Je vous invite ce soir dans le coeur d'une femme amoureuse. Alors, vous venez ?
Elle s'appelle Lizzie West, elle est jeune et exerce le métier d'institutrice à Paris. Parmi ses élèves, il y a Juliette, la fille de Vincent Deering, un peintre américain qui se croit doué et dont l'épouse est gravement malade. Juliette semble donner du fil à retordre à l'enseignante qui prend son métier à coeur. Elle s'en émeut auprès de son employeur, évoquant dans des sanglots l'idée de renoncer à sa mission. Celui-ci tient à la rassurer, la console même, ils échangent un baiser à travers ses larmes...
Une relation amoureuse naît de cette étreinte. Mais l'épouse de Vincent Deering décède quelques temps plus tard. Vincent Deering doit alors retourner aux Etats-Unis pour gérer les biens de son épouse. Les deux amants se promettent de s'écrire. Lizzie West ne faillit pas à cet engagement. Elle lui écrit, mais elle ne reçoit pas de lettre en retour. Elle écrit encore et encore, mais ne recevra aucune lettre de son amant.
Quelques années plus tard, alors que Lizzie West a hérité d'un vieil oncle et vit désormais bien plus aisément qu'auparavant, elle croise par hasard à Paris Vincent Deering sans le sou... Et devinez un peu ce qu'il va advenir ?
Ne vous y trompez pas, derrière l'apparence d'une banale bluette un peu surannée, se tient un récit construit de manière ciselée. Malgré sa taille concise, - puisqu'il s'agit d'une nouvelle, j'ai été impressionné par la densité des sentiments qui se tient dans ce texte, l'art que déploie la romancière pour nous les restituer dans une variation subtile de l'amour, de ses illusions et désillusions, de ses renoncements.
Il ne s'agit pas d'un récit épistolaire, on ne saura jamais rien du contenu de ces lettres, bien que j'ai imaginé aisément quelle pouvait être la teneur de ces missives sentimentales. Elles forment un pont, une intrigue presque, sur laquelle s'adosse le texte riche d'
Edith Wharton. Tout le charme de la narration est sa construction sur des ellipses. C'est fin, acéré et permet de ne jamais s'ennuyer.
C'est une chronique douce-amère d'une femme amoureuse, prête à tout pardonner, qui perd pied, perd peut-être la raison tout doucement...
C'est un merveilleux personnage féminin dessiné par
Edith Wharton de manière précise et affutée, personnage dont on peut admirer à chaque respiration du texte la sincérité des sentiments, ses doutes, ses failles. J'ai eu envie à mon tour de la prendre dans mes bras, non pas comme le fit Vincent Deering quelques années plus tôt... Sans doute
Edith Wharton y est un peu pour quelque chose...
Je vous invite ce soir dans le coeur d'un lecteur pris d'affection pour une certaine Lizzie West...