« Nous nous sommes écartés du Rio Branco, raconta-t-il, pour nettoyer après votre passage. Nettoyer les guérillas, cela voulait dire. Sauf que vous aviez laissé un autre genre de saletés. » Le souvenir avait gardé toute sa vivacité et Ng, désormais plongé dedans, se fit plus solennel. « Il y avait des cadavres partout. Femmes et enfants. Ça nous a dégoûtés. Même nous. Ça nous a même dégoûtés, nous. Et bizarrement, on s’est sentis mieux. On était des machines, mais pas des monstres. Vous nous le prouviez. Vous étiez notre consolation. Quoi que nous soyons devenus, il existait pire. » Il regarda Oberg et, des profondeurs de sa chaise, lui sourit. « Vous nous avez fait nous sentir humains. »
Certaines choses étaient tout simplement trop horribles pour qu’on les supporte. Il fallait détourner le regard, voilà la vérité… et si on ne pouvait pas le détourner, il fallait apprendre à regarder uniquement pour regarder.
La vision sans désir. Le miroir parfait.