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Critique de Presence


Ce tome contient une histoire complète de type Et si… ?, c'est-à-dire une variation sur des superhéros de l'éditeur DC Comics, réinterprétés dans un contexte différent. Il s'agit d'un récit de 64 pages, initialement paru en 1997, sans prépublication, écrit par Chuck Dixon, dessiné par J.H. Williams III, Encré par Mick Gray et mis en couleurs par Lee Loughridge. La couverture a été réalisée par John van Fleet. C'est le deuxième Elsworlds consacré à la Ligue de Justice, après League of Justice (1996) écrit et dessiné par Ed Hannigan, et encré par Dick Giordano.

En 1873, Felix Faust est détenu dans l'unique cellule du bureau du shérif de la ville de Paradise. Il est surveillé par Oberon, l'adjoint du shérif Diana Prince, absente pour quelques jours. Faust le prévient qu'il va bientôt être libéré. Il ajoute que ce n'est pas le tonnerre qu'Oberon entend, ni une cavalcade sauvage. Il se met à rire à gorge déployée, alors qu'une lumière troue la nuit et aveugle l'adjoint du shérif. Peu de temps après, Diana Prince est sur le chemin du retour, à cheval, avec deux voleurs de cheval eux aussi en selle, et les mains liées : elle les ramène à Paradise City pour être jugés. Ils parviennent à un surplomb rocheux et constatent que la ville a été détruite, ses ruines étant encore fumantes. La shérif s'arrête devant le panneau de la ville qui gît dans la poussière. Elle libère les deux voleurs de chevaux car elle doit s'occuper d'un problème plus important : ils déguerpissent sans demander leur reste. Ils ont vu la lueur dans ses yeux et savent qu'elle sera sans pitié. Diana s'agenouille auprès d'Oberon qui est à l'article de la mort. Il a le temps de prononcer quelques mots avant de rendre son dernier soupir. Diana lui donne une sépulture digne de son nom, et laisse son chapeau avec son étoile de shérif sur la croix en bois qu'elle a érigée sur la tombe.

À Diablo Wells, Kid Flash (Wally West) prévient trois fauteurs de trouble qu'ils feraient mieux de sortir du saloon. Ils ricanent car ce jeune freluquet masqué ne leur fait pas peur. En un clin d'oeil, ils se retrouvent dans la grand rue, désarmés, et le pantalon sur les chevilles. Kid Flash les prévient que s'ils reviennent la prochaine ils se retrouveront avec le caleçon sur les chevilles. Quelqu'un l'appelle : il se retourne et voit Diana Prince qui se moque gentiment de lui devenu videur dans cette petite ville. Ils vont boire un verre au bar et elle lui explique ce qui est arrivé à Paradise. Leur conversation est interrompue par Booster Gold qui les a écoutés et qui leur offre ses services de pistolero. Kid Flash lui démontre par l'exemple qu'il dégaine beaucoup plus vite que lui, et beaucoup plus de fois. Diana ajoute qu'elle choisira elle-même ses compagnons de vengeance. Diana et Kid Flash s'en vont à cheval vers une réserve indienne.

Chuck Dixon fut un scénariste extrêmement prolifique dans les années 1990, en particulier sur les séries Batman, Robin et Nightwing. Il est connu pour ses récits sans fioritures, allant droit au but avec une remarquable efficacité. Il réalise donc là une histoire complète, proposant une version western de la Justice League, comprenant sept membres dans la dernière partie de l'histoire. Il s'agit d'un exercice de style moins facile qu'il n'y parait car il faut montrer la spécificité de cette version des personnages, éventuellement rappeler leurs origines et montrer en quoi elles diffèrent de celles canoniques, et raconter une histoire, dans un format relativement court, ici 64 pages. Fidèle à sa réputation et à sa manière de faire, le scénariste ne tourne pas autour du pot : pas de récit des origines, l'époque différente suffit à faire comprendre qu'il s'agit d'une version inhabituelle. Pas de pages consacrées à la personnalité de chacun des héros, sauf une pour le détective de l'agence Pinkerton. Chaque séquence est focalisée sur l'intrigue. Celle-ci s'avère simple et linéaire. Diana Prince recrute un certain nombre d'individus aux capacités sortant de l'ordinaire pour assouvir sa vengeance.

