Vous verrez. Il existe une tendresse pour les gens comme nous.
Egarés. Exilés. Mômes perdus dans la longue nuit du temps.
- La tristesse est un mur élevé entre deux jardins, disait Marcio. Nous aussi on aura notre jardin, ma sœur. Nous aussi on y arrivera, à être heureux.
Cultivez votre joie le reste n'a aucune importance.
Posez-vous dans votre fauteuil, oubliez tout et criez les mots qui vous viennent. Criez-les plusieurs fois, doucement puis de plus en plus fort. Si vous ne ressentez rien après quelques minutes, c’est hélas qu’on ne peut rien pour vous : sans que vous le sachiez encore, vous êtes morts.
Aujourd’hui, quand j’entends des gens clamer haut et
fort qu’ils ont changé de vie, je ne peux m’empêcher de
rire. Parce que je n’y crois pas, à ces métamorphoses. Ce
qui paraît changer, c’est le tracé que prend votre chemin.
C’est sa couleur. C’est la femme avec qui vous prenez
votre petit déjeuner un jour, puis plus le lendemain. C’est
l’enfant que vous attendez de cet homme qui soudain
part et ne revient plus. C’est la nouvelle maison que vous
occupez. C’est votre peau qui se tanne comme un fruit
blet au fil des ans. Mais dans le fond, rien ne change. Il
n’y a pas de destin, sauf celui de demeurer qui vous avez
à être.
Je le dis plus clairement encore, si c’est possible: quoi
que vous fassiez, quoi que vous perdiez, quoi que vous
acquériez, vous restez avec vos fantômes. Avec vos peurs
couleur corbeau. Avec vos manques venus de l’enfance.
Est-ce que c’est triste?
Non.
Car vous restez aussi avec votre joie. Dans ce bonheur
qui se cache, mais qui est le vôtre depuis toujours.
Ce bonheur, même si on savait bien qu’il ne serait pas
entier, on décida de le retrouver. On en avait ras-le-bol
d’attendre du ciel qu’il se déchire. Alors, on déplaça notre
joie où elle aurait sa place. Où il fallait qu’elle soit. Où
elle pourrait grandir. Croyez-moi, c’est à peu près la seule
chose que vous puissiez faire de votre vie. Cultivez votre joie. Le reste n'a aucune importance.
On était des obstacles pour eux, et on l'avait toujours été, aussi loin que je me souvienne.
Comment se faisait-il que je les aimais encore ? D'où vient cet attachement pour nos bourreaux ? Quel fil nous relie à eux ?
Ces questions demeurent des mystères.
Je pensais à Marcio, à la lumière et à la nuit, et comprenais que ma vie ne serait plus jamais comme avant, que tout bascule en quelques secondes, que tout n'est que souffle.
Passage. Qu'on peut tout perdre en un instant.
Chaque matin, pendant que Mams vaquait aux occupations d’intérieur, Paps accompagné de son frère Zio Pepino, enfonçait dans le travail le bruit blessé de sa respiration, la fumée blanche et bleue de sa pipe en écume de mer, et tout se remplissait du vacarme des bois qu’ils assemblaient.
...ils viendront. Pas tous, naturellement, car votre nudité fait peur, mais ceux qui s'approcheront, ça croyez-moi, ils sauront très bien pourquoi ils viennent et ce qui leur plaît en vous, car eux aussi auront touché le fond.
Vous verrez. Il existe une tendresse pour les gens comme nous.
Egarés. Exilés. Mômes perdus dans la longue nuit du temps.
Sur quoi Zio fermait les yeux et disait qu’il connaissait bien ça, lui aussi : l’amour, les monstres chauds et toutes ces choses terribles qui nous font vivre et nous tuent dans le même temps. nous tuent et nous font vivre.