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Critique de Lamifranz


Souvenez-vous, les copains, et vous les gamins, essayez d'imaginer : c'était dans la nuit du 20 au 21 juillet 1969, exceptionnellement (le 21 était un lundi, jour d'école), vos parents vous avaient laissé veiller pour voir à la télé un évènement inédit, qui n'avait jamais eu lieu et qui était une première mondiale et même universelle : pour la première fois, l'homme allait marcher sur la Lune ; et nos deux commentateurs, Jean-Pierre Chapel et Michel Anfrol, n'avaient pas de mots assez élogieux pour saluer l'exploit de Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins (j'ai failli dire Phil, on a de ces idées, des fois…). Alors depuis, la théorie du complot nous a prouvé par (a+b) facteur de (a-b), que tout ça était truqué et qu'on nous enduisait généreusement de beurre de cacahuète...
Il est certain que les trois astronautes n'étaient pas les premiers à poser le premier pas sur la Lune : Tintin l'avait déjà fait avant eux (« Objectif Lune » – 1953 et « On a marché sur la Lune » – 1954) Et bien avant, Herbert-George Wells avait fait alunir des humains, c'était en 1901 avec « Les Premiers hommes dans la Lune » (Jules Verne n'en avait fait que le tour).
Avec ce livre Wells gagne ses galons de précurseur/inventeur de la science-fiction moderne (avec JV bien sûr – JV et j'en reviens pas) : en cinq romans, il pose les bases d'un genre nouveau qui nous émerveille encore aujourd'hui : « La machine à explorer le temps » (1895), « L'Ile du Docteur Moreau » (1896), « L'Homme invisible » (1897), « La guerre des mondes » (1898, et donc « Les Premiers Hommes dans la Lune » (1901).
Nous sommes au XXIème siècle, je sais que vous le savez, mais les héros du roman y sont aussi. Nos deux aventuriers de l'espace s'appellent Bedford et Cavor. le premier, Bedford, le narrateur, est un type pas très intéressant, bourré de dettes, qui se résout à écrire un drame « en dehors des transactions et des combinaisons d'affaires » (celles qui l'avaient ruiné) « nul autre travail qu'une pièce destinée au théâtre n'offre d'aussi opulentes ressources ». Mais il rencontre Cavor, un savant inventeur de la « cavorite », une substance faite d'un alliage compliqué de métaux et d'hélium, opaque « à toutes les formes de l'énergie radiante. L'énergie radiante m'expliqua-t-il, était tout ce qui ressemblait à la lumière, à la chaleur, à ces rayons Röntgen… aux ondes électriques de Marconi, ou à la gravitation ». Et donc, à la pesanteur. Les deux hommes voient tout de suite l'intérêt que peut avoir cette invention dans l'espace et construisent un aéronef en forme de sphère. Et direction la Lune. Là-bas (là-haut), les deux hommes sont confrontés à la population locale, les Sélénites, dont le chef est le Grand Lunaire. Puis ils sont séparés et Bedford revient sur la Terre. Mais il continue de recevoir des messages de Cavor qui lui raconte ses aventures lunaires…
H.G. Wells n'est pas Jules Verne. Il a autant d'imagination, mais autant la science est optimiste chez le Français, autant elle est pessimiste chez l'Anglais. Passe encore sur les digressions scientifiques qui valent ce qu'elles valent, en fonction des connaissances de l'époque, et des facultés de l'auteur à anticiper, mais les considérations sur la société des Sélénites sont terrifiantes : une société où chaque individu a un rôle pré-établi, et ne peut en sortir : si l'on n'a plus besoin d'un ouvrier, on le met en hibernation dans des cavernes-dortoir, en attendant de retrouver une utilité sociale. L'exploitation des faibles par les forts, des incultes par les intellectuels, la science au service d'un eugénisme de masse… Wells était prémonitoire, et pas seulement dans le domaine de la science-fiction…
C'est pour cette raison qu'il faut lire H.G. Wells : il est le complément de Jules Verne : quand l'un est optimiste, l'autre est pessimiste, et quand l'un est confiant dans l'avenir, l'autre alerte et en définit les limites. Tous deux montrent l'humanité dans sa double face, capable du pire comme du meilleur, et tous deux montrent, chacun à sa manière, l'importance du choix de société que l'on veut se donner.

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