L'art japonais est devenu un élément de notre culture européenne, car il répond à des goûts de notre époque; mais il faut connaître les états successifs du développement de la gravure japonaise et les rapports entre les divers artistes pour pouvoir apprécier les efforts de chacun d'entre eux, de façon à ne pas nous contenter d'œuvres mauvaises ou d'imitations, alors que nous pouvons en obtenir de meilleures.
Au Japon, une distinction très tranchée est faite entre les écoles (riu) et les styles (je). Les écoles (riu) sont constituées par la propagation de méthodes de peinture définies dans certaines familles, renforcées par l’adoption d’étrangers qui prennent le nom du clan ; dans plusieurs cas, dont nous parlerons, ces écoles se sont ainsi prolongées pendant des siècles. Le ye (communauté de style) est au contraire une relation tout à fait flottante et externe qui correspond exactement à notre idée de style. Jusqu’à l’époque de Kanaoka, il y eût, comme nous l’avons dit, trois styles de peinture, le style chinois ( kara-ye ), le style coréen ( korai-ye ), qui peuvent tous deux être réunis, et le style bouddhique (butsu-ye). La peinture était un passe-temps raffiné pour les amateurs, prêtres et nobles.
Il est vrai que, depuis la fin du XVIIIe siècle, quelques artistes ont commencé à rompre avec ces règles et essayé d'appliquer les notions de perspective, apprises d'Europe, pour donner plus d'expression aux figures, plus de profondeur et d'unité au paysage; mais ils conservèrent tous certaines caractéristiques significatives, entre autres l'absence de modelé et d'ombres, de sorte que l'art japonais reste tout à fait opposé dans ses principes à l'art européen moderne. Pour rendre justice à cette particularité de l'art d'Extrême-Orient, il nous faut penser aux périodes où nos artistes ont poursuivi de semblables buts décoratifs, en contraste avec le but naturaliste dominant actuellement.
La peinture japonaise, ainsi que son ancêtre la peinture chinoise, diffère de la peinture européenne en ce qu'elle repousse délibérément tous les moyens de produire l'illusion. Elle ne connaît, en effet, rien de la troisième dimension (épaisseur) et se confine dans des effets décoratifs sur un seul plan ; et cependant, grâce au don d'observation, très développé chez les artistes japonais, elle est pleine de vie et de mouvement.