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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Commençons par une histoire extraordinaire.
Celle de la Tour de David à Caracas au Venezuela en Amérique du Sud. Construite entre les années 90 et 94, l'immense building avait pour ambition de devenir le Wall Street de la capitale vénézuélienne. Mais en 1994, suite à la crise financière, le chantier est mis en stand-by…et ne sera jamais repris !
Du haut de ses 45 étages, la tour devient petit à petit le lieu de résidence de tous les miséreux du coin. Devenu le plus haut squat du monde, la Tour de David finit même par voir fleurir de petits commerces en son sein, du coiffeur au dentiste en passant par le salon de beauté, et permet de loger environ 3.600 personnes à son apogée !
Évacuée en 2014, la tour reste aujourd'hui silencieuse tout en restant un symbole pour les millions d'habitants de Caracas.

Si l'on en parle aujourd'hui, ce n'est pas uniquement pour son côté démesuré et symbolique mais parce que la Tour de David est à l'origine du premier roman du britannique d'origine nigérienne J.J Amaworo Wilson.
Diplômé d'Edimbourg, globe-trotter avec plus de neuf pays à son actif de l'Égypte à la Colombie, l'auteur vit désormais aux États-Unis.
Les Dévastés, après avoir attiré l'attention de la critique suite à sa traduction en France aux éditions de L'Observatoire, est repris en Hélios, la collection de poche des Indés de l'Imaginaire. Mais que vient faire ce roman dans une collection dédié à l'imaginaire ?

Entre réel et imaginaire
Dans une mégalopole fictive du nom de Favelada, une immense tour abandonnée se dresse sur un lieu où l'on déposait autrefois des ordures.
C'est la fameuse Tour des Torres, haute de soixante étages et totalement abandonnée par les malfrats qui l'ont fait construire jadis.
Nacho, un boiteux amateur d'échecs et traducteur polyglotte à ses heures, emmène avec lui environ six cents miséreux, parias et autres indésirables pour occuper le géant de béton et en faire la demeure de ceux que la société refuse et auquel le monde a tout pris.
Ce sont les Dévastés : des drogués, des alcooliques, des putes, des anciens soldats, des réfugiés, des sans-abris, des estropiés… une communauté hétéroclite et fantasque qui va petit à petit transformer l'immeuble en une nouvelle société, un empire du système d'où chacun survit comme il peut, raccordé au réseau électrique et au réseau d'eau courante par des bricolages hasardeux.
Dès le départ, cette aventure commence sous le signe de l'irréel, de la fable mythologique, presque biblique. Pour conquérir la tour, Nacho et les siens doivent se débarrasser d'une meute de loups menée par un monstrueux loup à deux têtes, le Cerbère de la tour. Puis, peu de temps après avoir emménagé, les Dévastés doivent affronter des trombes d'eau, un Déluge qui va inonder la capitale et transformer la Tour des réprouvés en Arche des désespérés.
Avec sa plume acérée et son regard onirique, J.J Amaro Wilson transfigure les éléments romanesques du réel en une quête digne d'une véritable épopée fantasy, où les héros viennent de rien et de nul part. La bande de Nacho Morales a d'ailleurs tout d'une troupe imaginaire : le Chinois haut de 2 mètres et fort comme un boeuf, Trench et son éternel par-dessus, les jumeaux Hans et Dieter que l'on ne sépare jamais, la vieille dame et son chien à trois pattes qu'elle trimballe dans une brouette, le prêtre Don Felipe qui vit avec les dévastés sans en être un, Maria et son salon de coifur, Emil, le frère vagabond…
Cette troupe haute en couleurs personnifie le caractère hétéroclite des Dévastés et de la Tour des Torres où tout conflue : langues, nationalités, couleurs de peaux, professions, aspirations…
Les chapitres s'écoulant, l'histoire de Nacho se parsème d'autres histoires, d'autres fables sur les nombreuses guerres des ordures, sur les morts et les héros oubliés sur lesquels se sont construit la Tour. Comme le père de Nacho aimait conter des histoires à son fils, Wilson nous entraîne dans des aventures sanglantes où réel et imaginaires se mêlent, où l'on ne distingue plus les deux, où des fantômes rodent, où des enfants-soldats tuent et meurent, où les Dévastés affrontent d'autres Dévastés à l'ombre des puissants.

