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Citations sur La Maison des jeux, tome 1 : Le serpent (46)

L’aube se lève dans les rues de Venise. Sa lumière grise baigne les îles de la lagune, traverse les ateliers endormis de Murano puis l’orgueilleuse Place Saint-Marc, bâtie pour défier l’ambition byzantine, longe les eaux paisibles du Grand Canal jusqu’à atteindre San Polo, où se révèlent les trésors de Thene.
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Nous marchons un peu en silence. La cité se resserre autour de nous ; nous nous écartons de plus en plus du Grand Canal, des rues passantes de la ville, pour visiter des voies sombres, des voies étroites, les ruelles et les cavernes formées par les maisons en saillie ; nous traversons des cours d’eau trop étriqués pour les gondoles mais trop larges pour être qualifiés de caniveaux, nous dépassons des sanctuaires consacrés à des saints en pleurs et des héros martyrs, des braseros autour desquels se rassemblent les mendiants et les dames de la nuit frigorifiées pour réchauffer leurs doigts blanchis. Nous marchons, nous marchons à travers des rues qui ne changent jamais, où le sang est aussi vieux que la pierre, le sang d’antiques familles dont les grands-parents ont été nourris par l’eau de la lagune qui aspergera un jour le front du nouveau-né destiné à porter le même nom dans la même maison, la même rue de cette cité figée qu’est Venise. Nous marchons et nul ne connaît notre importance ni notre force, nul sauf ceux qui savent et en qui nous saluons des inconnus familiers, des amis méconnus. Nous marchons.
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Alors qu'ensemble dans l'obscurité elles chuchotent en toute discrétion, un voile couvrant le visage d'une des femmes, un masque celui de l'autre, avec la lumière du feu de cheminée et le vacarme des ivrognes dehors, dans la rue, la Reine de Coupe, Pisana, femme de lettres et dame de la nuit, déclare :
« Faliere est tellement froid que je commence à me demander s'il est seulement humain, si c’est un homme ou une statue animée à laquelle il arrive de chier et de cracher, mais qui ne montre pas davantage que ces fonctions naturelles.
-J'en déduis que vous n'avez pas réussi à infiltrer sa maison, murmure Thene.
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Venez.
Observons ensemble, vous et moi.
Nous écartons les brumes.
Nous prenons pied sur le plateau et effectuons une entrée théâtrale : nous voici ; nous sommes arrivés ; que fassent silence les musiciens, que se détournent à notre approche les yeux de ceux qui savent. Nous sommes les arbitres de ce petit tournoi, notre tâche est de juger, restant en dehors d’un jeu dont nous faisons pourtant partie, pris au piège par le flux du plateau, le bruit sec de la carte qu’on abat, la chute des pions. Pensiez-vous être à l’abri ? Croyez-vous représenter davantage aux yeux du joueur ? Croyez-vous déplacer plutôt qu’être déplacé ?
Comme nous sommes devenus naïfs.
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Une loyauté achetée avec de l'argent ne dure que jusqu'à l'offre suivante.
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Venise est un joyau de contradictions. Installés au bord de la lagune, vous et moi, nous observons le clair de lune plissé sur les eaux, sous un ciel piqueté d’étoiles. Comme les craquements des bateaux parviennent à nos oreilles, le parfum des poissons qui rissolent dans les poêles à nos narines, comme nous entendons les rires lointains et sentons la chaleur qui s’échappe d’une porte ouverte, nous comprenons que cette belle cité est sans conteste le paradis, et nous nous émerveillons de la grandeur des oeuvres humaines. 

Pourtant retournons-nous. Qu’y-a-t-il à présent là qui ne représente une menace ? Les ruelles trop sombres, les murs trop rapprochés, l’eau qui vous lèche les pieds, affamée, assoiffée de sang. Combien d’os ont-ils été dépouillés de toute chair par les poissons aux larges yeux qui échappent aux asticots et à la canne à pêche pour se gorger en de plus verts pâturages ? Combien des corbeaux nichant dans les plus hautes tours ont-ils, lors d’une nuit d’hiver gelée, fondu du ciel pour arracher un oeil fixe à un cadavre qui, le lendemain, n’aura pas de nom à inscrire sur sa pierre tombale ? Beauté et sang : le sang sublime-t-il la beauté ? La peau est-elle plus pâle lorsqu’elle est inondée de rouge ? Ou est-ce le sang lui-même qui est beau : les hommes flamboient sans doute plus fort lorsqu’ils savent risquer d’être noyés le lendemain.

Mais la vérité la plus terrible est peut-être la suivante : dans une cité aussi soumise aux marées que Venise, il est simplement trop difficile de trouver amour, loyauté et vérité ; on investit donc son coeur en d’autres vertus - passion, beauté, poésie et chanson -, en s’imaginant les ombres de la première aussi grandioses que l’amour lui-même.
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Mais la vérité la plus terrible est peut-être la suivante : dans une cité aussi soumise aux marées que Venise, il est simplement trop difficile de trouver amour, loyauté et vérité ; on investit donc son cœur en d'autres vertus - passion, beauté, poésie et chanson -, en s'imaginant les ombres de la première aussi grandioses que l'amour lui-même.
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Trop facile, trop facile pour un joueur, perdu dans sa propre astuce, d’oublier les mouvements des autres astucieux !
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Prenez garde à ne pas vous perdre trop profondément dans le jeu. L'émotion est une faiblesse, mais les joueurs restent humains ; les pièces aussi ; si vous oubliez le sens de l'amour ou de la peur, vous ne verrez plus le plateau clairement.
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La première nuit qu'ils furent seuls tous les deux, elle leva les mains comme elle avait vu sa mère le faire étant jeune, et lui caressa les cheveux, les lui ramena devant les oreilles, mais il déclara que c'étaient là des bêtises de femme et la poussa sur le lit.
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