Kiss

Il fait un pas vers moi pour me rejoindre. Les chroniques sont écrasées entre nous deux. Il penche la tête, et délicatement, doucement, tendrement, il m'embrasse sur la bouche.
Ce n'est pas le baiser que j'espérais. Mais c'est presque aussi bien.

-Le truc, maman... Bon sang ! Je ne sais pas comment le dire. Ça paraît tellement cucul. Tu comprends, je suis tombé amoureux de quelqu'un.
-Ah ! Et... ce quelqu'un ne t'aimait pas en retour ?
-Il me déteste, dit Carl.
Il boit une autre gorgée.
-C'est un garçon, chuchote-t-il.
-Ah ! Répète Jul'.
Elle boit une grosse gorgée de son thé.
-Eh bien, c'est affreux que ça n'ait pas marché pour toi cette fois-ci, mais je te promets que tu vas retomber amoureux - encore et encore et encore. Ça ne sera peut-être pas aussi intense ni aussi douloureux, mais ce sera mieux, tu verras.
Je la regarde avec stupeur. Carl aussi.
-Maman ? Je viens de te dire que je suis gay et tu fais comme si de rien n'était.
-Je ne fais pas comme si de rien n'était, mais il n'y a pas lieu de hurler. Je m'en doutais un peu.

- Et le roi Carlo et la reine Emilia vivront ensembles et s'aimeront pour toujours, renchérit Carl.
- Bien sûr.
J'avale ma salive.
- Même si nous, on s'aime pas.
- Je t'aimerai toujours, Emily, dit-il.
Il fait un pas vers moi pour me rejoindre. Les chroniques sont écrasées entre nous deux. Il penche la tête et, délicatement, tendrement, il m'embrasse sur la bouche.
Ce n'est pas le baiser que j’espérais. Mais c'est presque aussi bien.

-Tu voulais sortir avec lui toi aussi !
-Bien sûr, parce qu'il est canon, drôle et bourré d'imagination - ce qui, maintenant que j'y pense, prouve clairement qu'il est homo. Mais bon, c'est le fantasme de toutes les filles, non ? On voudrait être la seule au monde à pouvoir le faire changer d'avis...

Je sais que ça ne sert à rein de demander à Carl ce qui ne va pas. Il s'assied à l'arrière de la voiture, les poings serrés, les lèvres pincées et les sourcils froncés, replié sur toutes ses émotions contenues. Jul' essaie de faire la conversation en parlant gaiement de choses et d'autres et lui jette des coups d'oeil dans son rétroviseur. il regarde obstinément la nuit par la fenêtre.
J'essaie d'attirer son attention en posant la main entre nous sur la banquette. Il ne réagit pas. Je me rapproche un peu, mais il se crispe encore plus. Je le fixe désespérément, en tâchant de comprendre ce qui a pu se passer. Il était tellement heureux et détendu quand il se promenait dans les serres, tout à l'heure.

Ce n'est pas le baiser que j'espérais. Mais, c'est presque aussi bien.

Je regrette d'être une fille. Si j'étais un garçon, je n'aurais pas besoin d'endurer ce problème douloureux, embarrassant et salissant tous les mois. Si j'étais un garçon, Carl me rendrait peut-être l'amour que j'éprouve pour lui.

Je n'arrête pas d'entendre ''Si seulement'', ''Si seulement'', ''Si seulement''. Je n'arrête pas de voir la pitié dans les yeux de Carl. Ca me donne envie de disparaître dans un trou de souris.

Miranda nous rejoint en se trémoussant, rit, parle et nous embrasse comme si on était tous ses plus vieux amis, même Paul - surtout Paul. Elle ne s'excuse pas d'être aussi en retard ; ça n'a pas l'air de la perturber le moins du monde. Elle laisse Carl lui payer son entrée au bowling comme si c'était son dû, sans même prendre la peine de le remercier. Elle ne m'accorde pas tellement d'attention à moi non plus. Elle ne fait que papoter avec Paul, qui hoche la tête, sourit et fait le beau d'une façon franchement pitoyable.

Je suis furieuse.Carl ne se gêne pas pour critiquer mes amies; il est grossier a propos de Miranda et il a été carrément cruel avec cette pauvre Lucy .Pourtant,il semble choqué que j'émmette la moindre petite critique au sujet de Paul.