L'Utopie peut-elle survivre ?
Non content d'abattre les murs entre fiction traditionnelle et imaginaire mythologique, l'anglais parvient à mélanger utopie et dystopie.
Dans Favelada et les quartiers/villes qui l'environnent, la misère et l'injustice règnent, le gouvernement est violent, corrompu, impitoyable, les petites gens meurent dans l'indifférence et les Dévastés n'intéressent personne.
Pourtant au milieu de ça se dresse la Tour des Torres, lieu d'une utopie sauvage où la propriété n'a plus vraiment de sens, où les déshérités retrouvent un semblant d'humanité dans une communauté qui leur ressemble, qui s'édifie avec ses propres règles, ses propres alternatives.
Au sommet, un handicapé, un boiteux qui aime les échecs et qui s'est instruit auprès d'un père instituteur qui l'a recueilli tel Moïse entre les roseaux du Nil. Nacho devient un meneur naturel, personne ne l'a élu, personne ne l'a imposé, il est seulement posé là, dans cet immeuble où on lui fait confiance naturellement. Un immeuble et un nouveau peuple qu'il guide comme une figure biblique, n'hésitant pas à partir en pèlerinage à travers le désert pour sauver les siens, à remettre sa vie en jeu pour que vive l'utopie qu'il semble avoir créé sans en avoir conscience. Comme si, en réalité, les héros et leurs parcours se créaient de l'extérieur, à l'insu d'eux-mêmes, dans l'imaginaire des gens qui les entourent. J.J Amawaro Wilson couvre ses Dévastés d'une infinie tendresse, transforme les ordures qui les entourent en lieux fantastiques et poétiques, creusent la couche de saleté pour y dénicher le beau, le tendre, l'humain. Dans son monde dystopique où les frontières se confondent, où les nationalités s'embrouillent, où les langues se mêlent, une utopie tente d'éclore, une utopie que l'on sait voué à l'échec devant les puissants de ce monde, devant les Torres et leurs armes. Et pourtant, on rêve avec les Dévastés, avec ces gamins qui rêvent d'avoir une école et de l'électricité, avec ces gens qui veulent planter des arbres plutôt que mourir pour un patron.
De cette grande épopée, l'écrivain britannique en tire une leçon sociale, politique, culturelle et, finalement, humaine. En construisant des légendes, en rendant les miracles possibles, en refusant le désespoir, en convoquant Dieu parmi les miséreux.
Le résultat laisse ému et songeur le lecteur qui ne pensait pas vivre là une telle aventure.

Pépite cachée et véritable leçon de mélange des genres, Les Dévastés hybride utopie et fantasy, dystopie et roman social pour accoucher d'une histoire fabuleuse où le réel devient une fable.
J.J Amaworo surprend son monde et l'on en ressort définitivement plus grand.
Justaword.fr
Lien : https://justaword.fr/les-d%C..
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Avec Les Dévastés, J.J. Amaworo Wilson signe un premier roman, à la croisée des imaginaires, aussi puissant qu'original.

Dans Les Dévastés, on plonge dans le quotidien de Nacho Morales et des six cents âmes qu'il entraîne dans son sillage. Érudit au corps atrophié, Nacho a l'idée d'investir une tour de 60 étages, depuis longtemps abandonnée. Dans ce squat gigantesque, des familles errantes vont trouver refuge. Contre vents et marées, le lieu va reprendre vie. Mais très vite, ceux que l'on appelle "les Dévastés" devront braver les éléments, des politiciens mafieux, une armée corrompue et bien d'autres dangers encore. Mais tous ont confiance car l'exceptionnel Nacho les protège. Quant au principal intéressé, il est plutôt dans le doute permanent car qui peut vraiment prédire l'avenir ?

