Vous cherchez à vous détruire et moi je ne demande qu'à vivre.
Elle n'avait rien à dire, elle était vidée de tout.
Il est six heures moins le quart. Le corps est endolori. La bouteille de whisky est vide. Il a vomi dans les toilettes. Elle a dit vous voyez dans quel état vous le mettez votre père. C’est une caricature de belle-mère en quelque sorte. Un archétype. Même celle de Blanche-Neige n’aurait pas osé.
Afin de mieux comprendre ce qu'est réellement l'Anorexie...
avec mes excuses, erreur de manipulation
Laure déballe à ses pieds, par petits paquets compacts, cette faim de vivre qui l'a rendue malade, elle le comprend maintenant, cet appétit démesuré qui la débordait, la débraillait, ce gouffre insatiable qui la rendait si vulnérable. Elle était comme une bouche énorme, avide, prête à tout engloutir, elle voulait vivre vite, fort, elle voulait qu'on l'aime à en mourir, elle voulait remplir cette plaie de l'enfance, cette béance en elle jamais comblée.
Pour l'instant elle sent juste une chose: elle voulait leur faire mal, les blesser dans leur chair, les détruire peut-être. Son père et sa mère. Qu'ils ne s'en tirent pas comme ça. Toxiques tous les deux.
Elle aime sa voix, sa distance, cette autorité douce qu'il exerce avec modération. Elle a mis sa vie entre ses mains. Elle respecte la règle du jeu. Elle mâche consciencieusement ce qu'on lui donne. Presque tout. Elle avale sans hurler l'angoisse qui accompagne chaque bouchée.
Laure a abandonné les magazines. Elle découpe maintenant des silhouettes dans du papier Canson. Des hommes et des femmes de couleurs différentes qu'elle colle avec soin, ils se font face, se suivent ou se tournent le dos. Ils sont toujours en mouvement. Ils ne sont jamais gros.
"Elle croyait qu'elle pouvait s'en tirer comme ça, presque indemne, à peine un peu plus sensible, mais elle n'en finissait plus de faire rouler dans sa bouche ces petits morceaux d'enfance comme des cailloux terreux qu'elle refusait de cracher. "