Citations sur Jeu Blanc (Cheval indien) (139)
Si notre canot n'avait pas heurté ce rocher, nous aurions pu arriver à Minaki. Nous aurions pu trouver Minoose et nous abriter chez lui, et ma grand-mère aurait trouvé un moyen de me garder avec elle. Au lieu de cela, elle avait disparu. Morte de froid pour me sauver, et moi, je partais à la dérive sur une étrange nouvelle rivière.
"Glace blanche, joueurs blancs, commentai-je. Vous n'allez pas me dire que ce n'est pas la même chose partout? Qu'ils ne pensent pas que ce jeu est le leur, où qu'on aille?"
Il prit son temps avant de répondre.
"Ce n'est pas un pays parfait, mais c'est un sport parfait, dit-il.
Le jour suivant mon arrivée, un garçon du nom de Curtis White Fox se fit laver la bouche au savon à la soude parce qu'il avait parlé ojibwé. Il s'était étouffé et était mort là, dans la classe. Il avait dix ans.
Je pensais tout simplement que j'étais fou. Mais il s'avère que j'étais blessé, c'est tout, seul, coupable, honteux - et surtout, tout simplement très très triste.
Il fallut que l'école reçoive un don considérable pour que le Père Quinney accepte de me laisser jouer. Le Père Leboutilier m'accompagnait aux entraînements et aux matchs dans le vieux break que les sœurs utilisaient pour leurs courses.
"Ça me fait un drôle d'effet, dis-je un jour.
— Quoi, Saul ? demanda le Père.
— Le jeu.
— Comment ça ?
— Je ne sais pas. Ça me fait un peu peur de jouer en ville tout le temps. Comme s'ils attendaient de moi quelque chose que je ne sais pas être.
— Ils attendent que tu sois un bon joueur de hockey.
— Ouais. Mais j'ai l'impression qu'ils veulent davantage.
— Comme quoi, Saul ?
— Je ne sais pas. Je crois que c'est ça qui me fait peur."
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Nous avons besoin de mystère, avait-elle dit. Notre Créatrice, dans sa grande sagesse, le savait. Le mystère nous remplit de crainte et d'émerveillement, ce sont les fondements de l'humilité, et l'humilité, petit fils, est le fondement de tout apprentissage. C'est pourquoi nous ne cherchons pas à démêler cela. Nous l'honorons en le préservant ainsi pour toujours.
Keewatin. C'est le nom du vent du nord. Les Anciens lui donnèrent un nom parce qu'ils pensaient qu'il était vivant, un être comme toutes les choses. Keewatin se lève en bordure des terres arides et s'agrippe au monde de ses doigts féroces, nés des entrailles glaciales du pôle Nord. Le monde ralentit progressivement son rythme, de sorte que les ours et toutes les créatures qui hibernent remarquent l'inexorable progression du temps.
Quand on t'arrache ton innocence, quand on dénigre ton peuple, quand la famille d'où tu viens est méprisée et que ton mode de vie et tes rituels tribaux sont décrétés arriérés, primitifs, sauvages, tu en arrives à te voir comme un être inférieur. C'est l'enfer sur terre, cette impression d'être indigne.
"Glace blanche, joueurs blancs", dit-il.
Quand le père Leboutilier finit par siffler la fin du match, les garçons les plus âgés patinèrent jusqu'à la bande et s'y appuyèrent. Je traînai derrière eux, ne sachant trop quoi faire. Mais lorsque je m'approchai, ils me firent une place parmi eux. Nous restâmes là comme des étalons au retour d'une sortie dans la prairie.