Inspiré par un fait réel, le squat vertical de Caracas au Vénézuela, J.J. Amaworo Wilson a laissé son imagination vagabonder autour d'une vie réinventée dans ce lieu emprunté. Sous la férule d'un homme, prophète ou faiseur, une société est recréé. Nacho est un être singulier, un utopiste qui souhaite donner une visibilité aux oubliés. C'est pourquoi, il voit dans la Tour des Torres, l'occasion pour ces centaines de vagabonds de ré-appartenir à une communauté, en quittant la rue afin de retrouver une humanité.

Au fil des chapitres, on découvre en Nacho, un être complexe et torturé. Profondément humaniste, il se sent investi d'une mission. Il est mystifié, on lui prête même la réalisation de miracles. Polyglotte et instruit, il n'aurait aucun mal à s'intégrer dans les hautes sphères de la société. Pourtant, il n'en fait rien, préférant tendre la main, partager son savoir et aider son prochain. Héros incroyable qui, au fil de ses rencontres, met en lumière une multitude d'autres destins. En effet, autour de lui s'agitent de nombreuses vies qu'il nous partage sous la forme d'un kaléidoscope d'histoires qui viennent enrichir ce récit étonnant et polyphonique.

Les Dévastés se déroule dans la mégalopole fictive de Favelada qui a beaucoup de similitudes avec certaines villes d'Amérique du Sud. Ici aussi les cartels font la loi et les minorités pauvres sont abandonnées à leur sort. J.J. Amaworo Wilson met en exergue une société impitoyable et cruelle vis à vis de ceux qui ne comptent pas aux yeux des dirigeants.

Mais derrière ce squat se cachent aussi l'espoir, la solidarité, l'amitié et l'amour portés par ces hommes et ces femmes qui se retrouvent pour refaire société.

On ressort finalement complètement chamboulé de cette lecture qui nous remue profondément.

En outre, pour ajouter à la fascination qu'exerce déjà ce récit, l'auteur l'a également agrémenté d'une dimension ésotérique. En effet, Nacho est parfois témoin de phénomènes étranges, teintés de notes fantastiques. Il faut dire que le sort semble souvent s'acharner sur cette communauté cosmopolite. Or, comment ne pas voir une intervention divine dans cette pluie torrentielle et infinie ainsi que dans cette invasion de libellules qui se sont, tour à tour, abattues sur eux. Et que dire de cette meute de loups subitement venue les sauver du destin funeste que leur réservaient des soldats corrompus.

Dans Les Dévastés, l'auteur nous entraîne dans une quête héroïque où finalement le merveilleux n'est jamais loin... suite sur Fantasy à la Carte
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Coup de coeur pour cet ouvrage paru aux éditions de l'Observatoire lors de la rentrée d'hiver 2019. Je tiens à remercier la maison d'édition ainsi que Babelio pour l'envoi. Après l'excellente découverte de la Saison des fleurs de flamme d'Abubakar Adam Ibrahim, voilà que les éditeurs frappent encore très fort avec ce roman aux multiples facettes.

Lors de ma lecture, je ne cessais de m'interroger : à quel genre appartient ce roman ? Anticipation, dystopie, enquête post-apo ? le moins qu'on puisse dire est que ce roman est pour moi synonyme d'universalité. On suit le personnage de Nacho Morales, c'est vrai, mais comme nous n'avons aucune indication précise de lieu (les lieux fictifs dans le roman tels que la mégalopole de Favelada font penser à divers lieux - ici aux favelas brésiliennes) ni même de langues puisque la Tour Torres où vont se réfugier les dévastés est peuplée d'êtres ne parlant pas la même langue. Cette tour, sans nul doute assimilable à celle de Babel n'est qu'un premier élément de l'inspiration biblique dans laquelle l'auteur a puisé.

Pour moi, le plus intéressant c'est véritablement ce que je nomme peut-être à tort l'universalité, la mixité des cultures et donc des langues. Je précise ici que l'auteur a parfois ajouté certaines phrases en Allemand par exemple. Pour moi, ça ajoute une certaine vraisemblance au récit (on croit un peu plus au fait que les personnages en question sont Allemands) et puis faut le dire, c'est quelque chose que je trouve extrêmement enrichissant, d'avoir ici et là des phrases dans une langue étrangère.

