A un moment donné, nous avons tous la même destination, ai-je pensé. A un moment donné, tout, la moindre chose, chacun de nous, se mue en souvenir.
Nous avons eu treize ans. Où que nous soyons, mains et langues semblaient proliférer. Où que nos seins en bourgeon et cuisses qui s'allongeaient se deplacent, yeux doux et lèvres humectees se multipliaient.
Ma mère ne croyait pas à l'amitié entre femmes. Elle estimait qu'on ne pouvait leur faire confiance :
Je regardais mon frère observer le monde, son front droit, empreint d'une trop grande gravité, se fronçait sous l'effet de l'angoisse et de l'étonnement. Où que nous posions les yeux, nous voyions des gens s'efforcer de rêver leur départ. Comme s'il existait un ailleurs. Un autre Brooklyn.
C'est devenu l'année où j'ai disparu à fore de m'enfuir dans les pages de mes manuels.
A quinze ans, on ne peut se promettre que les choses redeviendront comme avant. Nos yeux ont grandi et nous racontent une autre histoire, plus vraie.
Je sais désormais que la tragédie ne se vit pas sur le moment. Mais dans le souvenir.
Je sais désormais que la tragédie ne se vit pas sur le moment. Mais dans le souvenir.
Je voulais ce qu'elle avaient -six pieds plantés dans le sol. Ici et maintenant.
« Qui n’a pas subi de petites tragédies au cours de sa vie ? » me demandait souvent sœur Sonja, comme si saisir la profondeur et l’ampleur de la souffrance inhérente à la condition humaine pouvait suffire à m’arracher à la mienne.