Cartel

Certains lieux sont habités par l’horreur, elle s'infiltre dans les murs, elle envahit l'atmosphère, et son odeur vous suit après votre départ, comme si elle voulait entrer par les pores de votre peau, jusque dans votre sang, votre cœur.
Le mal à l'état pur.
Le mal au-delà de tout espoir de rédemption.

Les hommes, c'est comme les bas. Vous avez beau en prendre soin, ils finissent toujours par vous filer entre les doigts.

Quand la secrétaire annonce à Tim Taylor qu'un certain Art Keller souhaite le voir, la nouvelle provoque l'enthousiasme réservé généralement à une coloscopie.

Chuy s'amuse à taper dans un ballon, contre les vestiges d'un mur dont il ignore qu'il est d'origine maya.
La jungle regorge de ruines semblables et il s'en fout. Chuy traverse les anciennes terrasses de pierre sans savoir que c'étaient autrefois des autels, et sans avoir conscience du rapport qui le lie à ces lieux où des victimes étaient jadis décapitées et offertes en sacrifice aux dieux de la mort. Il aime ces cavernes qui parsèment la forêt, ces fissures dans le sol calcaire de la jungle, à l'intérieur desquelles il peut se faufiler pour se cacher, faire une sieste, ou simplement s'allonger pour réfléchir.

La réalité, c'est aussi qu'il existe une mentalité différente de l'autre côté de la frontière. Si vous vivez à El Paso, vous êtes un pocho, un mexicain américanisé. Vous faites vos courses dans les centres commerciaux et non dans les mercados, vous regardez le football à la place du futbol, vous devenez un consommateur de plus dans une machine gigantesque qui consomme les consommateurs.

- Il est comment, l'Americain ? demanda-t-elle à côté de son mari.
- Comme tous les Américains. Il croit tout savoir.
- Je ne savais pas que tu étais raciste, Luis.
- Je préfère me considérer comme un individu borné.

Il contemple les corps dépiautés – manière choisie par Adán Barrera pour annoncer son retour à Nuevo Laredo – en songeant qu’il devrait être plus affecté. Des années plus tôt, son cœur s’était brisé devant le spectacle de dix-neuf corps, et aujourd’hui, il ne ressent rien. Des années plus tôt, il pensait ne jamais voir un spectacle plus atroce que le massacre à la mitrailleuse de dix-neuf hommes, femmes et enfants. Eh bien, il avait tort.

"Si on peut admirer une chose chez les Américains, se dit Adán, c'est leur constance. Ils ne retiennent JAMAIS les leçons"

[Passage lu le 14 février 2018, journée qui a été marqué par une tuerie dans une école floridienne, laissant en arrière 17 vies. 18ième tuerie sur le territoire américain depuis début 2018 ]

- Les rois ne démissionnent pas, Adan. Ils restent rois ou ils meurent. Et pas dans leur lit.

Satan ne peut vous tenter qu'avec ce que vous avez déjà.