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Critique de alouett


« Des collines perses de Yazd aux coulisses du tribunal criminel de Genève, Nicolas Wild dévoile les dessous de l'assassinat en 2006 de Cyrus Yazdani, figure emblématique de la culture zoroastrienne en Europe et en Iran. le procès doit permettre d'y voir plus clair dans cette affaire de moeurs aux possibles résonances politiques.

Le zoroastrisme, religion monothéiste née en Perse avant notre ère, inspira nombre de philosophes, en particulier Nietzsche au 19è siècle, lequel prêta sa plume à son prophète dans Ainsi parlait Zarathoustra.

Si l'oeuvre de Nicolas Wild n'a pas les prétentions de celle du philosophe, elle dévoile toutefois avec précision les principes de cette religion et le délicat devenir de ses adeptes » (extrait rabat de Couverture).

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Le dernier album « en solo » de Nicolas Wild remonte à 2008 puisqu'il s'agit du second tome de la série Kaboul Disco. Cinq ans d'attente, vous imaginez donc à quel point la suite est attendue…

Pourtant, Nicolas Wild propose cette année un tout autre projet. Celui-ci semble être né spontanément si l'on en croit l'auteur. Ainsi, après quelques pages de lecture, on apprend qu'il loue un appartement situé en plein coeur de Paris, près du Canal Saint-Martin, le quartier où squattent les Afghans qui ont choisi le chemin de l'exil nous explique-t-il. Lors d'une balade sur les rives du canal, Nicolas Wild rencontre Timour qu'il aide en lui permettant de passer un appel à partir de son portable. le reste est plus ou moins un concours de circonstances qui permet à Nicolas Wild de sympathiser avec Sophia Yazdani, la fille du zoroastrien.

Pour construire son récit, Nicolas Wild s'appuie sur le personnage fictif de Cyrus Yazdani. Cet homme lui sert ainsi de fil conducteur pour aborder de front son sujet : le Zoroastrisme et ses ramifications en Iran et à travers le monde. Un ouvrage didactique mais qui offre une lecture fluide et plaisante. La mise en abyme permet à l'auteur de s'immiscer dans la présentation qu'il effectue et de soulager les propos en y injectant des scènes de vie plus ludiques ainsi que le cheminement qu'il a effectué à mesure qu'il s'enfonçait dans la maîtrise de son sujet. Mais Ainsi se tut Zarathoustra aborde également d'autres sujets comme la place de l'Art et de la culture dans la société iranienne, le clivage entre les différentes communautés religieuses, la consommation d'opium, l'exil…

Plusieurs récits s'entrecroisent ici. le premier aborde l'histoire du zoroastrisme, de son émergence (qui se situe dans les trois derniers millénaires avant la naissance du Christ) à la période actuelle qui marque son déclin. Ainsi, on découvre que le zoroastrisme est une religion en voie d'extinction qui ne doit sa survie que grâce à la seule force de volonté de ses fervents défenseurs.

Il est également question du parcours de Cyrus Yazdani qui incarne à lui seul l'histoire de la communauté zoroastrienne condamnée à l'exil au début du siècle dernier (Etats-Unis, Europe, Inde sont les principales zones géographiques où les zoroastriens se sont exilés). Ces hommes sont souvent issus de familles riches et cultivées, ils ont su s'intégrer dans les sociétés où leur diaspora se sont installées. Enfin, ces individus sont attachés à leurs racines familiales, ils font le choix de rentrer d'exil et tentent de refaire leur vie en Iran.

Il est enfin question de la démarche opérée par l'auteur. Ce récit se développe sur une période plus concise (septembre 2007 à mars 2009). Seul grief : son postulat de départ s'appuie sur une rencontre incongrue. Ces temps de narration restent peu cohérents dans le sens où les transitions qui les relient sont tributaires d'hasardeux concours de circonstances, rendant ainsi cette « tranche de vie » légèrement grossière voire caricaturale. J'ai eu beaucoup de mal à doser la présence de ce temps narratif car il impose un fort décalage entre la précision des propos tenus dans la partie historique et une forme d'insouciance apposée à la période relatant la démarche de l'auteur.

Nicolas Wild découpe son récit en trois parties dans lesquelles on constate à quel point l'utilisation de la métaphore vient aider l'auteur dans la construction de son scénario. Ces chapitres s'intitulent respectivement « Bonnes pensées » (partie qui se consacre à la présentation du zoroastrisme et de ses fondements religieux), « Bonnes paroles » (relative au procès et au parcours du personnage principal) et « Bonnes actions » qui se penchera sur le procès [du meurtrier présumé de Cyrus Yazdani] et ses conséquences.

Le trait de Nicolas Wild est plus maîtrisé que dans Kaboul Disco : les fonds de cases sont plus fouillés mais la description graphique des personnages reste identique. L'auteur va à l'essentiel, le style me fait penser au dessin de presse : sobre et expressif. Je ne vous cacherais pas que je n'ai pas pensé, à plusieurs reprises, à la démarche journalistique de Joe Sacco et cela, dès la première page de Ainsi se tut Zarathoustra. En effet, les similitudes sont nombreuses avec la première nouvelle de Reportages qui conduit Joe Sacco à se rendre au Tribunal pénal international de la Haye pour suivre le procès d'un criminel de guerre. Certes, Sacco n'est pas le genre à imaginer la construction d'un élément fictif pour déplier son sujet qu'il préfère aborder de front. Alors vous me direz, pourquoi faire cette comparaison facile entre ces deux démarches d'auteurs ? Je pense que cela tient à deux choses. le décor d'un tribunal pour introduire la sujet et le fait que les deux auteurs n'hésitent pas une seconde à se mettre en scène et à tenter d'interagir avec le lecteur en lui transmettant à la fois les éléments historiques et ce qu'a suscité la découverte de ceux-ci chez lui.
Lien : http://chezmo.wordpress.com/..
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