Citations sur La carte au trésor (22)
Chez l’homme des siècles à venir, le désir de viande ira toujours grandissant mais de moins en moins il osera en manger, ce que le monde entier préconise aujourd’hui c’est la nourriture végétarienne et les cures d’amaigrissement. L’existence simultanée du désir de viande et d’un idéal de santé a déjà donné jour à une contradiction aiguë, cette contradiction n’atteint bien sûr pas la violence d’une guerre mondiale, mais en infiltrant sourdement des dizaines de milliers de foyers elle engendre une souffrance insupportable chez des millions d’individus.
Le premier cas qu’il ait eu à traiter fut son père, une appendicectomie, il n’eut même pas à lui injecter d’anesthésiant, un coup de gourdin fit l’affaire, comme à la maison il n’y avait pas de teinture d’iode un peu d’alcool de riz fit office de désinfectant, et c’est à l’aide du couteau à castrer les porcs qu’il sectionna l’appendice de son père. Pour éviter que ce dernier ne foute le camp s’il lui arrivait de reprendre ses esprits, il le ficela sur le banc à égorger les cochons, d’un tissu noir il lui banda les yeux et d’un autre, blanc, il lui bourra la bouche. Les gens qui par la fenêtre assistaient à ce spectacle s’imaginèrent qu’il infligeait à son père le supplice de la planche à tigre ! Une fois remis, celui-ci tapotant sa cicatrice se promena partout en faisant de la publicité pour son fils : voilà un bon petit gars qui a pratiqué avec succès une opération sur son père, on me dit qu’il m’a trituré ça des heures durant mais personnellement je me suis réveillé comme après un bon rêve, on me dit que pratiquer une appendicectomie est une opération plus simple encore que la castration du verrat, dans ces conditions je ne vois pas pourquoi mon fils n’irait pas exercer le métier de médecin pour lequel tout le monde a du respect, plutôt que de continuer à faire les docteurs de porcs, profession qui ne fait que porter à rire.
Vous les gens de la ville tous autant que vous êtes, vous êtes des petits habiles, c’est-à-dire que vous êtes adroits mais sans intelligence, vous êtes intelligents mais sans clairvoyance, vous êtes clairvoyants mais sans sagesse, vous êtes sages mais votre pensée n’a pas d’altitude, votre pensée saurait prendre de l’altitude que vous ne sauriez toujours pas faire les imbéciles, alors que nous, nous qui comprenons les choses, savons faire les imbéciles.
[…] parce que t’es pas un paysan peut-être ? Parce que tu crois que d’avoir deux appartements à Pékin, deux épis de millet accrochés au mur et le sol recouvert de plancher vernis ou de carreaux émaillés fait que tu n’es plus paysan ? Des paysans comme toi on les plonge trois ans à mariner dans un bain d’eau salée, trois ans à bouillir dans du jus de sang et trois ans enfin à rincer dans de l’eau minérale, une fois sec eh bien c’est toujours paysan.
Cette histoire, du début à la fin, ne contient qu’une seule parole vraie –cette histoire, du début à la fin, ne contient pas une seule part de vrai.
L’odeur onctueuse des raviolis, on jurerait mille doigts souples et griffus venus nous caresser l’estomac […].
« N’est pas hutu qui veut. Il est difficile d’être intelligent, plus difficile d’être hutu, plus difficile encore de passer d’intelligent à hutu. Lâcher prise, se retirer, immédiatement apporte paix et plénitude, et cela bien mieux que les louanges et les distinctions. »
Zheng Banqiao
C’est vrai, demande-t-il les yeux rougissants, tu serais triste si je mourais ? t’essayes pas de m’avoir ? mais pourquoi est-ce que ma mort te rendrait triste ? Les gens sont tristes quand meurt le petit chien, jamais pour une personne, à moins que cette personne ne soit un parent proche, et même s’il s’agit d’un parent proche les gens ne sont pas tristes pour autant.
Ecoute mon gars, dit Make, je commence à me rendre compte que ces quelques années d’existence en ville t’ont rendu légèrement sinoque. Qu’importe la viande puisque ça se laisser manger, qu’importe que le chat soit noir ou blanc, s’il attrape le rat c’est un bon chat, de même qu’importe la farce, si t’es ravi c’est un bon ravioli !
[…] mon pote, j’ai tout traversé, du nord au sud, de Nankin à Pékin, des pays les plus lointains au cœur de la Chine, et jamais je n’ai entendu dire que boire trop de bière était dangereux pour la santé, la bière qu’est-ce que c’est ? du pain liquide, la même chose que les petits pains chauds qu’on mange chez nous au village, en quoi ça pourrait faire du mal ?