AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur 33 jours (26)

Je me suis endormi, puis réveillé en sursaut. Je croyais à un bruit de mitrailleuses. Ce n'était que le cri des canards. Qu'il est beau ce cri des canards ! C'est toute la paix. J'ignorais que j'aimais à ce point le cri des canards... Mais il n'y a plus de paix sur la terre. Je suis enfermé cerné, serré dans la guerre et dans cette paix qui sera la guerre plus que la précédente encore.
Commenter  J’apprécie          330
Pardonnez-moi, Saint-Ex, pardonnez-moi, Tonio. Vous ne conteriez pas de si pauvres choses. Vous les annulez ou les brûlez. Vous faites du cristal. Mais je ne sais pas voler. Je touche, en ce moment, aux lieux bas. Je n'espère plus beaucoup de moi ni du monde. Je suis vieux quand vous n'êtes pas là. Où êtes-vous ? Je ne sais même pas si vous êtes vivant. Je rêve parfois que votre avions a été touché, qu'il est tombé dans une catastrophe de ferraille et de feu. Je me traîne avec mon vieux métier. Je conte les lieux bas, je conte, dans cette immensité de la guerre, des histoires d'insectes.
Commenter  J’apprécie          220
Je m'abandonne à ces pauvres réflexions, en même temps que je suis des yeux une courbe sinueuse aux panneaux d'un vieux buffet. Ma pipe, le vieux buffet sont devenus mon opium. Mais je ne peux pas perdre mon accrochage à moi-même, je ne veux pas perdre mon accrochage à ce qu'il faut bien que je nomme la civilisation. Je ne suis pas l'homme d'une île déserte et d'ailleurs, il n'y a plus d'îles désertes. Montaigne, Pascal, l'humanisme. Mais gare aux cuistres, qui en tiennent commerce, gare aux petits boutiquiers de l'humanisme.
Commenter  J’apprécie          200
Je me sentais humilié. J'étais le vaincu, qui reçoit sa nourriture de la générosité du vainqueur. Telle est la guerre, elle impose une grossière simplification ; elle pense pauvre, elle contraint à penser pauvre, par grosses catégories, elle oppose les nations dans un excès d'unité qui n'est que démence, elle oppose le vainqueur et le vaincu, elle supprime les conflits délicats et les remplace par un pugilat. Si grand soit le pugilat, ce n'est qu'un pugilat. Mais rien ne peut faire en cette minute que ce soldat ne soit toute la victoire et moi, toute la défaite.

[NB : un soldat allemand vient de proposer une boite de conserve au narrateur et à sa famille affamée]
Commenter  J’apprécie          200
C'était après le dîner. Deux soldats sont entrés. Ils cherchent des chambres. Madame Rose leur dit que sa maison est petite et qu'elle n'a d'autre lit que le sien et celui de ses enfants. Mais un des soldats met la main sur la poignée de la porte, qui est entre la cuisine et les chambres.

«Je veux voir... (cheu feu foir...)» dit-il.

Nous savions que nous étions sous sa botte, mais nous le sentons en cette minute à l'intérieur de notre peau.
Ils ont visité de la maison et ils sont partis, sans rien dire, sans même nous regarder.
Je n'ai pas besoin d'un dictionnaire pour définir la force et l'autorité. Je ne suis plus que l'homme d'une tribu captive.
Ils sont près de nous, contre nous et autour de nous. Ils sont hors de la maison et dans la maison, où ils entrent quand il leur plaît.
Commenter  J’apprécie          190
Alors commence le vrai voyage qui est hors de soi-même.

[Extrait de la préface d'Antoine de St Exupéry au livre de son ami Léon Werth]
Commenter  J’apprécie          190
J'ai lu, quand j'étais enfant, de beaux récits sur l'hospitalité. L'hôte est sacré pour le patriarche biblique, pour le grec de l'Illiade et pour le Bédouin dans sa tente. Abel, Monsieur Abel, comme souvent on vous appelle à Chapelon, je n'ai, grâce à vous, rien à regretter de l'antiquité... L'hospitalité existe encore dans ces temps modernes, et elle y est plus belle encore. Car elle n'est pas un rite, mais un don.
Commenter  J’apprécie          180
Et Abel, qui se méfie des beaux parleurs, mais qui aime l'éloquence, lui avait dit : «Vous ne pouvez rien contre moi. J'aime mieux mourir debout que vivre à genoux»
Commenter  J’apprécie          170
Je ne savais pas, ce premier soir de Chapelon que le couplet sur le retour à la terre allait redevenir de mode ou de consigne. Il est d'ordinaire tourné par des bureaucrates ou des académiciens, qui prouvent seulement qu'ils n'avaient d'aptitudes spéciales que pour le métier de manœuvres non-spécialisés. Ce qu'ils appellent sagesse paysanne n'est qu'une image de leur paresse d'esprit ou de leurs préjugés. Ils l'opposent à la turbulence ouvrière et ils sont ainsi rassurés. Je leur dit en vérité : Abel ne les eût point satisfaits. Et pourtant il ne serait pas paysan s'il avait accepté un catéchisme révolutionnaire. Mais je ne veux pas faire d'Abel un portrait politique et je ne sais encore si j'y serai conduit. Il me suffit aujourd'hui de dire que je n'ai jamais connu esprit plus agile et s'accrochant mieux au monde.
Commenter  J’apprécie          150
Je touche, en ce moment, aux lieux bas. Je n'espère plus beaucoup ni de moi ni du monde [...] Je me traîne avec mon vieux métier. Je conte les lieux bas, je conte, dans cette immensité de la guerre, des histoires d'insectes.
Commenter  J’apprécie          90






    Lecteurs (157) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Les écrivains et le suicide

    En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

    Virginia Woolf
    Marguerite Duras
    Sylvia Plath
    Victoria Ocampo

    8 questions
    1726 lecteurs ont répondu
    Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

    {* *}