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Critique de kielosa


L'affaire Florence Cassez, qui au Mexique et en France a fait couler tellement d'encre, n'a pas été vraiment couverte de façon systématique par la presse belge. Aussi bien que moi, qui habite à même pas 25 kilomètres de chez elle à Dunkerque, n'avait que des très vagues notions de cette affaire. Plus maintenant, grâce à l'excellent travail de recherche et d'explication fournie par l'écrivain Jorge Volpi Escalante, né à Mexico City il y a un demi-siècle.

"Un roman mexicain" en version originale intitulé bizarrement "Una novela criminal", paru au Mexique en 2018 et chez nous il y a un mois, n'est bien sûr pas le premier livre consacré à cette affaire qui a été à l'origine même d'un conflit entre les présidents des 2 nations : Nicolas Sarkozy et Felipe Calderón (en fonction de décembre 2006 à décembre 2012). En effet, la victime elle-même a écrit 2 ouvrages : "À l'ombre de ma vie : Prisonnière de l'État mexicain" en 2011 et 3 ans plus tard "Rien n'emprisonne l''innocence". Les 2 produits avec l'aide de l'animateur de télévision Éric Dussart.
Il existe également l'ouvrage de la journaliste belge, correspondante de plusieurs publications francophones au Mexique, Emmanuelle Steels, dont le long titre peut être résumé comme "Le théâtre d'une tromperie" ("engaño") et est sorti en 2015.

La triste réputation du Mexique comme pivot du narcotrafic, depuis la liquidation des cartels colombiens de Medellín (Pablo Escobar en 1993) et Cali, est bien connu, mais la spécialité des enlèvements par sa gent criminelle l'est nettement moins, chez nous en tout cas. Dans le but de frapper un grand coup pour endiguer ce fléau, quelques personnalités haut placées du ministère public et de la police, tels Genaro García Luna, directeur de l'agence fédérale des enquêtes (AFI - "Agencia Federal de Investigaciones", le FBI local), son collaborateur Luis Cárdenas Palomino et le sinistre officier Alejandro Fernández Medrano eurent le 9 décembre 2005 la merveilleuse idée d'organiser une mise en scène sensationnelle.

Arrêter le chef d'une bande de ravisseurs avec sa dulcinée étrangère à l'heure de pointe des écoutes d'informations à la télé et en même temps libérer 3 pauvres victimes de rapts. le "jefe criminal" était Israel Vallarte, un Mexicain d'une quarantaine d'années, le leader du gang de la bande de "los Zodiaco" et sa copine française, Florence Cassez, née à Beuvry dans le Pas-de-Calais en novembre 1974.

Sensationnel ce spectacle, diffusé en direct par 2 chaînes importantes de télé, l'était sûrement, mais une violation flagrante du secret de l'instruction et du principe sacrosaint de présomption d'innocence, ... aussi ! Ce show scandaleux aura valu à Florence une condamnation initiale de 96 ans de taule, réduite en appel à 60 ans, pour enlèvement, séquestration et port d'armes.
Du 8 décembre 2005 jusqu'à sa libération au 23 janvier 2013, notre compatriote aura eu le privilège de faire la connaissance des mitards mexicains. Pour ces 7 ans de peurs et d'angoisses, de mauvais traitements et désespoir, notre Florence a demandé du Mexique un dédommagement de 36 millions de dollars (€ 30,89 millions).

Cette histoire est, à mon humble avis, un long récit d'incompréhensions, d'exagérations et d'abus, qui, au-delà de l'injustice manifeste témoignée à l'égard de Florence Cassez a eu des effets regrettables pour le Mexique et les relations bilatérales entre ces 2 grands pays.

Peu après son retour en France, Florence s'est mariée, en 2013 avec un franco-mexicain, Fausto Avila, avec qui elle a eu une fille, Fleur, en 2015. Avec la famille Avila elle a collaboré à la gestion du restaurant "Les Gens Heureux" à Dunkerque, où - par pure curiosité je l'admets - j'allais réserver une table, lorsque j'ai appris par un entrefilet dans la presse locale que le couple a divorcé et que depuis le 3 février dernier, Florence a été révoquée de son mandat de directrice de la société propriétaire du resto !

Jorge Volpi Escalante ne s'est pas épargné d'efforts pour éclairer cette ténébreuse affaire, à la satisfaction de la première concernée, Florence Cassez, je présume, mais d'un point de vue strictement littéraire, l'ouvrage y aurait gagné en qualité avec un peu moins de pages (que les 382 actuelles) et en biffant certains détails superflus. Heureusement cependant que l'auteur a publié tout à fait au début une liste fort utile de 6 pages et demi de "dramatis personae". En plus, ce roman non-fiction, lui a fait gagner le Prix Alfaguara 2018, ce qui est incontestablement une belle référence.
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