L’Anse à l’Âne s’étendait à ses pieds avec sa plage bordée de cocotiers, ses eaux limpides, et, au loin, Fort-de-France et la montagne Pelée. Ce décor de carte postale faisait la joie des touristes. Seuls les locaux connaissaient l’autre visage de l’île ; celui du vent furieux qui couchait les arbres, balayait les maisons et charriait des torrents de boue, semant la désolation au paradis. Le bonheur était fragile. Les Martiniquais avaient appris à se prémunir des ouragans, mais comment se protéger de la maladie ?
Avant de rencontrer Rose, Lancelot s’efforçait en toutes circonstances d’imaginer le pire. (...) C’était sa manière à lui de tenir la mort à distance.
Soudain, il se souvenait. C’était une gifle imprévisible et imméritée. Comme une punition injuste pour avoir volé quelques instants de bonheur passé. Et la douleur étreignait sa poitrine. Il se rappelait que rien ne serait plus jamais comme avant. Même s’il restait de l’espoir, un espoir ténu, entêtant et dangereux.
Au réveil, la douleur était devenue aussi familière que le chuintement des vagues sur le sable blanc. Certains jours, elle était là d’emblée, explosant dans son cerveau avant même qu’il ouvre les yeux. Parfois, elle restait tapie, surgissant au bout de quelques secondes, le temps que son esprit s’ébroue, se débarrasse de sa gangue de sommeil et reprenne pied dans la réalité. Il chérissait ces secondes d’oubli, ce bref moment où la conscience émerge à peine.
Parce que Dieu n’existe pas Lancelot, Dieu n’existe pas. Ou alors c’est un bel enfoiré.
"Il savait pourtant qu'on ne trouve pas un homme à la mer. Jamais."