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Critique de motspourmots


"Un escape game, c'est comme la vie. Surtout lorsque cette vie (la mienne) est d'abord un lieu, une maison aux multiples pièces, toutes encombrées de souvenirs et peuplées de fantômes. Dans chacune de ces pièces, les traces vous racontent une histoire, les objets vous soumettent des énigmes, les morts vous confient des missions".

Je pensais m'engager dans l'un de ces parcours ludiques auxquels m'avait habituée Julie Wolkenstein depuis Adèle et moi et Les vacances, un a priori encouragé par l'évocation de l'escape game qui sert de cadre à l'intrigue et dont les règles sont remises en mémoire du lecteur dans les premières pages. Je me réjouissais déjà à la perspective de retrouver ce décor familier, Saint-Pair, la maison de famille (que j'ai cherché à situer lors d'une balade il y a quelques années mais sans avoir emporté le livre donc pas certaine d'avoir suffisamment d'indices en mémoire pour la trouver) et de me laisser prendre au jeu. Je ne m'attendais pas à tant d'émotion, pourtant prévisible à la lecture de l'extrait que je viens de citer.

Car cet artifice intelligent n'est qu'un moyen pour l'auteure de revisiter ce lieu, en bravant les repères temporels pour mieux le faire revivre à travers les âges et par-là même, redonner vie à ceux qui ont disparu. Son père. Son grand demi-frère. On la suit donc, comprenant vite que nous ne trouverons pas ici l'excitation ressentie lors d'un véritable escape game, à chercher les indices qui nous aideront à résoudre les énigmes et sortir le plus vite possible. C'est l'émotion qui prend le dessus au fil de l'évocation des scènes, des allers-retours dans le temps, des sons qui résonnent dans la maison de vacances, du fouillis qui révèle l'intimité, les amis, les grandes tablées et les soirées d'été qui s'étirent. Chaque pièce, chaque objet, le choix d'un papier peint, le contenu d'une armoire, un magazine oublié, chaque bibelot est l'élément d'un tout, l'histoire d'une famille au sens large, construite autour du célèbre père. Non, on ne cherche pas à en sortir, bien au contraire, attentif à ce que murmure chaque détail. Décrit par l'auteure avec une précision tendre et pudique, voilée de mélancolie.

J'ai compris pourquoi Olivia de Lamberterie a été aussi touchée par ce livre - hormis le clin d'oeil au magazine ELLE -, elle qui a récemment pris la plume pour parler de son frère mort avec une tout aussi élégante pudeur. J'ai parfois ressenti des émotions semblables à celles éprouvées lors de ma lecture de la cache de Christophe Boltanski, autre exploration d'un lieu de vie familial chargé de souvenirs parfois dramatiques. Peut-être parce que les lieux et les objets sont si prompts à raviver l'étincelle du souvenir imprégné par les sens. Des images arrivent, des sons, des odeurs. Il n'est pas facile de vivre avec des fantômes et les douleurs qu'ils infusent.

Beaucoup d'émotion et l'espoir que pour Julie Wolkenstein, l'objectif qu'elle évoque - "j'écris ce livre pour me sortir d'une autre sorte de cage, de prison où m'enfermait la crainte de ne plus aimer écrire, ni cette maison" - est atteint. J'ai tellement hâte de la lire de nouveau.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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