reconnaissance de leurs terres en 1988. Il s'agit d'un premier roman et pour moi un coup de maître. Charrue tordue a été récompensé par les plus grands prix littéraires du Brésil et du Portugal.

Le traducteur, Jean-Marie Blas de Roblès, est historien et philosophe de formation, grand voyageur, archéologue, poète et traducteur. Auteur entre autres de Là où les tigres sont chez eux.

J'apprécie de plus en plus les éditions Zulma facilement reconnaissables à leurs belles couvertures graphiques créées par David Pearson, avec le nom de l'écrivain et le titre dans un simple triangle blanc pointe en bas. Zulma va chercher des auteurs aux quatre coins du monde et en trouve de fameux. C'est dans cette édition que j'ai découvert le coréen Hwang Sok-yong (Monsieur Han et Shim Shong fille vendue). J'ai dans ma PAL le garçon de Marcus Malte et hâte de le commencer.

Pour vous, la maison d'édition est-t-elle un élément important dans le choix de vos livres ?
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