De même, Chuck Dixon ne s'attarde pas sur les pouvoirs des uns et des autres. Diana ne dispose ni de son lasso, ni de sa tiare et visiblement même pas d'une force surhumaine. La ville de Paradise n'était pas peuplée d'amazones. Kid Flash a conservé sa super vitesse. Les autres superhéros disposent pour certains d'entre eux de superpouvoirs, et les autres non. Il n'insiste pas non plus sur des costumes de superhéros, chacun étant vêtu d'habits plausibles pour l'époque. le lecteur éprouve donc la sensation de lire une histoire linéaire et basique avançant vers la confrontation finale contre l'ennemi, sans beaucoup plus que ça. Pour autant, il se rend également compte que si, il y a un peu plus que ça : plusieurs éléments typiquement western (le bar, les voleurs de chevaux, la petite ville isolée, l'indien, le riche propriétaire possédant son train personnel, et bien sûr les chevauchées dans l'ouest sauvage, le duel au pistolet dans la grand rue), la culpabilité de Diana, l'entrain de Wally, la mine renfrognée de Katar, etc.

Cette histoire alternative présente une autre particularité : elle a été dessinée par JH Williams III, alors au début de sa carrière, un peu avant d'illustrer Promethea (1999-2005) d'Alan Moore, des années avant d'illustrer The Sandman: Ouverture (2013-2015) de Neil Gaiman. le lecteur peut ressentir le degré d'implication de l'artiste dès la première page, avec son pourtour marqué par des motifs indiens, un serpent, des cactus. Plus loin dans le récit, ce cadre évolue pour intégrer un aigle, un éclair, un scarabée, c'est-à-dire les insignes des héros. Cette première page se compose de 3 cases verticales, disposition peu usuelle, car il n'est pas facile de tirer parti d'une telle hauteur ainsi de temps à autre, le dessinateur construit des pages de manière inhabituelle : une case ronde au centre de la page, une case en insert pour montrer la réaction d'un cheval ou la progression d'un train, des cases de biais pour souligner la violence d'un impact, et quelques dessins en pleine page à couper le souffle. le lecteur se dit que la narration visuelle se situe sur un plan plus élaboré que le scénario, apportant beaucoup d'éléments supplémentaires.

Effectivement JH Williams III met un point d'honneur à représenter les décors dans toutes les pages, à l'exception d'une séquence de nuit autour d'un feu de camp. Dès la première page, le lecteur peut voir chaque planche d'un bâtiment, chaque brique d'un autre. Par la suite, il ne manque pas une brique dans le bureau d'Oberon, la chaleur fait onduler l'image du soleil. Les montagnes au loin sont recouvertes par une végétation, et pas un simple trait avec une mise en couleurs pour remplir la forme. Les bâtiments de la ville de Diablo Wells sont tout aussi consistants que ceux de Paradise, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur. Diana Prince et Wally West reprennent leur chevauchée et pénètrent dans une zone boisée où il est possible de reconnaître l'essence des arbres et de sentir la fraîcheur du cours d'eau. La chevauchée des héros dans le désert en suivant les rails rend bien compte de l'immensité de l'espace et de la sécheresse. La découverte d'Helldorado montre les bâtiments, les rails dans un dessin en pleine page qui donne une vision d'ensemble du site. Cette attention portée aux détails et cet investissement pour représenter les environnements apportent une consistance épatante à chaque lieu, à l'opposé de décors génériques sans âme.

Il en va de même pour les personnages. L'artiste prend le temps de peaufiner leur apparence. le bustier de Diana Prince reste peut-être un peu bas, mais il devient réaliste. La tenue de Kid Flash est plausible avec sa chemise de gros coton, son pantalon solide, ses gants, ses bottes de cowboy. Katar Johnson est magnifique, sombre et bénéficiant du fait que les auteurs n'ont pas à s'attarder sur comment tout ça fonctionne. Félix Faust est parfait avec son visage mangé par les ténèbres et son manteau noir constellé d'étoiles. le lecteur ressent que la narration visuelle enrichit le scénario, allant parfois l'encontre de la simplicité voulue par le scénariste, donnant une consistance trop sophistiquée à un récit d'aventure sans prétention, un simple exercice de style western. Pourtant, images et intrigue ne donnent pas l'impression de se neutraliser ou de se contredire, c'est juste que le lecteur aurait apprécié une histoire plus profonde.

Dans les années 1990, l'éditeur DC Comics sort des récits de type Et si… à tour de bras, certains réalisés à la va-vite, d'autres beaucoup plus originaux. Cette histoire est à ranger dans la deuxième catégorie. Une fois encore, le lecteur reste épaté par la fluidité de la narration de Chuck Dixon, sa capacité à raconter simplement et efficacement. Il ne s'attend pas forcément à une narration visuelle aussi riche et il a vite fait de se prendre au jeu de ces personnages consistants, et de ces environnements bien développés. Par moment, il se dit que JH Williams III en fait presque de trop par rapport à l'intrigue.
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