Citations sur La France en automobile (61)
Peut-être la route qui traverse Senlis et Saint-Leu, justement parce qu'elle offre moins d'impressions exceptionnelles, nous rapproche-t-elle davantage de la vieille France, de son inépuisable réserve de beauté sobre et familière.
Le retour de Soissons à Paris propose tellement de délicieuses possibilités, pour le paysage comme pour l'architecture, que le voyageur, surtout en avril, peut être excusé d'hésiter entre Compiègne et Senlis, entre Beauvais et Saint-Leu-d'Esserent.
Vue de la route de Saint-Quentin, Laon est une des plus majestueuses villes de France situées sur une colline : elle paraît en fait rivaliser avec les cités haut perchées d'Ombrie, plutôt qu'avec tout ce qui peut se trouver dans un proche voisinage.
Le contraste entre ces vieilles maisons de pierre, humbles mais robustes, pour ainsi dire rangées en bout de table, et le château trônant sur son estrade de roche semble résumer tout le système social du Moyen Age avec autant de clarté et de concision que les fameuses catégories de Taine.
Lyon passe, je crois, pour la plus prosaïque des villes françaises; mais il est impossible de penser cela quand on descend vers elle dans la nuit, en voyant ses ponts majestueux relier ses quais, et le double bras des eaux refléter les millions de lumières des berges.
Le fleuve serpentant au premier plan trace ses méandres jaunes entre de minces rideaux de peupliers et d'abruptes falaises calcaires; et même les collines les plus éloignées ont la claire silhouette des pics bleutés dans les miniatures médiévales, l'épaule du mont Ventoux, au nord, se dressant au-dessus d'elles avec la fermeté d'un marbre antique.
Dans la légèreté de l'air provençal, qui donne une précision finement crayonnée aux objets les plus lointains, le paysage revêt un caractère extraordinairement topographique, détaillant avec une minutie préraphaélite ses ruines aux angles aigus, son pont à tourelles, ses petites villes emmurés sur des points précis des rochers.
Et entre les collines s'étendent de douces vallées, avec des champs de roses, des arpents de vignes bourgeonnantes, des prairies semées de narcisses, et des frais ruisseaux dévalant de forêts de châtaigniers, au bas des sommets gris et nus.
Dans les hauteurs, parmi les chênes-lièges, les villages blottis autour de leur donjon féodal clignotent des yeux, au-delà des pinèdes, en direction des éblouissantes échancrures bleu et pourpre du rivage.
C'est la saison où le printemps éclate à travers la verdure persistante de la Riviera en un millier de couleurs tendres, vert pâle des cultures, blanc neigeux des arbres en fleurs, et rouge flamboyant des tulipes sous la brume argentée des oliveraies.