Les Dévastés c'est un roman de l'acceptation, de l'autre autant que de soi. C'est une histoire qui fait réfléchir sur notre époque et sur notre façon de vivre.
Je recommande à 1000% ce livre parce qu'il est quasiment parfait, parce qu'il nous donne à voir des personnages tout autant attachants que répugnants. J'ai adoré les flashbacks, mais peut-être qu'il aurait été parfois plus clair de signifier qu'il s'agissait d'un flashback ou que l'on va se concentrer sur un personnage secondaire. C'était par moment difficile à saisir.
Non, le seul mini bémol d'après moi, c'est la résolution de certains problèmes. À croire que les dévastés qui logent dans la Tour Torres sont auréolés de chance, puisque dès qu'un ennemi apparaît, bim, il semble que le monde lui-même vient les défendre.


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Dans un temps indéfini, dans une ville imaginaire, un groupe apparaît comme par magie à la faveur de la nuit, conduit par Nacho l'estropié, et s'installe dans une tour abandonnée de 60 étages.
Comment ils sont arrivés là, pourquoi ils l'ont suivi, on ne le saura pas. Pas plus que l'on ne verra la ville en elle-même, tant elle est éloignée de leur vie. Rien n'existe que cet endroit, et ce groupe de dévastés. Parias, drogués, miséreux, malfrats, issus des bidonvilles et des ordures, cet endroit est leur salut. Ils y vivent, y ouvrent des commerces. Nacho les instruit, leur offre la dignité, sorte de prophète clopinant. Car cette histoire est quasi biblique.

Le lieu est maudit, bâti sur le champ de bataille de la guerre des ordures, déclarée il y a longtemps entre bidonvilles. Gardée par Cerbère, vaisseau qui les sauve du déluge, la tour est l'enfer et la rédemption à la fois, arche de Noé construite sur une décharge gigantesque.
Est-ce un rêve ? Les fantômes crient durant les batailles, la justice divine s'abat, des miracles se produisent, les insectes envahissent les lieux, des visages de pierre sortent des eaux, un diable à 6 doigts s'en approche et un ange prend son envol depuis le toit... Nacho est christique, il y a une Marie-Madeleine sur talons de 12, Néron et Judas.

C'est l'histoire de ces dévastés, qui créent leur refuge et y cultivent la foi en une vie normale. de cette communauté liée par la misère, de ce qui peut sortir d'un tas d'ordures, le bon comme le mauvais. Ils n'existent pas aux yeux du monde, mais leur histoire est universelle. La tour pourrait bien être en Amérique du Sud, en Inde ou en Afrique, les langues se mélangent, ainsi que les sonorités, ils sont un tout. "Eux, c'est nous."
C'est la tour de Babel de ceux qui ont navigué en marge de la société. Intemporelle, universelle, inexpliquée.

Un roman intelligent, intriguant, totalement différent, absolument magistral.
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Un pays imaginaire qui fait beaucoup penser au Brésil, un gratte-ciel bâti sur des montagnes d'ordure, désert. Une colonne de fourmis, les dévastés, misérables parmi les misérables, conduite par un paralytique. le tableau est beau.

La tour - immeuble-cité - forteresse des misérables nous fait penser un peu à l'arche de Noé - les allusions à la Bible et aux miracles ne manqueront d'ailleurs part, ainsi que les traits mythologiques et fantastiques d'une histoire qui s'inscrit sur une pierre. Pour nos raconter la naissance d'un peuple ou juste... les hommes. Et la générosité.

J'ai beaucoup aimé ce petit ovni. Je savais dès le départ que j'allais apprécier. J'ai été très surprise par certaines scènes et surtout par la fin - quelques Deux Ex Machina peut-être un peu gros mais on fabrique de la légende et la légende peut tout se permettre. Au coeur du récit, les dévastés, pas moins humains que les autres, embarqués dans leur survie, naïfs, joyeux, lâches, impressionnables, bref... humains. Pour une belle histoire au milieu des poubelles qui vous fait apprécier les gens. Je me réjouis de découvrir d'autres titres de l'auteur.
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