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Citations sur Être Dieu (10)

Au même moment, je deviens conscient de ces Yeux qui me regardent directement à travers ma tête; des Yeux qui atteignent jusqu'aux replis les plus honteux de mon âme, qui bientôt semblent m'entourer de toute part qui me voient de l'extérieur comme de l'intérieur, jusqu'à ce que tout ne soit plus qu'un seul Oeil. Et comme il n'y a ni sourcils ni visage, il m'est impossible de dire qu'elle est l'expression de cet Oeil. Il ne fait que regarder, ce que je ne peux supporter. Je tombe sur le sol, je m'y roule, je ferme les yeux, je me couvre la tête. L'Oeil arrive alors sur moi du plus profond de moi-même, plus vaste que jamais, remplissant tout l'espace imaginable.
Il n'y a nulle part où aller, absolument nulle part. Il n'y a même plus un centimètre carré sur lequel se tenir ou derrière lequel se cacher. Le seul lambeau de moi qui reste est juste ma terreur, une terrible envie de fuir cet Oeil. Il n'y a plus rien à faire : seul, l'Oeil est là, qui regarde. Ma terreur ne peut se réfugier nulle part, personne ne peut venir calmer mes sanglots, aucune ombre ne peut me cacher, aucun trou n'est là pour ensevelir mon corps. Et, juste à cet instant, je suis l'Oeil.
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Nous conservons l'illusion de vivre dans un monde solide alors qu'en réalité une chaîne de montagnes en granite n'est qu'un réseau diaphane d'énergie électrique.
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Savoir cela revient en termes de jeu de cache-cache, à avoir trouvé le "chez-soi", le "chez-soi éternel" des chrétiens, et la libération de la moksha des hindouistes. Ni l'un ni l'autre ne sont à prendre au sens littéral, soit comme un éternel service religieux d'un côté, soit de l'autre, comme une disparition permanente du monde des formes et des manifestations. Car la mort par laquelle il faut passer pour avoir la vision de Dieu est la mort de la fausse identité, et en se retirant du monde, on ne fait que retirer du jeu, tel personnage particulier, untel, que je prends pour mon seul et unique moi. Quant au reste, l'immense et splendide féerie électrique qu'est l'univers peut continuer sans cesse, même vieille histoire répétée avec une inépuisable inventivité pour la renouveler; couleur, musique, complexité des modèles, beauté et terreur, amour et tragédie, canards dans l'aube d'un lac, mouettes affrontant la tempête, torsades des flammes du foyer, et cette merveille, ce bijou, l'œil qui contemple tout, tout pétri des possibilités sans fin du jeu du oui-et-non.
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Le tragique de la mort réside dans la méconnaissance de cette appartenance, et surtout dans le fait de ne pas avoir trouvé sa propre identité au sein du moi profond. Si l'on comprend cela, on réalise que la disparition du masque, de l'égo dans la mort n'est pas, comme on le dit parfois, absorption de l'âme par Dieu: rien n'est absorbé. Simplement, on s'éveille à Celui qui a toujours été.
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Mais au fur et à mesure que la conscience de soi progresse de plus en plus vers le cœur des choses, il devient aussi de plus en plus clair que l'âme, le noyau central du soi, est quelque chose que nous partageons tous: et sans qu'il y ait besoin d'une mémoire pour franchir les intervalles, nos incarnations multiformes émergent encore et toujours, comme les fruits en leur saison, chacune étant un rayon de soleil magnifié par une lentille, concentré par le Seul-et-Unique.
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Je n'ai donc plus besoin de me faire de souci pour moi. (En aucun cas et à aucun niveau). Car dans le jeu cosmologique de cache-cache, je suis "Cela". Et je dois laisser aller les choses: les apparences peuvent bien succéder aux apparences, les oublis aux disparitions et aux transformations, et les annihilations à de soudaines explosions dans une lumière de nulle part. Nul besoin de se souvenir, car quelle que soit sa forme, c'est toujours "Je" qui "suis ici", et la mort miséricordieuse est là qui me délivre encore et toujours de l'ennui de l'immortalité. Nul besoin non plus de s'agripper ou de croire à ce "Je suis" éternel, fondamental. Car il est ce qui est: avant lui, pas d'avant, après lui, pas d'après et en dehors de lui, pas de dehors.
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Simplement, le "je" véritable dans le cercle lumineux, et au-delà, n'est rien moins que tout ce qui est. Je n'existe évidemment qu'en relation avec chaque chose autre que moi qui existe; mais je n'ai pas établi cette relation en venant de quelque extérieur, comme si tout ce qui existe d'autre que moi m'était étranger ou était étranger aux autres. Je n'ai pas surgi dans cet univers comme un oiseau se pose sur une branche, venant de limbes non identifiés. J'ai poussé sur cette branche comme une feuille. Car je suis quelque chose en quoi tout participe, je suis tout un processus, agitant un drapeau appelé "moi" et s'écriant : "Hou-Hou!"
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Mon sentiment d'être un centre et d'avoir une identité n'est jamais qu'un cas particulier (le cercle éclairé) de l'identité et de la "centralité" de ce soi universel, qui peut apparaître, "je" après "je", sans avoir le moindre besoin du souvenir conscient de chacun d'eux, pas plus que nous n'avons besoin de nous rappeler comment respirer. Étant la totalité de ce qui est, il n'y a aucun point de vue en dehors de ce soi d'où l'on puisse l'observer. Il n'a d'ailleurs pas d'avantage besoin d'être un objet identifié qu'un doigt a besoin de se toucher lui-même ou un œil de se voir.
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Quel que soit le "je" au-delà, en dessous ou au-dessus du petit cercle lumineux de l'égo, celui-ci va son chemin comme grandissent les os et comme circule le sang: tout se passe sans attention consciente. Et c'est de la même manière que le sentiment récurrent et éternel du "je" se déploie à travers tout le corps de l'univers. Car de même qu'un vol d'oiseaux, un amas de cellules ou un groupe de molécules se déplacent comme s'il n'avaient qu'un seul cerveau, de même l'égo conscient appartient-il au soi universel.
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Il me semble cependant qu'après quelques centaines d'années, je pourrais bien en avoir assez d'éprouver toujours la sensation " d'avoir-été-déjà-ici". Il est clair que ceux qui font de l'individualité éternelle la valeur suprême n'ont pas suffisamment réfléchi à ce qu'ils souhaitaient.

Un tel souhait est comparable au désordre grandissant de Manhattan, la ville qui s'agrandit par le haut. Mais elle atteint un point de non-rentabilité, lorsque, passé une certaine hauteur, les gains en espace s'annulent par la multiplication des ascenseurs dans les étages du bas. En d'autres termes, prolonger, indéfiniment, l'individu est un projet nocif, - architecturalement, biologiquement et psychologiquement. L'entité qui est supposée se prolonger n'est pas l'individu, mais quelque chose de plus grand à quoi il appartient, comme les cellules appartiennent à notre corps.
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