Citations sur Peine capitale (50)
Un maquillage succinct pour effacer simplement les traces d’une nuit compliquée. Un dernier expressso puis un bref passage devant son placard pour finalement enfiler toujours les mêmes vêtements : pantalon noir, petit pull en cachemire gris à col rond, un foulard et une paires de bottes. Classique. Rebecca est une femme dont l’allure et la classe naturelle ne sont plus à démontrer. Et c’est en partie pour cette raison qu’elle n’attache pas vraiment d’importance à sa tenue vestimentaire. Elle serait toujours aussi sexy même avec un sac poubelle sur la tête.
« C’est quoi ce bordel ? lâche-t-elle avec fermeté au patrouilleur face à elle. On ne vous a jamais appris à geler les lieux d’une scène de crime ? Tout va être pollué avec cette foule. Installez-moi d’urgence un second niveau de protection pour que l’on puisse interroger les témoins, et un troisième cordon avec les patrouilles automobiles pour bloquer le passage des piétons et des cyclistes. Il y a beaucoup trop de monde par ici ! Dégagez-moi tous ceux qui n’ont rien à y faire. Les journalistes en priorité ! »
(...) la sonnerie du téléphone retentit. Il est 16 h 30. Un très mauvais signe…
« Commandant de Lost.
– Bonsoir, le Procureur Valencay… »
Après quelques minutes, Rebecca soupire en guise de réponse :
« Nous nous transportons immédiatement sur les lieux, dit-elle en raccrochant. La fête est terminée, poursuit-elle en s’adressant à l’ensemble du groupe. On a un homicide au bois de Boulogne. Police secours est déjà sur place et la scientifique ne devrait plus tarder. Allez, on se dépêche. Pas besoin de vous rappeler ce que vous devez faire. Il va y avoir un monde fou. Donc on écarte les curieux et l’on se presse de tout analyser.
C’est en regardant Les Brigades du Tigre à la télévision vers l’âge de 12 ans, qu’elle décide qu’un jour, tout comme le commissaire Valentin, elle aussi pourchassera les criminels.
Dans cet univers très masculin, son parcours fait figure d’exception pour une femme de cet âge. (...) à l’âge de vingt-cinq ans et après cinq années d’études de droit, devenir chef d’un commissariat parisien. Après un bref passage aux Stups, elle postule pour entrer à la brigade criminelle, et gravit un à un les échelons : sixième de groupe, cinquième de groupe, quatrième pour parvenir enfin à quarante ans au poste de commandant tant convoité.
Le commandant Rebecca de Lost arrive à son bureau vers 9 heures. L’adresse est prestigieuse : le 36 quai des Orfèvres. Elle a été nommée chef de groupe à la brigade criminelle le jour de son quarantième anniversaire, le 16 mai 2008.
« Regarde-moi », lui lance-t-il d’une voix glaciale.
Elle relève la tête au ralenti en tentant d’éviter de croiser son regard. Il tient une lampe torche qu’il dirige droit sur lui. Elle peut distinguer de très beaux yeux vert émeraude menaçants et une bouche grimaçante d’où jaillit un son d’outre-tombe. Une voix plombée, un débit lent :
« Te rappelles-tu de la date du 23 novembre 2008 ? »
23 novembre 2008, c’était il y quatre ans. Tout se bouscule dans sa tête. 2011, nous sommes en 2011. Cela fait donc trois ans. C’est bien trop loin. Bien trop difficile. Elle tente de rassembler ses souvenirs, en vain.
« Je suis désolée », répond-elle d’une voix brisée.
La clé dans le verrou, un bruit sourd, le grincement de la porte, puis une ombre massive qui se déplace très lentement.
« Bonjour, Isabelle, comment vas-tu ce matin ? »
Les secondes qui suivent lui paraissent irréelles. Elle serre les poings et quelques larmes brûlantes apparaissent sur ses joues glacées. Il l’a appelée par son prénom. Il la tutoie. C’est donc qu’il la connaît. Il ne s’est pas trompé de cible. Mais bon Dieu, pourquoi ? Qu’a-t-elle fait pour mériter ça ?
« Que me voulez-vous ? Pourquoi suis-je ici ? »
Cet homme est dénué de tous remords. Il peut être extrêmement violent envers les autres. Très intelligent, il peut mentir pour arriver à ses fins. Il est capable de se fondre dans la masse pour ne pas être reconnu. La psychopathie de notre assassin provient de plusieurs facteurs et c’est pour cette raison qu’il est très compliqué de le cerner. Il a dû avoir une enfance difficile, sans repères familiaux. Depuis son adolescence, il a pris l’habitude de passer totalement inaperçu.
Rebecca jette un regard circulaire sur les lieux afin de trouver la méthode à adopter la plus efficace pour évoluer sur la scène de crime. Délimiter celle-ci dans un endroit ouvert s’avère toujours beaucoup plus compliqué que dans une pièce fermée. Elle se dirige vers Alain Vidali, le médecin légiste, penché sur le corps de la victime.
« Salut, Alain. Qu’est-ce qu’on a ? demande Rebecca.
– Femme blanche, type européen, 1 mètre 60, entre 30 et 40 ans. Elle doit flotter là-dedans depuis au moins vingt-quatre heures.